Histoire d’un regard ★★★☆

Gilles Caron (1939-1970) a couvert pour l’agence Gamma l’actualité avant de disparaître au Cambodge. Il est l’auteur de quelques unes des photos les plus iconiques de l’époque. La documentariste Mariana Otero reprend ses planches contacts et décrypte les photos qu’il a prises au Vietnam, au Biafra, au Tibesti, en Israel pendant la guerre des Six Jours, en Irlande du Nord et à Paris pendant mai 68.

Le numérique a révolutionné le photojournalisme. Aujourd’hui, un photographe peut prendre des centaines de photos sans se soucier de changer de pellicules. Il peut immédiatement en apprécier le résultat et prendre les mesures correctives appropriées. Dans la seconde, elles seront transmises à l’autre bout de la planète et seront mises en ligne dans l’heure, là où leur publication dépendait jadis d’un cheminement laborieux par le prochain avion.

Mais c’est moins à l’exercice d’une profession que s’intéresse Mariana Otero  qu’au regard d’un homme disparu dans la fleur de son âge. Le destin de Gilles Caron résonne avec celui de la mère de la documentariste, la peintre Clotilde Vautier, décédée en 1968 des suites d’un avortement clandestin, à laquelle elle avait consacré en 2003 Histoire d’un secret.

Avec une patience de laborantine, Mariana Otero développe les planches contacts de Gilles Caron, en tapisse les murs de son appartement, les reclasse dans l’ordre chronologique et identifie les lieux où ses photos ont été prises. C’est ainsi qu’elle reconstitue, en compagnie de l’historien Vincent Lemire, le cheminement de Gilles Caron, avec les troupes de Moshe Dayan à l’intérieur de Jerusalem reconquise pendant la guerre des Six Jours jusqu’au Mur des Lamentations. De la même façon, elle décrypte le concours de circonstances qui a conduit à la célèbre photo de Daniel Cohn-Bendit durant mai-68, jetant à un CRS imposant un regard narquois devant les portes de la Sorbonne.

Histoire d’un regard réussit à faire revivre une époque, celle de la fin des années soixante, avec son grain noir et blanc et ses voix nasillardes. Mais c’est surtout un hommage pudique à un homme trop tôt disparu et à son oeuvre dont on ne saura jamais quelles évolutions elle aurait pu connaître.

La bande-annonce

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