Le Théorème de Marguerite ★★★☆

Marguerite Hoffmann (Ella Rumpf) travaille à l’ENS sous l’autorité de Laurent Werner (Jean-Pierre Darroussin) à une thèse de mathématiques. Mais la présentation au public de ses premiers résultats tourne au fiasco. Dégoûtée, Marguerite claque la porte de l’ENS, décide de renoncer  à jamais aux mathématiques et part s’installer dans un meublé crasseux du 13ème arrondissement parisien.

Quelques mois après De grandes espérances et La Voie Royale, voici le troisième volet de ce qu’on pourrait baptiser « la trilogie des grandes écoles » ou, si l’on était un boomer misogyne, « Martine passe des concours ». De grandes espérances offrait au César du meilleur espoir féminin 2023, Rebecca Marder, le rôle d’une jeune et brillante diplômée de Sciences Po qui, à la veille de réussir le Grand’O de l’ENA voit ses espoirs se fracasser sur un chemin de campagne corse. L’héroïne de La Voie royale, interprétée par Suzanne Jouannet, César du meilleur espoir féminin 2022, était une fille d’agricultrice parachutée dans une prépa lyonnaise et rêvant d’intégrer Polytechnique.

Ella Rumpf n’a pas (encore) reçu le César du meilleur espoir féminin – même si elle l’aurait mérité pour son interprétation dans Grave qui révéla Julia Ducournau, future Palme d’or à Cannes. Quand, dans les premières scènes, on la voit le regard baissé, les épaules rentrées, le pas traînant en chaussons dans les couloirs de la rue d’Ulm, on craint qu’elle force la caricature de la quasi-autiste qui ne vit que par les mathématiques. Mais sans qu’il soit besoin au papillon de sortir de sa chrysalide, elle réussit, avec son accent indéfinissable (Ella Rumpf est suisse et l’allemand est sa langue maternelle) à incarner son personnage, aussi perché qu’obstiné. Elle y est aidée par une distribution très bien dosée. En particulier, le choix de Jean-Pierre Darroussin, englué jusqu’à la garde depuis des décennies dans la gentillesse mielleuse des films de Guédiguian, pour jouer le rôle d’un parfait salaud, s’avère machiavélique.

Pour la troisième fois, une femme est filmée dans un monde d’hommes hyper-compétitifs où, dit-on, tous les coups sont permis – comme si les classes prépas et les grandes écoles étaient devenues, autant sinon plus que le monde politique ou les grandes entreprises, le lieu hobbesien archétypal de « la guerre de tous contre tous ». Mais le Théorème de Marguerite ne se réduit pas à cela. C’est aussi, c’est surtout un film sur les mathématiques dont il montre – autant que je les connaisse… et je les connais fort mal – les avantages et les limites : créer un ordre raisonné et rassurant dans le chaos du monde au risque de s’en couper.

Certes, Le Théorème de Marguerite est construit selon un plan ternaire qui ne réserve guère de surprises : l’ascension de l’héroïne, sa chute et sa rédemption. Certes, sa conclusion est banalement prévisible, autant qu’elle est fébrilement attendue. Pour autant, même si Le Théorème de Marguerite ne révolutionne pas le cinéma et ne méritait peut-être pas d’être sélectionné à Cannes, il n’en reste pas moins un film haletant et bien joué sur un sujet original.

La bande-annonce

Un commentaire sur “Le Théorème de Marguerite ★★★☆

  1. malgré les 3 étoiles , vous faites beaucoup de remarques négatives sur ce film.
    moi j’ai été enthousiasmée , et bien que ne m’intéressant pas du tout aux maths, j’ai trouvé la mise en scène excellente , les acteurs , tous, passionnants, bien menés .
    un détail : en ce moment cela devient à la mode de nommer autiste toute personne qui sort du cadre traditionnel . Cette thésarde n’a rien d’une autiste .

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