La Vie invisible d’Eurídice Gusmão ★★★☆

À Rio, au début des années cinquante, Eurídice et Guida sont les deux filles d’un couple de la petite bourgeoisie carioca. Une amitié indéfectible unit les deux sœurs que le destin va briser.
Guida, l’aînée, va en effet déserter le foyer familial pour suivre en Europe un beau marin grec qui lui fera un enfant et l’abandonnera. Pendant ce temps, Eurídice, la cadette, se marie sans amour avec un bonnet de nuit qui lui fera deux enfants et qui lui interdira la carrière de pianiste à laquelle elle rêvait.
Quand Guida revient à Rio, enceinte et abandonnée, ses parents lui ferment leur porte et la condamnent à une vie misérable. Ils lui font croire que sa sœur est partie en Europe et privent ainsi Guida de sa seule amie.

À lui seul le titre du film de Karim Aïnouz – qu’on avait remarqué il y a une quinzaine d’années pour son premier film Madame Sata, mais qui était depuis demeuré quasiment invisible de ce côté-ci de l’Atlantique – est déjà terriblement exotique. Il a le même parfum que les titres des romans de García Márquez : Cent ans de solitude, L’Amour au temps du choléra, L’Incroyable et Triste Histoire de la candide Erendira et de sa grand-mère diabolique

Ce titre est le même que celui du roman de Martha Batalha dont ce film est l’adaptation infidèle. Adaptation infidèle car, si le livre est centré sur la seule Eurídice et sur la vie invisible qu’elle s’imagine pour s’évader d’un mariage désespérant, le film a, lui, un tout autre sujet. C’est moins Eurídice qui en est l’héroïne que Guida, l’aînée plus extravertie, qui fait le mur pour aller danser, s’enfuit avec un beau marin et décide courageusement de faire sa vie seule quand ses parents lui tournent le dos.
Eurídice, elle, a un rôle plus effacé. Elle ne refuse pas le mariage auquel ses parents la contraignent. Elle tombe enceinte alors qu’elle ne le souhaitait pas. Elle ne réussit pas à accomplir son rêve de devenir pianiste, pas plus qu’elle ne réussit à retrouver sa sœur qu’elle croit partie en Europe.

Le courage de ses deux femmes – et d’une troisième, Filomena, qui recueille Guida et lui offre un toit – contraste avec le machisme et la veulerie des hommes. D’abord Manuel, le père de Guida qui, au nom de préceptes d’un autre âge, chasse sa fille et son bâtard. Mais aussi Antenor, le mari de Eurídice, qui la viole sans vergogne le soir de leur nuit de noce et se montrera ensuite, toute sa vie durant, ridiculement machiste.

La Vie invisible d’Eurídice Gusmão dure deux heures et vingt minutes ; mais la richesse de son scénario et la multiplicité de ses rebondissements qui s’étalent sur plus d’un demi-siècle font trouver le temps trop court.

Surtout La Vie invisible d’Eurídice Gusmão se conclut par un épilogue mélodramatique qui émouvra les plus insensibles.

La bande-annonce

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