L’air de la mer rend libre ★★☆☆

Sous la pression de ses parents, Saïd accepte de se marier avec Hadjira. Les deux mariés ont l’un et l’autre un lourd passif : lui est homosexuel qui n’a jamais eu le courage de faire son coming out, elle ne s’est jamais remise d’une liaison toxique avec un dealer qui l’a conduite jusqu’à la prison. Compte tenu de ces lourdes hypothèques, quel avenir pour leur couple ?

Je suis allé voir à reculons L’air de la mer rend libre ; car j’avais le pressentiment, très présomptueux, d’en connaître à l’avance le déroulement et le point d’arrivée. Ce pressentiment n’a pas été démenti. Comment un tel scénario peut-il en effet se dénouer ? On n’imagine pas les deux époux au bout de quelques mois faire le constat de leurs différences et se séparer pas plus qu’on ne conçoit qu’ils s’apprivoisent lentement et construisent ensemble un couple solide. La première option tournerait court et la seconde serait chargée d’une homophobie intenable.

Pour autant, aussi peu surprenant soit-il, L’air de la mer rend libre m’a plu. La raison en est dans la maîtrise de sa mise en scène et dans sa direction d’acteurs. Nadir Moknèche n’est pas né de la dernière pluie. Depuis plus de vingt ans, ce réalisateur chevronné joue à saute-moutons sur les deux côtés de la Méditerranée et raconte la difficulté d’être Algérien, qu’on vive en France ou en Algérie (Le Harem de Madame Osmane, Viva Laldjérie, Délice Paloma…).

Il retrouve Lubna Azabal, qui tourna dans ses deux précédents films, et lui adjoint les valeurs sûres que sont Zinedine Soualem et Saadia Bentaïeb pour interpréter les parents des jeunes mariés. Hidjara est interprétée par Kenzia Fortas, César du meilleur espoir féminin 2019 pour Shéhérazade. Pour cicatriser une blessure de cœur elle se jette à corps perdu dans la religion. Sexy en diable, dans le rôle de Saïd, Youssouf Abi-ayad a fait ses armes au théâtre, à Strasbourg, sous la direction de Christophe Honoré ou de Thomas Jolly, avant de créer sa propre troupe. Le casting commet toutefois une erreur de carre avec Zahia Dehar dont la célébrité sulfureuse pour son implication dans l’affaire Ribéry autant que la poitrine généreuse éclipsent encore ses talents d’actrice.

L’air de la mer rend libre suit donc lentement un chemin tracé d’avance. Mais il le fait avec tant de charme et de délicatesse qu’on lui pardonne volontiers son manque de surprise. Autre originalité bienvenue : il nous fait découvrir, loin des clichés touristiques, Rennes, la capitale bretonne qui, à ma connaissance, n’avait guère servi de décor à un film.

La bande-annonce

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