À Clairvaux, dans l’Aube, Bernard fonda au début du XIIème siècle une abbaye cistercienne qui eut une grande renommée. Ses moines en furent chassés à la Révolution française et l’abbaye fut transformée en prison. Jusqu’à sa fermeture en 2023, la maison centrale de Clairvaux accueillit des détenus condamnés à de longues peines.
À une centaine de kilomètres de Clairvaux, Citeaux, en Côte d’or, l’abbaye fondatrice de l’ordre cistercien, est toujours en activité et accueille des moines qui acceptent de leur plein gré la règle de Saint Benoît.
Eric Lebel tenait un sujet diablement stimulant : son documentaire esquissait un parallèle entre la réclusion pénitentiaire et la clôture monacale. Il nous promettait une réflexion sur la privation de liberté. Pourquoi la société choisit-elle de punir ceux qui violent ses lois en les privant de liberté ? Pourquoi d’autres hommes, au nom d’une quête spirituelle, acceptent-ils de se priver de la liberté d’aller et venir ?
Hélas, la réflexion ne va pas très loin. Si parallèle il y a là, c’est dans le montage alterné des images, qui passent successivement de Clairvaux à Citeaux et retour, filmant ces deux enceintes en d’interminables plans aériens [Il faudrait déclarer un moratoire sur l’usage des drones au cinéma pour que les réalisateurs qui en usent et en abusent n’en fassent plus un usage aussi complaisant].
Perdant de vue son pitch séduisant, le documentaire d’Eric Lebel se réduit vite à un seul sujet, très banal : la prison. Il se focalise sur deux détenus dont on ne saura rien des crimes qui leur ont valu d’être incarcérés : un sexagénaire, ancien militaire, sec comme une trique, converti au bouddhisme, et un jeune fils d’agriculteur, qui soigne son alcoolisme en confectionnant des maquettes de tracteurs avec des allumettes.
Ces deux figures sont attachantes. Mais elles ne justifient pas à elles seules les une heure et trente minutes que dure ce documentaire. Sur le même sujet, on préfèrera À l’ombre de la République qui suivait en 2012 le contrôleur général des lieux de privation de liberté dans ses inspections. L’actuelle CGLPL participait au débat qui suivait la projection à laquelle nous avons assisté à l’Espace Saint-Michel et y tenait des propos d’une étonnante platitude, à la différence de l’ancien directeur de l’administration pénitentiaire autrement plus balancé.