Youssef Salem (Ramzy Bedia), la quarantaine bien entamée, vient de publier son premier roman. Le Choc toxique raconte la relation compliquée d’un enfant issu de l’immigration à la sexualité et à l’intime. S’il ne s’agit pas d’une autobiographie, ce roman s’inspire très largement de l’enfance et de la famille de Youssef. Pour ce motif, l’écrivain redoute que son père et sa mère en découvrent le contenu. Mais la célébrité grandissante de son ouvrage, boostée par la polémique provoquée sur les réseaux sociaux par les déclarations de son auteur et par sa sélection pour le Goncourt, va mettre en péril son désir d’anonymat.
Baya Yasmi est désormais une personnalité installée du cinéma français. Elle a co-signé le scénario de plusieurs films de Michel Leclerc, son compagnon, parmi lesquels Le Nom des gens, dans lequel Sara Forestier jouait une militante de gauche qui couchait avec des électeurs de droite pour les convaincre de changer leur vote, et La Lutte des classes, qui mettait en scène un couple de bobos parisiens (interprétés par Leïla Bekhti et Edouard Baer) tiraillé entre leurs convictions politiques et l’éducation de leur fils (je glousse encore à l’évocation de la scène où les paroles anarchisantes des morceaux de hard rock joués par Edouard Baer resurgissent durant l’entretien qu’il doit passer devant un directeur d’école catholique pour y faire entrer son fils).
Baya Yasmi avait déjà signé un film, Je suis à vous de suite, dont j’écrivais à sa sortie en 2016 qu’il était « un bijou d’originalité ». On retrouve dans Youssef Salem… quelques uns des acteurs de ce précédent film – Ramzy Bedia au premier chef, mais aussi Vimela Pons et Lyes Salem – et on se plaît à imaginer qu’ils constituent une bande soudée par une longue amitié qui aime à se réunir autour d’un méchoui – ou d’un cassoulet (voir infra).
J’ai retrouvé dans Youssef Salem tout ce que j’avais aimé dans ces précédents films.
En premier lieu, on y rit. On y rit beaucoup. Et ce n’est pas rien en ce janvier maussade et en cette période de grèves, de rigueur énergétique et d’instabilité géopolitique qui n’incite guère à la légèreté.
On y rit ; mais on y rit intelligemment, en questionnant les sujets de société qui tiennent à cœur à cette réalisatrice, femme de gauche, laïque, féministe, issue de l’immigration et fière d’en être, mais refusant d’avoir à administrer la preuve de sa francité ou de son adhésion aux valeurs de la République. Comme Le Nom des gens ou La Lutte des classes, Youssef Salem… est un film qui mêle l’intime et le politique. Il interroge le statut de l’écrivain, celui de l’artiste, auquel est constamment renvoyée sa propre biographie. Mais il interroge aussi la place et le statut de l’Arabe de la seconde génération dont le désir d’invisibilité ou le « droit à la médiocrité » – que revendique lors d’un débat télévisé homérique le héros – est constamment mis en échec par les injonctions contradictoires d’une extrême droite racisante et d’une extrême gauche identitariste.
Youssef Salem… pourrait n’être qu’une succession de vignettes drôles et intelligentes. Mais c’est plus que cela. Elles s’enchaînent dans une histoire comme je les aime, avec un début, un milieu et une fin, sans flashbacks inutilement acrobatiques, ni ellipses savamment déroutantes. Ramzy Bedia, longtemps cantonné à des rôles comiques, y démontre la richesse de sa palette. Les seconds rôles y sont excellents, à commencer bien entendu par Noémie Lvovsky, toujours étonnante, et Melha Bédia qui incarne le rôle de la petite sœur du héros, en révolte permanente contre le mépris, réel ou fantasmé, dans laquelle elle s’estime tenue du fait de son sexe, de sa culture ou de sa morphologie (on, apprend grâce à elle un nouveau mot : l’islamo-grossophobie).
J’ai beau chercher, je ne trouve à ce film qu’un seul défaut : son titre.
Bonjour,
J’ai vu ce film hier soir, pas nombreux dans la salle…. j’ai la chance d’avoir un petit cinéma de quartier.
Ce film est en effet très réussi, j’ai adoré le partage du film en plusieurs parties.
C’est fort en rire et en émotion, on rit beaucoup…
A bientot
J’en suis ravi !