Annoncé au départ comme devant former une mini-série de six épisodes d’une heure chacun, La Ballade de Buster Scruggs est finalement un film à sketchs de deux heures. On y croise un as de la gâchette amateur de bel canto, un braqueur de banque malchanceux, un homme-tronc et son impresario, un chercheur d’or têtu, une jeune femme en route vers l’Oregon et cinq voyageurs dans une diligence.
La soixantaine passée, les frères Coen se font rares. Leur célébrité remonte aux années 90 avec Barton Fink, Palme d’or à Cannes en 1991, et Fargo en 1997 ; mais elle ne se dément pas dans les années 2000 avec sans doute leur meilleur film No Country for Old men, Oscar du meilleur film et des meilleurs réalisateurs (au pluriel) en 2008. En revanche, on les voit moins depuis quelque temps : Inside Llewyn Davis remonte à 2013 et Ave, César !, leur dernier film au cinéma en 2016 était un échec.
On attendait beaucoup de leur collaboration avec Netflix – même si on pestait in petto de ne pas voir leur réalisation en salles. Une mini-série était annoncée ; finalement ce fut un film à sketchs annoncé dans un communiqué de presse plein d’humour : « Nous avons toujours aimé les films à sketchs, surtout les films italiens des années 1960, qui mettent côte à côte les œuvres de différents réalisateurs autour d’un même thème. Nous avons essayé de faire la même chose en écrivant un western à sketchs, dans l’espoir de s’entourer des meilleurs réalisateurs du moment. Par chance, ils ont tous les deux accepté de participer. »
À la différence des films italiens des années soixante qui agglutinaient des séquences très inégales, les six sketches de La Ballade de Buster Scruggs (ce titre renvoie en fait au premier sketch) frappent par leur homogénéité. On retrouve dans chacun le soin apporté à l’image, presque soyeuse, de la nature sauvage du Wild West, à l’interprétation qui rassemble quelques-unes des stars les plus connues de l’époque (James Franco, Liam Neeson, Brendan Gleeson…) et surtout cet humour noir si particulier qui distingue les films des frères Coen.
Comment le qualifier ? Même si la mort y a souvent maille à partir, il ne s’agit pas à proprement parler d’humour noir. Il ne s’agit pas non plus d’un humour cynique, grinçant ou sardonique à la Tarantino. Car il s’y glisse une part non négligeable de tendresse et de douceur.
La Ballade de Buster Scruggs se déguste gentiment, au rythme d’un cheval qui cheminerait au pas. Confortablement installé devant sa télévision, on peut, entre chaque épisode, interrompre sa vision pour aller faire autre chose. Plus de deux heures s’écoulent lestées de quelques pauses additionnelles. La Ballade de Buster Scruggs n’aura pas révolutionné le cinéma, mais aura fait passer un bon moment.