En 1947, dans une longère perdue au fond des bois, un riche propriétaire au crépuscule de sa vie reçoit une sorte de détective privé pour lui demander de retrouver sa fille kidnappée par sa mère en Chine.
On comprend que le long face-à-face est une scène d’un film dont le tournage en 1990 a dû s’interrompre après la disparition d’un des deux acteurs. Vingt-deux ans plus tard, le réalisateur, contacté par une chaîne de télévision, replonge dans ce passé douloureux.
Pour comprendre et apprécier Fermer les yeux, il ne faut pas arriver vierge au cinéma mais avoir fait ses devoirs. Il faut savoir que son réalisateur, Victor Erice, est un monstre sacré du cinéma espagnol, qu’il a quatre-vint-trois ans et qu’il a réalisé en tout et pour tout quatre longs-métrages, le premier remontant à 1973 (où jouait déjà Ana Torrent qu’on revoit ici) et le dernier en date de 1992. Ces éléments en main, on comprend deux choses. La première : le style étonnamment démodé de Fermer les yeux qui s’ouvre par un interminable dialogue qu’on croirait tout droit sorti d’un vieux film de Buñuel. La seconde : l’écho troublant entre la vie de Victor Erice, ses difficultés à produire ses films, sa tentation de se retirer du monde, sa foi inébranlable dans le pouvoir démiurgique des images et les deux personnages du réalisateur, qui part à la recherche de son acteur évanoui, et de l’acteur qui, dans le film, était chargé de retrouver l’enfant disparu d’un vieillard moribond.
Mais hélas – et c’est un problème récurrent – on ne va pas toujours voir un film après s’être préalablement documenté sur lui. Certains de mes amis font d’ailleurs profession de ne jamais rien en lire avant la séance pour ne pas être influencés. Je ne partage pas une telle radicalité – et je ne la prône pas car elle me priverait de 90 % de mes lecteurs ! – mais je reconnais à chacun le droit de faire comme il l’entend. Et en tout état de cause je n’imagine pas qu’on oblige les spectateurs de Fermer les yeux à se renseigner sur la vie de Victor Erice avant de leur donner leur billet d’entrée.
Le problème est que, sans ces clés-là, que je n’avais pas, je n’ai pas compris grand-chose à ce film et ai trouvé le temps bien long. Car Fermer les yeux dure deux heures quarante neuf minutes, une durée obèse que rien ne vient justifier. Aurait-il été amputé de moitié, il eût été probablement plus comestible. Mais cette soupe tiédasse diluée pendant une durée interminable devient vite insupportable. D’autant que la conclusion qu’elle nous fait miroiter nous laisse sur notre faim.