L’île de loisirs est une base nautique construite dans un méandre de la Seine près de Cergy-Pontoise. Guillaume Brac y a posé sa caméra l’espace d’un été, y filmant ses usagers : des ados dragueurs, des retraités nostalgiques, des gamins resquilleurs, un veilleur de nuit guinéen, un Adonis du pédalo, des Philippins qui jouent à la balle à la nuit tombée…
Guillaume Brac fait partie de ces nouveaux réalisateurs qui avec Antonin Peretjatko (La Fille du 14 juillet), Justine Triet (La Bataille de Solférino) et Thomas Salvador (Vincent n’a pas d’écailles) sont en train d’insuffler un grand courant d’air frais dans le cinéma français. Il a tourné dans l’île de loisirs de Cergy Pontoise un marivaudage rohmérien qui sortira le 25 juillet. En ouverture de rideau, il nous livre son making of inspiré qui en décrit le cadre dépaysant : une base de loisirs aux portes de la capitale, un morceau de banlieue loin des clichés de la banlieue.
On pourrait y voir à première vue un documentaire dans la veine des chefs d’oeuvre de Frederik Wiseman (Ex Libris, In Jackson Heights…) : le décryptage d’une institution et de ses règles de pouvoir. C’est l’impression que donnent les scènes filmées avec le directeur et son adjoint sécurité qui tentent tant bien que mal de faire régner l’ordre sur la base.
Mais là où Wiseman ausculte les règles, Brac préfère montrer leur transgression. Il filme avec tendresse des gamins resquilleurs qui tentent de s’introduire sur la base sans payer, des plongeurs qui attendent que les vigiles aient le dos tourné pour nager dans une zone de baignade interdite, des moniteurs qui se sont laissés enfermer dans le parc à la nuit tombée…
De briques à Brac. Le documentaire procède de rencontres en rencontres, sans logique apparente, au risque parfois de la platitude et de la répétition. Il aurait pu durer une demie heure de moins ou, comme un documentaire de Wiseman, trois heures de plus. Autre défaut : il cède parfois à la célébration béate d’un vivre-ensemble sans accroc, comme si les pathologies des banlieues (pauvreté, enclavement, communautarismes, incivilités) trouvaient soudainement leur antidote en maillot de bain.
Pour autant, la caméra de Guillaume Brac a une vertu rare : sa bienveillance. Chacun des personnages qu’elle filme est fait du lait de la tendresse humaine, même ce retraité qui se lance dans une histoire scabreuse qu’on craint l’espace d’un instant de voir dériver. Brac filme un bout d’Eden, la magie de l’enfance éternelle, où le temps semble suspendu, sans ignorer que l’été se terminera bientôt et que la pluie de septembre obligera les estivants à quitter le parc.