Peut-on être « autonome » aujourd’hui ? François Bégaudeau est allé filmer en Mayenne des individus ou des groupes marginaux et conscients de l’être : un couple d’éleveurs d’agneaux, des sourciers, un magnétiseur qui dilate le cul des vaches, une bande de potes qui a créé une ferme bio, une ancienne banquière qui dirige un café associatif, un chaman qui rassemble ses disciples dans une hutte à sudation, des moniales qui produisent des cierges artisanaux….
Le meilleur du film est son dossier de presse. François Bégaudeau, touche-à-touche ébouriffant, joueur de foot reconverti à l’écriture, aussi à l’aise devant que derrière la caméra, propulsé en 2008 par le succès critique et public de Entre les murs, y explique sa démarche.
Il est allé filmer des marginaux en Mayenne, dans une terre de marche, à la frontière de la Bretagne (Aurélien Bellanger avait choisi pour les mêmes motifs ce département pour cadre de son roman L’Aménagement du territoire).
Il ne s’intéresse pas aux « bourrus », ces bourgeois ruraux (le néologisme est censé faire écho aux « bobos »), qui ont fait le choix de quitter la ville pour la campagne. Les personnes qu’il croise ont opté pour ce choix de vie radical et autosuffisant sous la contrainte. Ils ne pouvaient plus vivre en ville. Ils ne le pouvaient plus matériellement à cause du prix exorbitant des loyers. Ils ne le pouvaient plus physiquement, épuisés par le stress, la pollution, la fatigue. Pour eux, s’installer à la campagne était une question de survie.
Mais survivre à la campagne n’est pas simple. Avec beaucoup d’intelligence, avec beaucoup de modestie, ces néo-ruraux inventent un nouveau mode de vie auto-suffisant, respectueux du biotope, solidaire, sinon solitaire. Chacun insiste d’ailleurs sur la nécessité des interactions sociales, utiles à la fois à la survie physique (faire du troc avec ses voisins permet d’obtenir les denrées qu’on ne produit pas) et mentale.
Autonomes s’inscrit dans la veine de toute une série de documentaires français et étrangers qui interroge les possibilités d’une alternative à nos modes de vie jugés écocides : 2040 de Damon Gameau, Demain de Cyril Dion, Tout s’accélère de Gilles Vernet…
Un seul caractère fait exception. C’est Camille, un homme des bois à la longue barbe rousse, qui pose des collets, vole des œufs et tire des faisans avec sa vieille pétoire. C’est seulement à la toute fin du générique qu’on découvre que ce personnage, interprété par l’acteur Alexandre Constant, est fictionnel. On se sent un peu floué par la supercherie et on mégote du coup son soutien à une démarche qui jusque là nous avait convaincus.