Anselm Kiefer est peut-être l’un des plus grands peintres allemands contemporains. J’avoue l’avoir découvert tardivement, l’an dernier, au Grand Palais Éphémère sur le Champ-de-Mars. J’en ai gardé un souvenir inoubliable. Wim Wenders, qui connut très jeune le succès pour ses premiers films (L’Ami américain, Paris, Texas, Les Ailes du désir…) avant d’abandonner le terrain de la fiction pour celui du documentaire (Buena Vista Social Club, Pina, Le Sel de la terre…) reste peut-être le plus grand réalisateur allemand contemporain.
La rencontre de ces deux monstres sacrés ne pouvait qu’être fascinante.
Wim Wenders utilise le même procédé que celui qu’il avait utilisé il y a une dizaine d’années pour filmer les chorégraphies de Pina Bausch : la 3D. J’ai pris un plaisir régressif à retrouver au fond d’un tiroir les lunettes que j’avais achetées pour aller voir Avatar en 2010 et à les chausser. Mais je ne suis pas totalement convaincu de l’utilité de cette technologie qui se justifiait peut-être pour filmer un ballet mais pas nécessairement une peinture : un ballet est un spectacle vivant dans lequel la caméra 3D permet de s’immerger alors que la peinture, aussi monumentale et réussie soit-elle, reste une œuvre inerte et bi-dimensionnelle.
Pour autant, le documentaire de Wim Wenders n’est pas sans intérêt qui éclaire les toiles écrasantes du peintre allemand en rappelant les sources de son inspiration, notamment les ruines de la nation allemande dans lesquelles il est né en 1945. C’est là que le documentaire s’avère un médium particulièrement bien adapté pour pénétrer l’œuvre d’un peintre en nous la faisant comprendre.
Wim Wenders est un trop grand réalisateur pour mener banalement cette entreprise. Certes il a recours à quelques documents d’archives, où l’on découvre le jeune Kiefer – et sa déroutante coiffure. Mais le plus intéressant sont les images filmées aujourd’hui, dans sa résidence du Sud de la France, qui, compte tenu de la taille de ses toiles, ressemble plus à un hangar aéronautique qu’à l’atelier d’un peintre. On y voit cet homme, étonnamment ingambe pour son âge, manier le couteau ou même le lance-flammes pour donner à ses toiles leur texture si caractéristique, à laquelle on reconnaît immédiatement leur auteur.
Les fans d’Anselm Kieffer n’auront pas attendu ma critique pour courir voir ce documentaire. Je conseille à tous les autres, ceux qui ne le connaissent pas mais sont curieux d’art contemporain, de faire de même.