Pauline Kael (1919-2001) fut en son temps la plus féroce et la plus célèbre critique de cinéma américaine. Née en Californie, Kael s’essaie à la création artistique après des études à Berkeley. Elle commence par hasard à écrire des critiques de cinéma en 1953 – en assassinant Les Feux de la rampe de Charlie Chaplin – avant de rejoindre The New Yorker en 1967 dont elle tient la rubrique cinématographique jusqu’à son départ à la retraite en 1991.
Pauline Kael refusait tout intellectualisme et toute théorisation. Pour elle, voir un film était une aventure avant tout subjective. Ses critiques, rédigées à la première personne, évoquaient fréquemment son état d’esprit, la salle, les réactions des autres spectateurs, autant de facteurs qu’une critique orthodoxe et désincarnée tait traditionnellement.
Pauline Kael est entrée dans l’histoire du cinéma pour ses coups de gueule et pour ses coups de cœur. Les premiers sont restés les plus célèbres : La Musique du bonheur, La Dolce Vita, L’Année dernière à Marienbad, Lawrence d’Arabie, West Side Story, 2001, Odyssée de l’espace, Shoah (ce qui lui attira le reproche d’être une Juive antisémite), Apocalypse Now, Blade Runner… Au contraire, elle défendit avec acharnement les jeunes réalisateurs de la Nouvelle vague américaine : Scorsese dont elle lança la carrière avec sa critique de Mean Streets, De Palma, Altman, Peckinpah…
Ses engouements comme ses détestations étaient imprévisibles ; car sa pensée ne faisait pas système. C’était sa principale qualité, son principal défaut aussi. Aujourd’hui, à une époque où Internet a permis à n’importe qui – moi y compris – de s’ériger en critique de cinéma au risque de tout ravaler, on n’imagine pas le poids et l’influence qu’ont pu avoir les articles hebdomadaires de Pauline Kael sur l’industrie du cinéma des 70ies et des 80ies. Elle s’est attiré une foule d’ennemis, blessés à mort par les propos parfois cruels qu’elle a tenus sur eux, et beaucoup d’admirateurs inconditionnels.
C’est à eux que Rob Garver, dans un documentaire très sage qui, comme c’est souvent le cas, a le défaut de verser souvent dans l’hagiographie, donne la parole : Quentin Tarantino, Paul Schrader, David O. Russell… Le résultat ne mérite sans doute pas les trois étoiles que je lui donne ; mais ce documentaire touche un sujet qui m’est tellement cher qu’il rentre immédiatement avec son héroïne dans mon panthéon personnel.