Une jeune femme (Laure Calamy), à l’existence précaire, travaille à la chaîne dans une poissonnerie industrielle du sud de la France. Elle perd son logement. Sa mère, qui l’a élevée seule, vient de mourir. Son amoureuse purge en prison une longue peine. Elle se résout à recontacter son père (Jacques Weber), un richissime homme d’affaires qui vit reclus dans son hôtel particulier sur l’île de Porquerolles. Diminué par une attaque, le vieillard antisémite et homophobe, portant toujours beau, est entouré d’un quatuor de femmes qui réserve à la nouvelle arrivante un accueil hostile : sa femme (Dominique Blanc), une diva droguée au télé-achat, sa fille (Dora Tillier) qui a repris les rênes de l’empire familial, sa petite fille (Céleste Brunquell), l’œil vissé derrière son appareil photo, sa domestique (Véronique Ruggia Saura)…
Quelqu’un ment nous dit l’affiche. Mais qui ? L’Origine du mal n’est pas un whodunit construit autour d’un crime et de sa résolution. Sa structure est moins familière et plus complexe. On découvre vite l’identité du dissimulateur comme on comprend ses motifs. L’enjeu du film se déplace pour savoir s’il parviendra à ses fins et comment. Le scénario révèle quelques jolis rebondissements. Il aurait pu s’achever au tribunal ou à l’hôpital ; mais il continue une demi-heure supplémentaire dont l’utilité scénaristique ne saute pas aux yeux.
Sébastien Marnier, qui avait déjà signé deux films épatants (Irréprochable avec Marina Foïs et L’Heure de la sortie avec Laurent Lafitte) prend un plaisir communicatif à créer autour de Jacques Weber un décor hitchcockien de serre exotique étouffante (la bande son du dernier plan est saturée de cris nocturnes d’une faune équatoriale). Dominique Blanc s’en donne à cœur joie dans un personnage qu’on n’imaginait plus voir à l’écran depuis Le Boulevard du crépuscule. En revanche, Céleste Brunquell, un des plus grands espoirs du jeune cinéma français, est sous-exploitée.
Mais c’est surtout Laure Calamy dont le talent explose. On avait pris l’habitude depuis Antoinette dans les Cévennes de la cantonner aux rôles de quadragénaire nature et marrante. Déjà dans À plein temps – sans doute l’un des meilleurs films de l’année – elle montrait son potentiel dramatique. Ici, elle joue un personnage border line, vénéneux, chabrolien à souhait. Une nouvelle corde à son registre décidément très large.