Chers camarades ! ★★☆☆

Le 1er juin 1962, suite à la brutale augmentation des prix de la viande et du beurre, les ouvriers de l’usine ferroviaire de Novotcherkassk, dans le sud de la Russie, se mettent en grève. Ils marchent sur la mairie. Une fusillade éclate tuant vingt-six manifestants, en blessant des dizaines d’autres. Les autorités déclarent immédiatement l’embargo sur cet événement qui ne sera révélé que trente ans plus tard après la chute de l’URSS.

Le vétéran Andreï Konchalovsky, quatre-vingts ans bien sonnés, qui faisait ses débuts derrière la caméra à cette époque là, s’est directement inspiré des faits pour en faire son dernier film. Il arrive sur les écrans quelques mois à peine après Michel-Ange, d’une toute autre facture.

Konchalovsky aurait pu tourner un documentaire ; mais il préfère réaliser une fiction centrée sur le personnage de Lioudmila, magistralement interprétée par Ioulia Vyssotskaïa, une des grandes dames du théâtre contemporain russe. Ancienne infirmière durant la Grande Guerre patriotique, staliniste chevronnée qui regrette la mort du Petit père des peuples et la prudente libéralisation initiée par Nikita Khrouchtchev, Lioudmila est membre du conseil municipal. Elle est partisane de la ligne dure face aux manifestants et exige qu’ils soient sévèrement punis. Mais elle ignore que sa propre fille, encore étudiante, âgée de dix-huit ans à peine, qu’elle élève seule, est dans leur rang. De l’hôpital, à la morgue, à la fosse commune où les corps des tués ont été enterrés en catimini, elle cherche sa trace.

L’originalité du film est de nous présenter les événements, non pas du point de vue des manifestants (les héros sont d’habitude deux jeunes gens pris sous le feu des balles qui réussissent miraculeusement à survivre et y gagnent la sympathie des spectateurs), mais de celui des autorités, d’abord débordées par l’ampleur de l’hésitation et hésitant à la réaction à lui opposer.

Chers camarades ! a remporté le prix spécial du jury à Venise en 2020. Ce genre de prix honore autant sinon plus le réalisateur auquel il est décerné, souvent en fin de carrière, dont on veut une dernière fois saluer l’oeuvre, que son film lui-même. C’est peut-être le cas de ce Chers camarades ! qui ne brille pas par ses qualités cinématographiques.

Certes l’interprétation de Ioulia Vyssotskaïa est impressionnante qui habite son rôle et qui, dans le feu de la manifestation et en réaction au drame intime qui la frappe, est obligée de reconsidérer toutes ses valeurs. Mais le reste de l’interprétation est guindée. Et le film est bien académique. Konchalovksy l’a tourné en noir et blanc parce que, dit-il, le souvenir que nous avons de cette époque est définitivement constitué d’images en noir et blanc. Le problème est que son noir et blanc est trop élégant, trop velouté, pour être crédible et retrouver la patine des images de l’époque.

La bande-annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *