Kalifat ★★★☆

Pervin vit à Raqqah en Syrie avec son bébé et son mari qui a rejoint les rangs de l’État islamique. Désillusionnée, elle veut rentrer en Suède.
Pendant ce temps, à Stockholm, Sulle, une jeune lycéenne en pleine crise d’adolescence, se laisse endoctriner et prépare son départ pour Raqqa.
Le lien entre les deux jeunes femmes ? Ibbe, un terroriste sous couverture qui prépare sur le sol suédois un attentat, et Fatima, une policière coriace en conflit avec sa hiérarchie.

La radicalisation est un thème à la mode – même si la défaite de Daech fait lentement perdre à ce sujet sa brûlante actualité. Il a constitué la matière d’un grand nombre de films ces dernières années dont j’ai systématiquement fait la critique : La Désintégration, Made in France, Les Cowboys, Le ciel attendra, Mon cher enfant, Exfiltrés, Le Jeune Ahmed, L’Adieu à la nuit

J’écrivais dans l’une d’elles l’an dernier :
« Il y a deux façons de filmer la radicalisation. La première, « à l’américaine » prend le parti assumé de l’action, reconstituant (dans les sables marocains) les tentatives d’infiltration de courageux Occidentaux pour démanteler des filières jihadistes. (…) La seconde, « à la française » est plus psychologique : elle s’intéresse moins aux jihadistes syriens qu’aux effets que leur message produit en France (…). Si l’on était pédant, on dirait que cette dichotomie reproduit le débat qui oppose Gilles Kepel et Olivier Roy sur les racines de la radicalisation. Le premier – dont on retrouve les prémisses dans le cinéma « américain » – considère que l’enjeu est politique voire civilisationnel. Le second au contraire considère que la radicalisation est avant tout un processus individuel, une forme de « nihilisme générationnel ». »

Le pari réussi de Kalifat, une série suédoise en huit épisodes de cinquante-deux minutes, est de s’inscrire précisément à l’intersection de ces deux tendances. Elle décrit comment la radicalisation s’opère et nous fait ressentir l’impuissance d’un père face à un enfant qui lui échappe. Avec plus d’efficacité encore, elle entretient un suspense complexe et rebondissant.

On touche du doigt avec Kalifat la supériorité structurelle de la série sur le film. Car, en plus de six heures, qu’on peut découper à loisir, confinement oblige, l’intrigue se complique, les personnages s’épaississent (et je ne parle pas ici des spectateurs, vautrés sur leur sofa, qui prennent des kilos). Même si le scénario n’est pas toujours très crédible, il est sacrément bien huilé et nous aspire vers une conclusion implacable. À la fin du dernier épisode, l’action se clôt. C’est suffisamment rare pour être salué, certains scénaristes ayant la fâcheuse tendance, dans l’espoir de signer une saison suivante, de laisser l’intrigue en suspens. Pour autant, je lis ici ou là qu’une saison 2 de Kalifat serait à l’étude, succès de la première saison oblige.

La bande-annonce

Un commentaire sur “Kalifat ★★★☆

  1. Waouh superbe critique qui donne envie, je vais en parler à mes collègues, si on peut avoir cette série à la médiatheque. Merci et belle journée.

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