Né au Mali en 1948, Bouba Touré a immigré en France à la fin des années 60, a travaillé chez Chausson, un équipementier automobile, a connu la misère des foyers de travailleurs, a fréquenté les bancs de l’université de Vincennes et a participé aux mouvements protestataires qui dénonçaient les conditions d’accueil des travailleurs africains en France. En 1977, avec une dizaine d’immigrés maliens en France, il a décidé de revenir chez lui, dans la région de Kayes, sur les rives du fleuve Sénégal, et d’y créer une coopérative. Jusqu’à sa mort début 2022, il a vécu à cheval entre la France et le Mali et, en marge de son travail de projectionniste dans des salles de cinéma parisiennes, s’est érigé en mémoire vivante de l’immigration africaine à Paris.
Raphaël Grisey, né en 1979, s’est plongé dans les abondantes archives de Bouba Touré pour en tirer une biographie qui ne dit pas son nom. Et c’est bien dommage. Parce qu’à force de brouiller les pistes, de faire des sauts dans le temps entre hier et aujourd’hui, dans l’espace entre l’Afrique et la France, de passer d’un sujet à l’autre, la condition des immigrés en France, la famine au Sahel, le rôle de la diaspora dans le développement, on s’y perd vite dans ce documentaire de plus de deux heures, trop long d’une demi-heure au moins.
On s’autorisera une dernière critique politiquement incorrecte face à un documentaire qui instruit une nouvelle fois le procès manichéen de la colonisation et impute à la Françafrique tous les maux dont l’Afrique en général, le Mali en particulier, sont victimes depuis les indépendances : le Mali se porte-t-il mieux depuis qu’il a rompu les liens avec l’ancienne puissance coloniale et préfère-t-il aux liens d’hier avec la France ceux d’aujourd’hui avec la Russie et ses milices paragouvernementales ?