Le camp de Yabrouk, au sud de Damas, accueillait des dizaines de milliers de réfugiés palestiniens depuis 1957. Les Nations-Unies en assuraient la gestion. Au lendemain des printemps arabes, l’armée de Bachar el-Assad prit le prétexte de la présence de groupuscules rebelles pour en verrouiller tous les accès. Des milliers de réfugiés y furent pris au piège avant que Daesh s’en empare en 2015. Pour le libérer, Damas, aidé des bombardiers russes, le rasa en 2018. Ses habitants s’enfuirent et se dispersèrent tant bien que mal à l’étranger.
Militant du Fatah, Abdallah Al-Khatib faisait partie de ces réfugiés. Installé aujourd’hui en Allemagne, il a rassemblé les différents enregistrements réalisés pendant le siège, souvent à partir de simples téléphones portables. Il les a rassemblés dans un documentaire qui raconte une page méconnue de la guerre de Syrie.
Il est difficile de porter un jugement distancié sur Little Palestine.
Ses images saisies sur le vif sont, comme celles de Pour Sama ou celles de Still Recording volées durant le siège d’Alep, bouleversantes. Quelques scènes laisseront un souvenir durable : un nouveau-né cadavérique tétant un biberon de lait coupé d’eau, une foule d’apocalypse qui se presse à un point de distribution, des enfants joyeux qui confient leurs rêves impossibles (manger du pain, revoir leur frère mort) en riant, une fillette qui cueille de l’herbe pour se nourrir en tenant un discours d’une maturité qu’elle est bien trop jeune pour avoir déjà….
Pour autant, tout cela fait-il du cinéma ? Peut-on considérer que l’accumulation de vidéos tremblotantes et crachotantes, filmées avec un téléphone portable, suffit à faire un film ? cette accumulation permet-elle de raconter l’attente émolliente, l’anxiété, la faim qui tenaille ?