Gilles Perret, savoyard revendiqué, s’est fait une réputation de documentariste sérieux et engagé en traitant à bras le corps des sujets austères : l’histoire industrielle (De mémoire d’ouvriers, 2011), la mise en œuvre du programme du Conseil national de la Résistance (Les Jours heureux, 2012), la création de la Sécurité sociale (La Sociale, 2016).
Il a suivi au jour le jour la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon de février à avril 2017.
Difficile de critiquer un documentaire sur Jean-Luc Mélenchon sans critiquer Jean-Luc Mélenchon. Car le personnage clive. Soit il séduit ; soit il horripile.
Gilles Perret n’avance pas masqué. De gauche voire d’extrême-gauche, il confesse sa sympathie pour le candidat de la France insoumise ou, à tout le moins, pour les idées qu’il a portées durant cette campagne présidentielle chamboule-tout. Il ne nous fait pas croire en une impossible neutralité – que revendiquait Depardon en 1974 mais que tout son fameux documentaire 1974, une partie de campagne contredit.
Et l’image qu’il donne de Jean-Luc Mélenchon est largement positive. Ses qualités sont exaltées : sa formidable énergie, sa capacité de travail, son aisance oratoire et surtout son attachement aux petits, aux sans-grades. Ses défauts sont excusés : ses accès de colère sont présentées comme une force de caractère et un signe d’authenticité, son histrionisme est la marque d’une légitime ambition, son soi-disant autoritarisme est corrigée par les nombreuses séquences où on le voit recueillir les avis et les conseils de son comité de campagne.
Est-ce à dire que le portrait de Gilles Perret vire à l’hagiographie ? Ce serait lui faire un procès injuste. Car Gilles Perret est sincère. Sincère quand il décrit un candidat vieillissant, agacé par le jeunisme d’un Macron, incapable de lire autrement qu’à travers les œillères étriquées d’un marxisme daté. Sincère quand il le suit le soir du premier tour, convaincu qu’il se qualifiera d’un cheveu pour le second, s’accrochant aux sondages qui le lui font miroiter et tardant, du coup, à accepter la défaite et à appeler à voter pour Emmanuel Macron et contre Marine Le Pen.
Quelle que soit l’opinion qu’on a de Jean-Luc Mélenchon, L’Insoumis mérite d’être vu. Il ne fera changer d’avis personne : ceux qui l’aiment l’aimeront sans doute un peu plus – et verseront une larme sur cette campagne pleine d’espoir. Ceux qui le détestent ne le détesteront pas moins – même si peut-être ils lui reconnaîtront plus d’humanité qu’ils ne lui en avaient soupçonné.