Au Mexique, la Lucha libre est un sport national. Les catcheurs combattent masqués. Les Exoticos ont le visage découvert et, pour tourner en ridicule les homosexuels, se travestissent. Retournant à leur profit ce travestissement ridicule, quelques homosexuels sont devenus célèbres. Parmi eux Saul Armendariz, alias Cassandro. Il pratique la Lucha libre depuis son enfance. Il a été trois fois champion du monde. Mais à quarante ans passés, son corps le rattrape.
La documentariste française Marie Losier est allée filmer à la frontière mexicaine une star déchue. La vie de Cassandro a été rude. Son orientation sexuelle l’a coupé de sa famille. Son métier a détruit son corps, couturé de cicatrices. Il a longtemps été dépendant à l’alcool et à la drogue. Sa carrière ne l’a pas vraiment enrichi et il habite une maison sans âme dans la banlieue de Ciudad Juárez.
Cassandro est un personnage attachant. On est bluffé par l’agilité qu’il déploie sur le ring dans des combats dont on ne sait très bien s’il s’agit d’affrontements sans concession ou de chorégraphies soigneusement préparées. On passe autant sinon plus de temps entre les cordes qu’à le voir longuement se préparer, se maquiller, se parfumer, revêtir des tenues chatoyantes. Il y a dans le catch une théâtralité, un érotisme gay qu’on découvre à travers les yeux de Cassandro : des hommes musclés et huilés, en lycra, avec des masques, s’entrelaçant dans des postures suggestives… « O la la ! »
Mais c’est surtout le destin de cet homme à la sensibilité à fleur de peau qui nous touche. On comprend sans peine que la documentariste s’y soit attachée, dont l’empathie avec son sujet est communicative. Avec elle, on l’écoute se confier sur sa vie passée. Avec elle, on le suit dans sa vie quotidienne, solitaire et humble, ponctuée de mille et un petits rituels. Avec elle, on attend l’inéluctable : la énième blessure qui tiendra Cassandro définitivement éloigné du ring, voire qui le tuera pour de bon. Car on se doute qu’en dépit de ses promesses, ce lutteur né ne quittera jamais le ring de son plein gré.