Pahokee, une jeunesse américaine ★★☆☆

Comptant six mille habitants à peine, située en Floride dans le nord des Everglades, Pahokee est une bourgade sans caractère, paupérisée par la crise de l’agriculture et l’appauvrissement des sols, majoritairement peuplée de Noirs-américains et d’immigrés hispaniques.
Ivete Lucas et Patrick Bresnan, deux documentaristes formés à l’école du court-métrage, y ont planté leur caméra pour y suivre les élèves de terminale durant leur dernière année de lycée. Ils n’ont pas filmé les cours, mais les rites de passage qui scandent cette année charnière : les matchs de l’équipe de football américain, l’élection de la reine de beauté du lycée, la cérémonie de remise des diplômes, le bal de promo, etc.

Frederick Wiseman (Ex Libris, In Jackson Heights…) fait des émules. L’immense réalisateur américain a créé un style : le documentaire non interventionniste, sans voix off ni sous-titre où la seule mise en scène est censée suffire à donner du sens au propos.

Lucas & Bresnan marchent sur ses traces. Il s’agit pour eux toutefois moins de réaliser une radioscopie de l’Amérique profonde – comme Monrovia, Indiana en avait l’ambition – ou de brosser une étude en coupe de la jeunesse américaine – comme le sous-titre français inutilement explicatif prétend l’annoncer – que de raconter des rites. Des rites typiquement américains – et pour nous, spectateurs d’outre-Atlantique, terriblement exotiques – qui scandent la vie lycéenne.

Lucas & Bresnan embrassent le parti d’ignorer l’arrière plan social et économique de la ville où ils posent leur caméra. On ne saura rien ou presque de ses paysages sans caractère, du sous-emploi qui la mine, de la guerre des gangs qui s’y livre, si ce n’est en assistant en temps réel à un règlement de compte qui laissera un mort sur le bitume.
Ils préfèrent s’intéresser à ces moments clés, et volontairement festifs, de l’année de terminale. Ils ont pour nous un charme un peu ridicule. Quoi de plus kitsch que ces jeunes filles à peine majeures déguisées en starlettes, outrancièrement maquillées, juchées sur de hauts talons vertigineux ?

Pour donner corps à leur propos, les réalisateurs ont choisi de suivre plus spécifiquement quatre personnes, deux filles et deux garçons : Na’Kerria, la dauphine malheureuse de l’élection de la reine de beauté, Jocabed, une jeune Mexicaine de la deuxième génération dure à la tâche, BJ, un jeune Afro-américain qui rêve de devenir une star du football américain et Junior, le percussionniste virtuose de la fanfare, dont l’échec scolaire et la naissance d’un enfant semblent compromettre l’avenir.
Le procédé est un peu racoleur. Pas sûr qu’il soit conforme aux exigeants préceptes wisemaniens. Mais il est diablement efficace. Car on s’attache à chacun d’entre eux. Et, sauf à avoir un cœur de pierre, on verse une larme en écoutant le discours de fin d’année de Jocabed devant ses parents et ses grands-parents.

La bande-annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *