Une famille heureuse ★★★☆

Manana est professeure de lettres dans un lycée de Tbilissi. Elle fête son cinquante-deuxième anniversaire dans l’appartement qu’elle partage avec son père grabataire, sa mère envahissante, son époux taiseux, sa fille et son gendre éperdument amoureux, son fils amorphe. Une famille ordinaire ? Sans doute. Une famille heureuse ? Pas si sûr. Car devant toute sa famille attablée, Manana annonce son intention de quitter le foyer et de s’installer seule ailleurs.

Un film en forme d’oxymore. Nana & Simon, un couple à la ville, filme à l’écran les apories d’une famille heureuse. Comme on les connaît, comme on les aime. Bruyantes, hautes en couleurs. Vivant au rythme de dîners pantagruéliques où tout le monde parle, se coupe la parole, s’admoneste – la mise en scène est admirable qui réussit à rendre parfaitement lisible ces scènes excessivement confuses …. et on ne peut s’empêcher une pensée solidaire pour l’auteur des sous-titres qui a dû avoir bien du mal pour décider ce qu’il fallait retranscrire de ces voix enchevêtrés.

Une famille heureuse est à la fois un film terriblement exotique et absolument universel.
Un film terriblement exotique. L’action se déroule en Géorgie. Je ne l’avais pas compris en en voyant la bande-annonce et, faute de reconnaître le géorgien et ses intonations, hésitais : Turquie ? Arménie ? Bosnie ? Pour qui comme moi maîtrise mal sa géographie, la Géorgie est un espace d’autant plus fascinant qu’on le situe mal. Pas tout à fait méditerranéen. Pas vraiment européen. De moins en moins soviétique. Toujours un peu slave. « Une famille heureuse » porte la trace de cet atavisme. Il documente le poids de la famille dans la société géorgienne patriarcale, la difficulté de s’en affranchir, le regard toujours envahissant des parents et des amis qui limitent sinon interdisent l’autonomie, surtout celle des femmes.

Un film absolument universel. Mais pour autant, Une famille heureuse traite d’un sujet universel : la crise de la quarantaine au féminin. C’est un pont-aux-ânes du film français : Aurore, Marie-Francine pour ne citer que deux films sortis ces dernières semaines. Mais, ce qui est intéressant est qu’en France, la cinquantenaire déprime car elle vit seule et cherche éperdument à refaire sa vie. Alors que la cinquantenaire géorgienne déprime parce qu’elle vit dans un appartement trop bruyant au milieu d’une famille envahissante dont elle veut se séparer.

La bande-annonce

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