Sawyer (Claire Foy) est une working girl au bord du burn out, qui se relève difficilement d’une expérience douloureuse : elle a dû quitter Boston pour fuir un amoureux trop pressant. Après avoir consulté un docteur et lui avoir fait la confession de ses névroses suicidaires, elle se retrouve contre son gré enfermée dans une unité de soins psychiatriques. Elle y retrouve l’homme qui la persécutait.
Steven Soderbergh a annoncé plusieurs fois qu’il quittait le cinéma. Il n’en a rien fait. Et c’est tant mieux. Après une Palme d’Or et quelques uns des titres les plus fameux du cinéma des années 2000 (Traffic, Ocean’s Eleven, Erin Brockovich…) le petit génie n’a certes plus grand chose à prouver. Mais il a encore beaucoup à donner. Ces derniers films le montrent qui oscillent entre deux courants : des comédies dramatiques mainstreams qui s’attachent à des personnages décalés (Ma vie avec Liberace, Magic Mike, Logan Lucky) et des thrillers qui jouent efficacement avec nos nerfs (Piégée, Contagion, Effets secondaires…).
Paranoia appartient clairement de la seconde catégorie. S’il n’était pas signé par l’un des réalisateurs les plus connus du moment, il pourrait aisément passer pour le premier film d’un wonder kid. Il en a l’apparence, tourné à l’économie, sur un mode quasi-documentaire. Il en a aussi les ingrédients : un mélange à la Get out entre une intrigue assez conventionnelle (une femme persécutée par un harceleur) et un message politique (les dérives des cliniques privées qui hospitalisent d’office leurs patients). La juxtaposition de ces deux sujets pourrait sembler par trop artificielle sans l’habileté des deux co-scénaristes, Jonathan Bernstein et James Greer.
Paranoia nous prend en otage. Le spectateur s’identifie à la malheureuse Sawyer (Claire Foy aussi convaincante à Buckingham Palace que dans une cellule capitonnée) dont la fragilité laisse un doute sur la réalité des perceptions : est-elle, comme elle le clame, la victime innocente d’une machination ou, au contraire, une malade qui a authentiquement besoin de soins ? L’hypothèque est hélas levée à la moitié du film. On craint alors une succession prévisible d’événements qui débouchera sur deux fins possibles : soit Sawyer parvient à se libérer, soit elle n’y parvient pas. C’est en effet la voie que suit le film dans sa seconde moitié. Jusqu’à une ultime scène qui ré-instille un peu d’ambiguïté là où on craignait qu’elle ait complètement disparu.