Joker : Folie à Deux ★☆☆☆

Emprisonné à l’hôpital psychiatrique Arkhan après les crimes qu’il a commis, Arthur Fleck (Joaquin Phenix) attend son procès. Il fait la rencontre d’une autre internée, Lee Quinzel (Lady Gaga). La passion de la musique les rapproche. Le procès du Joker commence.

Joker (2019) avait rencontré un tel succès qu’une suite était inévitable. Todd Philips est toujours à la réalisation et Joaquin Phenix, couvert de récompenses (Oscar du meilleur acteur, Golden Globe, British Academy Awards…), réendosse le costume du clown meurtrier. L’adjuvant de ce second volet est Lady Gaga, la pop star mondialement connue qui travaille à sa reconversion au cinéma après A Star is Born très sirupeux, House of Gucci autrement plus convaincant.

Venons-en directement à la conclusion : Joker 2 est raté. La raison de ce naufrage est double.
La première est la maladresse des séquences musicales. On reconnaît quelques grands classiques des années 60 – alors que l’action du film est censée se dérouler au début des 80ies : What the World Needs Now Is LoveFor Once in My LifeTo Love Somebody… Lady Gaga chante faux. Pire : Joaquin Phenix ne sait pas chanter et on a mal pour lui quand il pousse la chansonnette.

Le deuxième est plus grave encore. Si Joker nous tenait en haleine, c’est parce qu’il reposait sur une ambiguïté fondamentale : Arthur Fleck allait-il réussir à endiguer la schizophrénie qui risque de le pousser aux pires excès ? Las ! Le dénouement du premier film prive par avance de tout enjeu le second. On y retrouve un homme brisé, dont on sait les crimes qu’il a commis et leurs motifs psychiatriques. La seconde moitié de Joker 2 se déroule dans une cour de justice. Mais on se peine à saisir l’enjeu de ce procès : la culpabilité de Fleck ? elle ne fait aucun doute ; son irresponsabilité pénale ? elle n’est guère plus douteuse ; mais elle n’est bizarrement pas évoquée ; son comportement durant un procès qui tourne vite à la farce après que Fleck a récusé son avocate ?

Présenté à la Mostra de Venise en septembre, hué par la critique, sorti aux Etats-Unis et dans le monde entier début octobre, Joker 2 a fait un four.

La bande-annonce

Norah ★☆☆☆

Un instituteur, Nader, est affecté dans un minuscule village au milieu du désert saoudien. Il y a la charge d’apprendre à lire et à écrire à quelques gamins dépenaillés. Pour encourager l’un d’entre eux, particulièrement doué, il dessine son portrait. Le dessin arrive entre les mains de sa sœur aînée, Norah, une orpheline élevée par sa tante, qui rêve d’émancipation, mais dont l’avenir est hypothéqué par un mariage arrangé avec un jeune garçon de la tribu. Norah, au mépris des règles qui le lui interdisent, se met en tête de demander à Nader de dessiner son portrait.

L’Arabie saoudite s’ouvre lentement au monde. Elle lance une vaste campagne médiatique pour attirer les touristes, notamment sur le site d’Al Ula, au cœur du pays, près duquel Norah a été tourné. D’ailleurs la projection à laquelle j’ai assisté était précédée d’une publicité vantant les attraits du royaume saoudien. Les images de ce clip lêché contrastaient avec le rigorisme strict de Norah, dont l’action se déroule en 1996. À l’époque, la séparation des sexes ne connaissait aucune dérogation : les femmes n’étaient autorisées dans l’espace public qu’à condition d’être totalement voilées, de la tête au pied. Pas question de dévoiler son visage, de conduire, encore moins de chanter ou d’être dessinée. Les choses évoluent depuis 2016 et le tournant pris par le nouvel homme fort du royaume, le prince Mohammed ben Salmane alias MBS.

Norah se targue d’être le premier film saoudien programmé au festival de Cannes. Il y a en effet été sélectionné dans la section « Un certain regard ». C’est un film beau et simple, qui raconte une belle et simple histoire. L’enjeu en est ce portrait de Norah que Nader va essayer de dessiner en cachette des habitants du village, avec la complicité d’un sympathique épicier indien. Le film se déroule dans quelques décors à peine : l’épicerie de Madhur, la salle de classe de Nader, la chambre de Norah, l’espace ouvert du village, battu par le vent du désert, aux airs de faux western.

Norah se termine par une image puissante dont le but manifeste est d’impressionner durablement le spectateur tout en lui délivrant un message libérateur. Dans le même style, on lui préfèrera Wajda (2012), un autre film saoudien, le premier dit-on, qui racontait l’émancipation d’une fillette qui s’était mise en tête, malgré l’interdiction qui lui était opposée, de faire du vélo.

La bande-annonce

Carla et moi ★★☆☆

Ben (Jason Schwartzman) est chantre dans une synagogue. Il vient de perdre sa femme et sa voix. Sa mère, remariée avec une immigrée philippine convertie au judaïsme, se ronge les sangs pour lui. Son rabbin souhaite lui présenter sa fille. Mais Ben est étrangement attiré par Carla O’Connor, son ancienne professeure de musique au collège, de trente ans son aînée, qui prépare sa bat-mitsvah.

Nathan Silver n’est guère connu en France alors qu’il a déjà tourné neuf longs-métrages. Un seul était jusqu’à présent sorti en France, C’est qui cette fille ? (2016), qui m’avait laissé sur le bord du chemin. C’est que ce réalisateur creuse un sillon très américain, pour ne pas dire très new-yorkais, dont on pensait qu’il avait été essoré par l’auto-dérision décapante d’un Woody Allen : celui du Juif ashkénaze en pleine midlife crisis, coincé entre sa mère et son Dieu.

Le titre original Between the Temples renvoie à une quête religieuse, celle de Ben dont la foi vacille, celle de Carla qui a décidé de se convertir au judaïsme. Ce titre était intraduisible, les distributeurs français ont fait le pari culotté et transgressif d’un clin d’œil au couple Sarkozy, qui tombe un peu à plat car, évidemment, de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni, il ne sera jamais question dans ce film.

Le scénario avance lentement et les presque deux heures du film peuvent sembler bien longuettes. Son principal moteur est ses scènes de repas, filmées très serré par une caméra qui rebondit d’un convive à l’autre, avec un léger temps de retard, comme si elle était constamment en retard d’un temps. Celle qui réunit Carla, son fils, légitimement curieux de la nature du lien qui unit sa mère à Ben et choqué d’apprendre la conversion de sa mère, sa belle-fille et ses deux petites-filles, est malaisante à souhait. Mais le meilleur est la longue scène finale, un dîner de shabbat évidemment, qui réunit la quasi-totalité des protagonistes (Ben, ses deux mères, son rabbin et sa fille, et Carla) avec des dialogues pétaradants.

La bande-annonce