Nancy Stokes (Emma Thompson) a dépassé la soixantaine. Pendant des années, elle a enseigné sans passion l’éducation religieuse à des collégiennes qui ne s’y intéressaient pas. Son mari, qui ne s’est jamais soucié de lui donner du plaisir, est mort depuis peu. Son fils, qui transpire l’ennui, et sa fille, qui au contraire est un peu trop iconoclaste à son goût, vivent loin d’elle.
Au crépuscule de sa vie, Nancy a décidé de se payer les services d’un escort pour découvrir enfin les joies de l’amour physique. C’est ainsi qu’elle va faire la connaissance de Leo Grande (Daryl McCormack).
Dès l’affiche, on sait à quoi s’en tenir : Mes rendez-vous avec Léo s’attaque à deux sujets encore tabous il y a quelques années, la prostitution masculine et la sexualité du troisième âge. La posture des deux acteurs donne le ton : ils ne seront traités ni sur un mode comique – même si la moue d’Emma Thompson laisse planer un doute – ni sur un mode romantique, ni sur un mode pornographique. Mais alors sur quel mode seront-ils traités ?
Sur un mode théâtral : Mes rendez-vous avec Léo opte pour une forme austère et exigeante. Il se déroulera, tout du long, dans l’hôtel où « Nancy » et « Leo » – car il s’agit évidemment de noms d’emprunt – se retrouvent. Tout passera donc par les dialogues entre les deux protagonistes. On pourrait craindre le formalisme de cette mise en scène. Le piège est évité grâce à la richesse des dialogues qui ratissent large. Il y sera question non seulement du passé de « Nancy », de ses inhibitions, de ses frustrations, mais aussi de celui de « Leo ».
Ces dialogues, très écrits n’évitent pas quelques incohérences et quelques lieux communs. Par exemple, on peine à comprendre comment un personnage aussi claquemuré que Nancy peut oser solliciter un escort, un acte qui, pour une personne de son âge et de son milieu, constitue une sacrée transgression. De même, les explications de Leo à Nancy, qui ne manque pas de l’interroger sur les motifs qui le poussent à se prostituer, ne sont pas d’une grande originalité.
Mes rendez-vous avec Leo est sauvé par le brio de ses acteurs.
Daryl McCormack a les yeux de Cupidon et le torse d’Apollon. Publicité ambulante pour les services d’escort, il donnerait envie aux duègnes les plus bégueules de faire immédiatement appel à ses services
Mais c’est Emma Thompson qui est la meilleure dans son rôle. Un rôle difficile menacé par le double écueil de la comédie (provoquée par la confrontation qui peut donner à rire de deux corps que près de quarante ans séparent) et de la mièvrerie (on redoute à chaque moment que Nancy et Leo tombent bêtement amoureux l’un de l’autre). Emma Thompson réussit à conserver à son personnage sa dignité – elle n’est pas une veuve rougissante qui cherche désespérément son premier orgasme – sans lui ôter son humanité – sa confrontation avec Leo est l’occasion pour elle d’une prise de conscience lucide des erreurs qu’elle a commises sa vie durant.
Mes rendez-vous avec Leo se termine par un plan (dé)culotté, qui en impose par sa sincérité et son audace.