Léo et Rémi sont amis depuis l’enfance. Ils partagent tout : les mêmes jeux, les mêmes rires, les mêmes repas, une fois chez l’un, une fois chez l’autre, jusqu’aux nuits qu’ils passent ensemble dans le même lit… Mais avec l’entrée au collège et l’adolescence, le regard qui pèse sur eux corrompt leur relation.
Pendant plusieurs semaines, la bande-annonce de Close a précédé, jusqu’à l’indigestion, chaque film distribué dans le circuit UGC ou MK2. Elle révèle sans en rien cacher tous les pans de la première partie du film et fait naître une interrogation : quelle histoire nous racontera Close ? celle de deux adolescents homosexuels en butte à l’hostilité de leurs camarades de classe et qui auront le courage de s’aimer malgré tous les obstacles ? ou au contraire, dans une version moins heureuse, celle de l’implacable corrosion d’une amitié amoureuse qui ne résistera pas à la pression du groupe ?
Ni l’une ni l’autre. Close s’engage de façon surprenante dans une tout autre direction. On n’en dira pas plus pour ménager le choc que cette bifurcation sidérante provoque.
Close est le deuxième film de Lukas Dhont, un jeune réalisateur belge âgé de trente ans à peine et beau comme un Dieu. Son premier film, Girl, avait obtenu la Caméra d’or à Cannes en 2018. Il aura laissé à tous ceux qui l’ont vu une marque profonde. Il est probable que ce soit le cas aussi de Close, Grand Prix du jury qui, dit-on, a manqué de peu la Palme d’Or – attribuée cette année à Sans filtre.
On peut certes lui reprocher un certain maniérisme. Sa caméra est collée aux acteurs et refuse tout plan large, accroissant le sentiment d’étouffement. Elle filme avec complaisance ces deux charmants bambins qui courent dans les champs sous une douce lumière crépusculaire ou pédalent sur leurs vélos. Voulant filmer des émotions tues, Lukas Dhont se condamne à accumuler les métaphores sursignifiantes : un hockeyeur qui chute jusqu’à l’épuisement, un poignet brisé qui cicatrise…
Pour autant, Close est poignant. Cette réussite est due à ses deux jeunes héros qui, comme celui de Girl, impressionnent la pellicule de leur ambiguïté pré-adolescente. Mais il la doit au moins autant aux deux actrices qui interprètent les rôles des deux mères. Sans maquillage, assumant leur quarantaine bien frappée, elles sont l’une et l’autre impressionnantes de maîtrise. Depuis Rosetta, Emilie Dequenne m’émeut dans chacun de ses films (même si ses choix n’ont pas toujours été avisés) : La Fille du RER, À perdre la raison, Les Hommes du feu, Chez nous, Les choses qu’on dit, les choses qu’on fait…. Je lui trouve une sincérité poignante – et la voix de Virginie Efira ce qui ne gâche rien. Son rôle n’est pourtant pas simple ; mais elle réussit à en interpréter les douloureuses contradictions avec une pudeur bouleversante.