Henry (Adam Driver), un comédien de stand-up à l’humour féroce, et Anne (Marion Cotillard), une cantatrice française, forment l’un des couples les plus glamours et les plus adulés de Hollywood. Ils ont bientôt ensemble une fille qu’ils prénomment Annette. Mais le comportement de Henry change imperceptiblement…
Le nouveau film de Leos Carax est sans doute le plus attendu du moment. On a vu tourner sa bande-annonce pendant tout le mois de juin. Il fait l’ouverture du festival de Cannes. Il constitue seulement le sixième film de ce réalisateur hors normes, aussi fantasque qu’exigeant, révélé dans les années quatre-vingts par l’énergie et la poésie de ses deux premiers films Boy Meets Girl et Mauvais Sang avant de se brûler les ailes dans le pharaonique Amants du Pont-Neuf.
Reconnaissons honnêtement que cette impatience n’était pas vaine – même si la bande-annonce, comme souvent hélas, a déjà dévoilé l’essentiel. Somptueux opéra rock au lyrisme revendiqué, Annette nous en met plein les mirettes pendant plus de deux heures. Leos Carax réussit, avec une audace inentamée, à revisiter toutes les formes du cinéma – la comédie musicale, le drame shakespearien, le thriller, le film fantastique – à les malaxer et à faire naître une forme nouvelle d’une vibrante énergie.
Mais c’est bien là le seul atout d’un film qui devient très vite désagréable à force de prétention. On a l’impression qu’à chaque plan, Leos Carax veut nous démontrer qu’il est toujours un cinéaste qui compte, capable de nous étonner. Tant d’application m’as-tu-vu dans la démonstration devient hélas vite contreproductif. Surtout si elle ne s’accompagne pas d’un minimum de sens. Or, de sens, Annette n’en a guère. Quel en est le sujet ? un homme qui sombre dans la folie meurtrière ? un couple que la célébrité étouffe ? une enfant prodige qui trouve le courage de rompre avec son père toxique ? les trois à la fois ?
On a l’impression que Carax se désintéresse de l’histoire qu’il raconte, obnubilé qu’il est par la perfection formelle de chacune des scènes qui la composent. C’est peut-être une façon efficace d’écrire un opéra – et Annette, grâce à la musique indémodable des Sparks, contient en effet quelques scènes d’anthologie. Mais ce n’est pas la meilleure pour réaliser un film.