Conférence ★☆☆☆

En octobre 2002, une attaque terroriste fomentée par un commando tchétchène dans un grand théâtre de Moscou s’est soldée par la mort de tous les assaillants et d’une centaine d’otages. Dix sept ans plus tard, une ancienne otage, Natalia, qui a pris le voile dans un monastère orthodoxe, revient à Moscou pour organiser une cérémonie commémorative. Son retour rouvre dans sa famille, auprès de sa fille, qui fut, elle aussi, otage, des blessures non cicatrisées.

Ivan I. Tverdovskiy fait partie de cette nouvelle vague de réalisateurs russes dont la puissance des oeuvres balaie tout sur leur chemin. Il appartient à la même famille que Zviaguintsev (Leviathan, Elena, Faute d’amour), Balagov (Une grande fille, Tesnota), Bykov (L’Idiot !, Factory), Loznitsa (Une femme douce), Khlebnikov (Arythmie)… La liste est longue de ces films russes qui nous laissent hébétés, pantois. Ces œuvres ont en commun de filmer à l’os, sans concession, une société dure à l’homme, violente, égoïste et les fragiles îlots de résistance que lui opposent quelques individus esseulés et leurs moyens dérisoires : leur courage, leur intégrité, leur amour…

Réalisé à vingt-six ans à peine, le premier long de Tverdovskiy m’avait laissé une marque durable. Classe à part racontait la lente descente aux affaires d’une adolescente atteinte de myopathie placée dans un institut spécialisé, un sujet qui fait écho à la polémique zemmourienne du week-end. Tverdovskiy a réalisé ensuite deux films en 2016 et 2018 qui ont fait l’objet d’une diffusion confidentielle et que je n’ai pas vus. Le voici de retour avec son quatrième long métrage aux frontières de la fiction et du documentaire.

Conférence joue en effet sur ces deux tableaux. D’un côté, il nous raconte les faits, par la bouche des anciens otages, réunis l’espace d’une soirée dans la salle du théâtre où s’est déroulé le drame. De l’autre, à travers le personnage de Natalia, de sa sœur, de sa fille, de son mari désormais grabataire, il illustre les fractures familiales que le drame a ouvertes et qui ne se sont jamais refermées. Un troisième sujet est ébauché mais tourne court : une sorte de répétition générale du drame de 2002 revécu dix-sept ans plus tard par quelques uns de ses protagonistes face à une bureaucratie tatillonne qui veut les expulser du théâtre.

Le résultat est moins réussi que je ne l’escomptais. La figure hiératique de la moniale photographiée sur l’affiche, les quelques extraits visibles dans la bande-annonce me laissaient espérer un film sec et poignant, du niveau de ceux que j’ai cités plus haut. Certes Conference contient quelques scènes impressionnantes. Notamment la dernière. Mais le film, trop long, aurait pu sans dommage être amputé d’un quart. Et, plus grave, le silence gardé sur la polémique qu’ont fait naître les moyens disproportionnés utilisés par les forces spéciales russes pour déloger les terroristes (en utilisant un gaz neurotoxique qui tua beaucoup d’otages) laisse un malaise.

La bande-annonce

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