David (Benjamin Lavernhe) est kinésithérapeute à Briançon. Il forme avec Gabrielle (Julia Piaton) et les deux enfants qu’elle a eus d’un homme dont elle est en train de se séparer une famille recomposée épanouie et heureuse. Mais cet équilibre est rompu le jour où le jeune Jocojayé, un Guinéen qui vient de franchir illégalement la frontière franco-italienne et que les gendarmes poursuivent, se jette sous les roues du 4×4 familial. Sans y réfléchir, répondant à l’impératif de fraternité et d’hospitalité qui s’impose spontanément à lui, David le recueille et le cache. Il le confie au Refuge, une association briançonnaise qui accueille les demandeurs d’asile et les accompagne dans leur démarche.
Si un ami député ne m’avait pas invité à l’avant-première des Engagés à l’Assemblée nationale, je ne serais pas allé le voir tant ce film m’inspirait des réticences. Ces préjugés étaient de deux ordres : j’en redoutais la bien-pensance et le manichéisme.
Bien-pensant voire partisan, Les Engagés l’est assurément. Mais comment ne pas l’être sur un tel sujet ? Comme le rappelait dans le débat qui a suivi le film Raquel Garrido – et Dieu sait que pourtant je ne goûte que rarement les interventions publiques de cette députée LFI inutilement clivante – l’hospitalité est une valeur que toutes les civilisations défendent. En haute-mer comme en haute montagne, porter secours au voyageur qui se noie, qui s’échoue, qui se perd, qui risque de mourir de froid, est un impératif catégorique qui s’impose à chacun de nous.
Notre droit positif méconnaît ce principe. Il a de bonnes raisons de le faire. Laisser transiter à travers nos frontières des étrangers extra-européens que la misère et la recherche d’une vie meilleure ont poussés à quitter leur pays sans pourtant pouvoir invoquer un des motifs qui leur permettraient de revendiquer l’asile politique, ce serait créer un appel d’air qui risquerait de mettre à mal l’intégration des étrangers déjà présents en France avec un titre légal de séjour.
David et ses amis du Refuge refusent d’appliquer une loi qu’ils estiment inique. Ils rejouent le drame d’Antigone, toujours d’une brûlante actualité, au risque de mettre leur vie privée et leur équilibre personnel en danger. Le parallèle avec la Résistance et la traque des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale est sans doute excessif mais vient immédiatement à l’esprit.
Le second écueil sur lequel Les Engagés aurait pu se fracasser est le manichéisme. Le scénario co-écrit par Emilie Frèche – dont c’est la première réalisation après avoir signé plusieurs livres et plusieurs scénarios dont le facteur commun est l’engagement contre le racisme et l’antisémitisme – évite cet écueil. David et ses amis du Refuge sont certes parés des plus nobles vertus. Ils ne sont ni anarchistes ni révolutionnaires : « Que voulais-tu que je fasse ? crie David à sa compagne. je n’allais pas laisser ce gamin mourir de froid dans la montagne ». Qui n’aurait pas cette réaction ? Ou, pour poser la question avec plus d’honnêteté et ne pas paraître plus héroïque qu’on ne l’est quotidiennement, qui n’aimerait pas avoir cette réaction-là ? C’est le personnage de Lili, la fille adolescente de Gabrielle, avec son hospitalité instinctive et sa douleur brute, qui m’a le plus touché. Mais c’est le personnage de Bruno Todeschini que j’ai le plus apprécié, dont on découvre tardivement la profession aux deux tiers du film. Sans lui le film aurait été bancal.
Qu’on soit de droite ou de gauche – mais être de gauche aide – on ne pourra qu’être touché par Les Engagés.