Rue des Cascades (Un gosse de la butte) (1963) ★★★☆

Alain est un gamin haut comme trois pommes qui aime faire des pitreries avec ses camarades. Sa mère, une veuve quadragénaire, tient un café-épicerie dans une petite rue de Ménilmontant. Elle est tombée amoureuse de Vincent, un Antillais, plus jeune qu’elle. Vincent inspire à Alain une franche hostilité teintée de racisme. Mais bien vite la gentillesse de Vincent viendra à bout des préjugés du petit garçon.

Ce film est l’adaptation d’un roman de 1953 de Robert Sabatier. Son titre, Alain et le Nègre, qui subirait aujourd’hui immanquablement les foudres de la censure, est sans ambiguïté. Il oppose, pièce à pièce, les deux héros : Alain, désigné par son prénom, et Vincent renvoyé à l’anonymat de la couleur de sa peau. Ce titre, si brutal, annonce un lent apprivoisement : comment le « nègre » va conquérir l’amitié l’enfant qui l’avait accueilli avec tant de réticence.

Maurice Delbez, un réalisateur oublié, a choisi de ne pas reprendre ce titre. Quand son film sort fin 1964, il s’intitule « Un gosse de la butte ». Il sera rebaptisé plus tard du nom d’une rue en coude du vingtième arrondissement où l’action se déroule.

Le film fait un bide à sa sortie. Son réalisateur, en faillite personnelle, abandonnera le cinéma et ne tournera plus que pour la télévision. Rue des Cascades est ressorti en 2017 sous son nouveau titre dans une version restaurée et a connu un succès d’estime. Son propos est avant-gardiste. C’est un film tendrement anti-raciste, qui met en scène le racisme le plus crasse, par exemple celui de M. Bosquet (René Lefèvre) le soûlographe qui fréquente le troquet de Hélène et y débite ses lieux communs, pour en démonter la bêtise. C’est aussi un film féministe avant l’heure, avec les deux personnages de Hélène, si noblement interprété par la grande Madeleine Robinson, qui pressent qu’une liaison avec un homme plus jeune qu’elle est vouée à l’échec, et de Lucienne, sa voisine, qui défie la bien-pensance en prenant un amant.

Ce film en noir et blanc, aux faux airs des Quatre Cents Coups, d’un grand classicisme, tourné au milieu des années soixante, mais qu’on pourrait croire de dix ans plus ancien, sans stars, au motif simple sinon simpliste, m’a profondément touché.

La bande-annonce

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