Neuf rescapés trouvent refuge sur un canot de sauvetage après le torpillage d’un navire américain par un sous-marin allemand au milieu de l’Atlantique. Parmi eux un Allemand parfaitement anglophone : est-il un rescapé du navire ou le commandant du sous-marin ?
Lifeboat est tourné en 1943, alors que les États-Unis, après bien des hésitations, viennent d’entrer en guerre. Pour la Fox qui en commande le scénario à John Steinbeck, il doit s’agir d’une œuvre patriotique au sens univoque : les rescapés du naufrage, dont la diversité symbolise la richesse de la nation américaine, se coalisent pour faire face à la menace commune.
Mais Alfred Hitchcock, dont la notoriété est désormais bien assise à Hollywood grâce aux succès de Cinquième colonne et de L’Ombre d’un doute, ne l’entend pas de cette oreille. Lifeboat sera plus subtil que la Fox l’aurait voulu – et que le public, qui lui réserva un accueil froid, était prêt à l’accepter. Il ne s’agit pas d’opposer bloc à bloc la noble efficacité du peuple américain à la brutale sauvagerie du sous-marinier allemand. Le trait est moins manichéen, même si la morale du film ne laisse finalement pas de doute. D’un côté, l’unité des huit Américains, traversés, comme souvent chez Hitchcock par des tensions de classes, ne va pas de soi. De l’autre, l’Allemand ne se réduit pas à une caricature : la décision qu’il prend à l’insu de ses coéquipiers s’avère finalement la plus efficace pour leur sauver la vie.
Le dispositif de Lifeboat est resté célèbre : un huis clos au grand air. La caméra ne quitte jamais le bateau. Hitch adorait ce genre de défi : tourner tout un film en un unique plan-séquence comme dans La Corde, condamner son héros à l’immobilité comme dans Fenêtre sur cour. Très vite pourtant, les contraintes du dispositif s’oublient grâce aux rebondissements du scénario.
On sait que Hitchcock effectue un cameo dans chacun de ses films. Ici, la gageure semblait impossible à relever : comment le réalisateur pourrait-il apparaître dans ce huis clos ? Une solution ingénieuse fut trouvée : on voit la photo de Hitchcock dans un journal que l’un des rescapés feuillette. La légende raconte même que la publicité pour un régime amaigrissant qu’illustrait cette photo avait suscité des demandes d’informations.
Bonjour Yves,
Je n’ai pas bien compris la phrase « l’Allemand ne se réduit pas à une caricature : la décision qu’il prend à l’insu de ses coéquipiers s’avère finalement la plus efficace pour leur sauver la vie. » Si ma mémoire est bonne, c’est le seul Allemand dans l’histoire. Qui seraient ses « coéquipiers » ? De quelle décision s’agit-il ?
Le relatif insuccès public du film s’explique, je crois. A la fois par ce parti pris de huis clos là où, en temps de guerre, les spectateurs rêvaient plutôt de batailles et d’affrontements spectaculaires. Et aussi par l’audace d’Hitchcock pour la scène de l' »exécution ». Justice expéditive et sommaire : nous n’avons pas l’habitude de voir les héros du film tuer de sang froid le méchant, fût-il nazi.
Bonsoir Gérard,
Quand j’évoque la decision prise par le capitaine allemand, je me réfère à celle de mettre le cap, grâce à la boussole qu’il a dissimulée, vers un torpilleur allemand dont il connaît les coordonnées.
Quand j’évoque ses coéquipiers je me réfère aux huit autres survivants réfugiés à bord du canot. J’aurais dû préféré ce substantif-là à ce substantif-ci.
Ma formulation était obscure. J’espère qu’elle n’était pas erronée.
Amitiés
Yves
D’accord, je comprends mieux.
Merci Yves, à bientôt. Amitiés.