Le diable n’existe pas est un film composé de quatre histoires distinctes, organisées chacune autour d’un coup de théâtre qui les rend difficiles à présenter ou à résumer.
La première suit la journée ordinaire d’un homme sans histoires, mari prévenant d’une femme qu’il va chercher à son travail, père aimant d’une fillette qu’il raccompagne de l’école, fils respectueux d’une mère grabataire à qui il rend visite chaque jour.
La deuxième se déroule quasiment en temps réel dans la chambrée de conscrits affectés au service de l’exécution des peines. Elle a pour héros l’un d’eux qui doit, à l’aube, prêter la main à une exécution capitale et s’y refuse.
La troisième a pour héros un conscrit – peut-être l’un de ceux de la chambrée de la deuxième histoire – qui profite de sa permission pour demander la main de sa fiancée à ses parents.
La dernière voit enfin le retour d’une jeune Iranienne élevée en Allemagne chez un couple d’amis de son père qui vont lui révéler un lourd secret.
Le diable n’existe pas a reçu l’Ours d’Or au festival de Berlin début 2020. Sa sortie en France a été plusieurs fois repoussée à cause du Covid. Elle a aussi été compliquée par la sortie simultanée de plusieurs films iraniens au sujet similaire : La Loi de Téhéran en juillet, Le Pardon en octobre…. en attendant Un héros, le dernier film d’Asghar Farhadi la semaine prochaine. Nul doute qu’on risque la saturation face à ces films qui évoquent ad nauseam la situation irrespirable des Iraniens sous la coupe des mollahs. Nul doute aussi qu’on se laisse à chaque fois emporter par leur âpreté, par les dilemmes moraux qu’ils mettent en scène et par la musique si douce de la langue perse qu’ils donnent à entendre.
Ce sont ces sentiments paradoxaux et contradictoires que j’ai ressentis devant Le diable n’existe pas. Bien sûr, j’ai été frappé par son sujet, la peine de mort. Qui ne le serait pas ? Et j’ai applaudi à la façon de l’aborder, non pas du point de vue des condamnés, qu’on ne voit jamais, mais celui des bourreaux (m’est revenu le souvenir troublant de Apprentice ce film singapourien passé inaperçu dont le héros était un gardien de prison dans le couloir de la mort). J’ai cherché, sans succès, des liens entre les quatre épisodes, me demandant par exemple si le héros du quatrième et si celui du deuxième n’étaient pas les mêmes, filmés à trente ans d’écart, avant de comprendre que c’était historiquement impossible.
Mais hélas, alors que la gravité du sujet et l’intelligence de son traitement auraient dû automatiquement m’emporter, sans oublier l’avis éclairé de plusieurs amis qui avaient déjà vu le film et m’en avaient dit le plus grand bien, je me suis retrouvé, à mon grand désarroi, sur le bord du chemin, paradoxalement étranger à ce film et à son sujet trop éloignés de moi. Je le regrette profondément car je crois que Le diable n’existe pas est un film nécessaire. J’irai d’ailleurs sans faute dès demain voir Un héros pour me rattraper.
Ping Marché noir ★★★☆ | Un film, un jour