Milad et Jamil sont deux frères syriens qui ont choisi en 2015 de quitter leur pays en guerre. Leur cousin, Wassim, les a filmés avec son camescope au moment de leur départ et pendant les cinq années suivantes.
La guerre en Syrie et les drames humains qu’elle suscite a nourri tout un filon cinématographique que la miniaturisation des moyens de tournage facilite et encourage : Little Palestine, le journal d’un siège d’un camp de réfugiés palestiniens près de Damas, Pour Sama ou Still Recording avec des images volées durant le siège d’Alep, sans parler des reportages tournés dans les rangs de la résistance kurde (Filles du feu) ou de ceux sur les traces funestes laissées par Daesh (Notturno, 9 jours à Raqqa).
Bien sûr, il n’est pas ici question de minorer la tragédie syrienne et les drames humains qu’elle a causés. Il s’agit pour moi seulement de pointer le risque d’un trop-plein autour d’un sujet vu et revu.
Ceci dit, la critique pourrait sembler injuste et sévère pour le documentaire de Wissam Tanios qui n’a pas à proprement parler la guerre en Syrie pour sujet. Elle constitue uniquement l’arrière-plan historique qui contraint ses cousins à l’exil. C’est à cet exil que le réalisateur s’intéresse, comme le titre de son documentaire l’annonce sans ambiguïté.
Loin de chez nous comporte deux parties distinctes. La première se déroule entre Damas et Beyrouth où, un temps, Milad et Jamil se sont installés. On les y suit dans la lente maturation de leur décision, dans la préparation du départ et dans sa mise en oeuvre, sur un radeau pneumatique entre Bodrum et Kos. On vit avec eux leur entrée en Grèce, stressé par l’attente, la confiance chichement accordée au passeur dont on redoute qu’il disparaisse avec le prix du trajet, la peur du naufrage… et finalement soulagé au terme d’une petite balade en bateau somme toute anodine.
La seconde se déroule en Europe, à Berlin ou à Stockholm où on suit l’évolution des deux frères. Milad s’est installé à Berlin pour y vivre de sa passion, la musique. Moins original, Jamil est parti à Stockholm où il exerce le métier de son père et de son grand-père, la menuiserie. Wassim a la sensibilité de trouver le trait d’union entre ces deux destins assez dissemblables : il s’agit de l’atelier de menuiserie familial où les enfants ont grandi à Beyrouth. Cette madeleine éveille une douce nostalgie ; mais elle ne suffit pas à nous emporter.