Joker ★★★☆

Gotham City. Fin des années 70. Arthur Fleck (Joaquin Phoenix) vit seul avec sa vieille mère impotente dans un appartement sordide. Quand il est sous le coup d’une vive émotion, il est pris d’un fou rire inextinguible.
Arthur rêve de faire du spectacle et de passer à la télévision. En attendant, il occupe un emploi misérable de clown.

Auréolé du Lion d’or de Venise et de l’Oscar du meilleur acteur unanimement promis à Joaquin Phoenix, Joker arrive sur les écrans précédé d’une impressionnante aura. La presse et les spectateurs n’ont qu’un seul mot à la bouche : « waouh ».

Et il faut reconnaître que c’est celui qui vient à l’esprit au bout de deux heures de film. Waouh ! Car Joker est, sans nul conteste, un film marquant porté par un acteur exceptionnel.

L’acteur exceptionnel, on voit mal ce qu’on peut en dire de plus que le tombereau d’éloges mérités qui se déverse depuis Venise sur lui telle la pluie d’or sur Danaé. Amaigri de vingt kilos, Joaquin Phoenix est stupéfiant. Joker le hisse définitivement sur l’Olympe des plus grands. Il est d’ailleurs emblématique qu’il y croise Robert de Niro (qui jouait au début des années quatre-vingts dans La Valse des pantins de Martin Scorsese le rôle similaire d’un fan psychotique obsédé par un animateur de télévision interprété par Jerry Lewis), méconnaissable, au jeu d’une rare économie, pour un passage de relais symbolique d’une génération à l’autre, par dessus la tête de Brad Pitt et de Leonardo di Caprio.

Le film marquant est l’oeuvre de l’inattendu Todd Phillips, golden boy de la comédie américaine lourdingue (Very Bad Trip et ses dispensables succédanés) duquel on n’escomptait pas autant de finesse. Joker est un film sur la folie à ranger sans barguigner aux côtés de Taxi Driver (Robert De Niro décidément), Vol au-dessus d’un nid de coucou (Jack Nicholson qui fut en son temps un Joker d’anthologie) et Shutter Island (Scorsese encore lui). On y suit la chute inéluctable d’un homme broyé par une société déshumanisée qui refuse de lui tendre la main.
Car Joker n’est pas seulement un film psychologique sur un méchant de bande dessinée. C’est aussi un film politique. Les crimes nihilistes de Arthur Fleck sont le catalyseur d’un chaos social, d’une vague de violence protestataire façon Occupy Wall Street ou Extinction Rebellion.

Ces éloges objectifs ne doivent pas occulter un ressenti plus mitigé. Joker est un film malaisant. On passe deux heures à se tortiller sur son fauteuil, partagé entre la fascination et le dégoût. Mais qui a dit que le bon cinéma devait être nécessairement feel good ?
Plus grave, à y bien réfléchir, le scénario, platement chronologique, ne brille pas par sa finesse. De quoi s’agit-il en effet ? D’un homme qui plonge. lentement mais sûrement. Dans une ville en plein chaos. C’est simple. Si l’on chipote, on pourrait dire que c’est simpliste.
Et Joker se termine – aucun spoiler dans cette révélation prévisible – dans un sabbat anarchique que le vieux balladurien que je suis ne peut que réprouver.

Si j’étais moins perméable à l’avis des autres, si j’avais plus confiance en mon jugement, si je ne craignais pas de passer pour une vieille baderne néocon, j’aurais peut-être mis une ou deux étoiles de moins à Joker – comme Louis Guichard dans Télérama qui tire dessus à boulets rouges avec un argumentaire qui se tient. Mais force m’est de reconnaître, malgré le déplaisir que j’y ai pris, les qualités objectives indéniables de ce film qui, comme annoncé, restera comme l’un des plus marquants de l’année.

La bande-annonce

2 commentaires sur “Joker ★★★☆

  1. C’est incontestablement un film marquant. Je continue toutefois de douter de son intelligence. Le scénario m’a paru, plus que linéaire, arbitraire et même un peu concon. Prenez un type dérangé, faites lui pleuvoir une série de malheurs abracadabrants sur la tête, et vous obtenez un type encore plus dérangé. La belle affaire, la belle critique sociopololitique ! En le regardant je me suis souvent dit qu’a cet échafaudage explicatif artificiel, je préférais le fameux slogan d’Orangina rouge : « Pourquoi est-il si méchant ? Parce que ! »

  2. Bon moi je me suis ennuyée grave comme disent les jeunes.. Je n’ai sans doute rien compris à la satire politique quant aux troubles psychopath du clown, c’est à pleurer d’outrance et d’invraisemblance. Rien à voir avec Shutter Island magistral dans le genre que vous citez, pardonnez moi Yves, à tort. Un joker inutile

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