Dans la Corée des années 30, au temps de l’occupation japonaise, une servante est recrutée par une riche héritière prisonnière d’un oncle lubrique dans un immense manoir inquiétant. La jeune domestique est en fait une jeune arnaqueuse qui, avec la complicité d’un faux comte japonais, espère mettre la main sur l’héritage de sa maîtresse. Sauf que les choses sont moins simples qu’il n’y paraît et que l’arnaque n’est peut-être pas là où on la pressent.
Le réalisateur coréen Park Chan-wook est au sommet de son art avec cette adaptation d’un thriller victorien. Transposé au Pays du matin calme, l’action de « Du bout des doigts », le roman de Sarah Waters, s’orientalise. Il se leste d’un érotisme diffus, avec son lot d’estampes japonaises et de boules de geisha. Il s’enrichit surtout d’une esthétique fétichiste qui fait de chaque plan sublimement photographié une œuvre d’art.
À la différence de « The Assassin », que j’avais trouvé d’une beauté stérile, cette mécanique est au service d’un double projet. Le premier est un scénario diaboliquement complexe dans la veine des plus manipulateurs des réalisateurs. Comme dans « Rashomon », la même histoire va être envisagée de plusieurs points de vue : dans la première partie du film du point de vue de la servante, dans la seconde de celui de la maîtresse.
Mais « Mademoiselle » ne vaut pas seulement par ses twists machiavéliques (et parfois un peu prévisibles). C’est surtout un splendide portrait de femmes, une merveilleuse histoire d’amour (ah! la scène de la baignoire !), un pamphlet féministe audacieux. Bref c’est tout à la fois « Downton Abbey », « L’Empire des sens » et « La Vie d’Adèle ». Pas mal pour un film dont on pardonnera du coup ses deux heures vingt-quatre.