Anna (Judith Chemla) et Adam (Arthur Igual) sont juifs d’origine polonaise. Ils viennent de se marier. Ils confient aux bons soins des parents d’Anna leur nourrisson pour partir en voyage de noces. Si Adam serait volontiers parti à New York, Anna a décidé de se rendre en Pologne sur les traces de leurs deux familles.
Aucune tromperie sur la marchandise : le trailer de Lune de miel annonce la couleur. Il s’agira d’entrelacer comédie de couple et enquête sur les origines.
Sur les deux terrains le pari est réussi.
On rit beaucoup au personnage d’Anna qu’interprète la décidément remarquable Judith Chemla qui a réussi à se frayer patiemment un chemin jusqu’à la tête d’affiche depuis son passage à la Comédie-Française et sa nomination en 2013 au César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Camille redouble. Elle est hilarante en ashkénaze hystérique, couturée de complexes, entretenant avec sa mère (impeccable et trop rare Brigitte Roüan) une relation compliquée, enthousiasmée au-delà du raisonnable de ce pèlerinage sur les traces de ses ancêtres. Face à une telle tornade, Arthur Igual fait le pari réussi de la sobriété.
Si Lune de miel fait rire, il réussit aussi à émouvoir. On aperçoit dans la bibliothèque de l’appartement parisien du couple une exemplaire des Disparus de Daniel Mendelsohn, poignante enquête historique sur les traces des ancêtres juifs polonais de l’auteur. On pense aussi à Tout est illuminé, le roman de Jonathan Safran Froer porté à l’écran par Liev Schreiber avec Elijah Wood dans le rôle principal. Sans avoir l’air d’y toucher, Lune de miel évoque en trois plans la disneylandisation de la Shoah dans laquelle a viré l’industrie touristique à Cracovie avec ses tours guidés à Auschwitz et ses concerts de musique klezmer, le devoir de transmission à travers le personnage d’Evelyn Askolovich, qui raconte sa déportation à Bergen Belsen et enfin l’oubli lourd d’antisémitisme et teinté de négationnisme dans lequel tombe irrésistiblement cette mémoire.