La Vache ★★☆☆

Un paysan algérien  traverse la France à pied pour participer au Salon de l’agriculture où sa vache a été autorisée à concourir.
On imagine volontiers le scepticisme des producteurs auxquels le réalisateur Mohamed Hamidi est allé présenter son projet. Et on admire d’autant plus leur audace à avoir accepté de financer ce feel-good movie qui, grâce à un bouche à oreille enthousiaste, s’est transformé en succès public début 2016.
Comme Fernandel et Marguerite, Fatah et Jacqueline marchent. Leur parcours est ponctué de rencontres : un beau-frère à Marseille qui a fait sa vie en France contre l’avis de sa famille (Jamel Debbouze à contre-emploi), un comte désargenté qui n’a plus les moyens d’entretenir son domaine (Lambert Wilson), des agriculteurs en colère qui déversent des seaux de purrin devant la sous-préfecture… Pendant ce temps, au bled, en Algérie, la famille et les amis suivent à distance la progression de Fatah et de sa vache‎.
« La Vache » n’est pas un chef d’œuvre et n’en a pas la prétention. Sa modestie revendiquée n’est pas le moindre de ses atouts. Du coup, on pardonne aux personnages qui frisent la caricature, à l’intrigue prévisible. Et on se laisse porter par la joie communicative de son épilogue.La bande-annonce

Sing street ★★☆☆

Vous avez 40-50 ans ? Vous avez biberonné au Top 50 ? Vous avez adoré Joy Division, Duran Duran, Motörhead ? Les murs de votre chambre étaient tapissés des posters de David Bowie, Madonna ou Joe Jackson ? Alors vous adorerez « Sing Street » qui vous ramènera au temps des cheveux crêpés, des bottines et du fluo.

À Dublin au millieu des 80ies, Conor a quinze ans (comme moi… sauf que je n’habitais pas Dublin). Ses parents le changent de lycée pour le placer dans une institution catholique collet monté. Pour y séduire Raphina, il décide de monter un groupe. Il l’appelera Sing Street.

« Sing street » est un feel good movie comme on en a déjà vus beaucoup. Moitié récit initiatique, moitié film musical, il a la tendresse du premier (les relations entre Conor et son frère aîné sont particulièrement touchantes) et l’énergie du second.

Sans doute « Sing street » ne revolutionne-t-il pas un genre dont les règles furent fixées il y a un quart de siècle par l’indépassable Commitments de Alan Parker. Pour autant, aussi oubliable soit-il, il offre le plaisir régressif de se replonger, pour le meilleur (The Cure) et pour le pire (A-ha), dans la musique de notre adolescence.

La bande-annonce

Bleeder ★★☆☆

Tourné en 1999, le deuxième film de Nicolas Winding Refn était jusqu’alors inédit en France.

« Bleeder » reprend les mêmes décors  (la banlieue grise de Copenhague), les mêmes acteurs (Kim Bodnia qui ne percera pas et Mads Mikkelsen qui deviendra une star mondiale) et la même histoire que « Pusher ». Comme dans son premier film, Winding Refn filme les bas-fonds de la capitale danoise, ses losers, ses petits trafics. Rien de romantique dans sa caméra mais au contraire un goût pour l’hyperviolence qui ira crescendo dans ses films suivants.

Léo (Kim Bodnia), le héros de « Bleeder », vit avec Louise qui attend un enfant. Lenny (Mads Mikkelsen) est célibataire et travaille dans un vidéo-club. Le film raconte la lente dérive du premier dans la violence et la rédemption du second dans l’amour.

« Bleeder » offre un portrait touchant de Winding Refn sous les traits de Lenny. Comme son personnage, sa cinéphilie – il voit dix à douze films par semaine – le coupe du monde. Comme son personnage, il est amoureux – c’est Liv Corfixen qui deviendra Mme Winding Refn à la ville qui interprète le rôle de la serveuse draguée par Lenny.

« Bleeder » n’est pas un chef d’œuvre. Il n’a pas la prétention de l’être. C’est un petit film tourné avec quatre bouts de ficelles par un réalisateur qui n’a pas trente ans et sa bande de potes. C’est une curiosité cinéphilique pour les fans de « Drive », « Only God Forgives » et « The Neon Demon ».

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Le Mystère Jérôme Bosch ★★☆☆

Le Jardin des délices est sans doute l’œuvre la plus connue du peintre hollandais Jérôme Bosch. Réalisée au tout début du seizième siècle, elle est exposée au musée du Prado. C’est là que le documentariste José Luis López-Linares la filme. C’est là aussi qu’il interroge un curieux panels de stars mediatico-culturelles : Salman Rushdie, Michel Onfray, Renée Fleming…

Le résultat est assez classique dans la forme et ne bouleverse pas les canons du genre. Pour autant l’œuvre de Jérôme Bosch est si fascinante qu’on passe sans rechigner plus d’une heure à l’ausculter.

La caméra s’attarde sur chaque minuscule détail et essaie d’en comprendre la signification. Dans ce triptyque dont le volet latéral gauche décrit le Paradis terrestre et le droit l’enfer, Jérôme Bosch a-t-il voulu, avec les figures monstrueuses mi-humaines mi-animales du volet central, dénoncer les dangers de la luxure ? ou au contraire, avec une audace étonnante pour son temps, en faire l’éloge ?

On aura en chemin glané quelques anecdotes (le duc d’Albe a fait arracher les ongles des pieds et des mains d’un gardien pour s’approprier le triptyque) ; mais le mystère Jérôme Bosch ne sera pas dévoilé. Les motifs du maître hollandais nous resteront à jamais inconnus.

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Mademoiselle ★★★☆

Dans la Corée des années 30, au temps de l’occupation japonaise, une servante est recrutée par une riche héritière prisonnière d’un oncle lubrique dans un immense manoir inquiétant. La jeune domestique est en fait une jeune arnaqueuse qui, avec la complicité d’un faux comte japonais, espère mettre la main sur l’héritage de sa maîtresse. Sauf que les choses sont moins simples qu’il n’y paraît et que l’arnaque n’est peut-être pas là où on la pressent.

Le réalisateur coréen Park Chan-wook est au sommet de son art avec cette adaptation d’un thriller victorien. Transposé au Pays du matin calme, l’action de « Du bout des doigts », le roman de Sarah Waters, s’orientalise. Il se leste d’un érotisme diffus, avec son lot d’estampes japonaises et de boules de geisha. Il s’enrichit surtout d’une esthétique fétichiste qui fait de chaque plan sublimement photographié une œuvre d’art.

À la différence de « The Assassin », que j’avais trouvé d’une beauté stérile, cette mécanique est au service d’un double projet. Le premier est un scénario diaboliquement complexe dans la veine des plus manipulateurs des réalisateurs. Comme dans « Rashomon », la même histoire va être envisagée de plusieurs points de vue : dans la première partie du film du point de vue de la servante, dans la seconde de celui de la maîtresse.

Mais « Mademoiselle » ne vaut pas seulement par ses twists machiavéliques (et parfois un peu prévisibles). C’est surtout un splendide portrait de femmes, une merveilleuse histoire d’amour (ah! la scène de la baignoire !), un pamphlet féministe audacieux. Bref c’est tout à  la fois « Downton Abbey », « L’Empire des sens » et « La Vie d’Adèle ». Pas mal pour un film dont on pardonnera du coup ses deux heures vingt-quatre.

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Mal de pierres ★★☆☆

Nicole Garcia est une grande actrice. C’est aussi une grande réalisatrice qui signe avec ce beau « Mal de pierres » son huitième film. Elle choisit d’adapter un roman de Milena Agus que j’avais lu il y a quelques années et dont j’avais gardé un souvenir ému.

Gabrielle est une jeune femme sensuelle dont les rêves d’amour fou éveillent la suspicion de ses parents agriculteurs en Haute-Provence. La croyant folle, ils la marient de force à un homme qu’elle n’aime pas. L’amour fou, elle le découvrira à l’occasion d’une cure et d’une rencontre inoubliable, quitte peut-être à en perdre la raison.

L’action du livre de Milena Agus se déroulait en Sardaigne et portait la marque de cette terre âpre. Nicole Garcia la transpose dans le sud de la France, entre les champs de lavande où Gabrielle grandit et les rivages de la Méditerranée où elle suit José son mari (l’action est censée se dérouler à La Ciotat, mais ce sont les rochers des Deux frères au large de Fabregas qu’on aperçoit à l’horizon). L’action se déroule durant les années 50 reconstituées avec une élégance qui frise l’académisme.

Le film vaut surtout par son actrice principale. J’ai longtemps eu beaucoup de réserves à l’égard de Marion Cotillard. Son premier rôle dans « Taxi » ne m’avait pas convaincu de son potentiel, pas plus que son Oscar pour « La Môme » que j’ai toujours trouvé surcôté. Je m’étais, comme tout le monde, allègrement moqué de ses grimaces dans « The Dark Knight Rises ». Mais force m’est de reconnaître aujourd’hui qu’elle affirme depuis quelques films un talent incontestable sous la direction des plus grands : « De rouille et d’os » de Audiard », « Deux jours et une nuit » des frères Dardenne, « Juste la fin du monde » de Xavier Dolan. A cette liste il convient désormais d’ajouter ce beau film classique.

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Réparer les vivants ★★★★

Coup de cœur pour « Réparer le vivants ». J’avais kiffé le livre ; j’ai surkiffé le film.

De quoi s’agit il ? D’un cœur justement. Celui de Simon, 17 ans, dont on suit les dernières heures de la trop courte vie : la nuit qui s’achève auprès de son amoureuse, la bien-nommée Juliette (Galatéa Bellugi révélée dans « Keeper » un autre coup de cœur), sa course à  travers les rues du Havre pour retrouver ses copains surfeurs, le trajet en camionnette jusqu’au spot, l’immersion dans l’eau glacée, le retour sur la route et la mort au bout du chemin.

Mais pour que cette mort scandaleuse ne soit pas inutile, les urgentistes qui annoncent à la mère (Emmanuelle Seigner écrasée de chagrin) et au père (le rappeur Kool Shen à contre-emploi) de Simon le décès de leur enfant leur proposent que ses organes soient légués à des malades en attente de don.

Le drame prend alors des allures de documentaire sans jamais virer au didactisme. Une panoplie de personnages se met en place. Un instant on regrette qu’elle nous distrait du huis clos dans lequel on serait volontiers restés. On quitte Le Havre pour Paris. Claire, la cinquantaine, souffre d’une nécrose du cœur. Ses deux fils sont à son chevet. Celle dont on comprend qu’elle fut son amoureuse aussi (Alice Taglioni qu’on ne peut plus regarder sans songer à  la mort horrible de son compagnon). Sa cardiologue (Dominique Blanc) prépare la transplantation avec ses jeunes assistants.

Le film n’est jamais aussi bon que dans son dernier tiers, quand les fils de l’histoire se renouent et que le cœur de Simon, clampé au Havre, est greffé à Claire. Âmes sensibles s’abstenir : la double opération est filmée en gros plan. Mais rien n’est plus émouvant que le visage de la jeune interne (Alice de Lencquesaing) qui s’éclaire quand l’opération se termine ou que les yeux de Claire se rouvrent quand un nouveau cœur bat dans sa poitrine.

La bande-annonce

Zootopie ★★★☆

Dans le monde de l’animation, il y a Pixar… et il y a les autres.
Rachetée par Walt Disney‎, la fine équipe qui avait révolutionné le monde de l’animation il y a une vingtaine d’années n’a rien perdu de sa créativité.
Elle en fait une fois de plus la preuve.
Là où les autres studios se contentent d’enfiler les sequels comme on enfile les perles (voir l’affligeante succession des ‎Kung-Fu panda ou des Ice Age), Pixar se réinvente à chaque film.
Dans Zootopia, les disciples de John Lasseter invente un univers peuplé de toutes les espèces animales et menacé par la discorde. Toute allusion à l’Amérique du melting pot et de son vivre-ensemble ne serait pas tout à fait fortuite.
C’est à une lapine maline, associée à un renard débrouillard, qu’incombera‎ la responsabilité de rétablir la paix civile.
‎Les plus jeunes adoreront la musique de Shakira. Les autres apprécieront la voix sexy de Idris Elba (le futur James Bond ?), les références au Parrain et à Breaking Bad ou la citation de FD Roosevelt. Tous riront aux larmes à la scène du paresseux, qu’une bande annonce hors norme avait déjà rendu célèbre.

La bande-annonce

Moi, Daniel Blake ★★★☆

La cinquantaine bien entamée, Daniel Blake est un charpentier en arrêt de travail suite à l’infarctus dont il a été la victime. Il se bat pour obtenir une pension d’invalidité ou, à défaut, une indemnité de chômage. Il rencontre au « job center » Katie, une mère célibataire dans la même situation de précarité que lui.

Que celui qui n’aura pas été ému aux larmes par « Moi, Daniel Blake » se dénonce sur le champ. Ce film bouleversant ‎ferait pleurer les pierres. Ken Loach y décrit, non sans ironie, un système anonyme et humiliant, prisonnier d’une logique de rentabilité, qui écrase ceux qu’il est censé secourir. Ce système ubuesque et déshumanisé, organisé avec des Call centers et des Printemps de Vivaldi, nous l’avons tous connu, qu’il s’agisse de s’inscrire à Pôle Emploi ou de changer le forfait de son abonnement Internet. Sa critique nous est immédiatement sympathique. Face à lui, des Daniel et des Katie tentent tant bien que mal de survivre et de conserver leur dignité. Leurs efforts et leurs échecs nous brisent le cœur.

Ken Loach n’a pas usurpé la Palme d’or qui lui a été décernée à Cannes. Elle a couronné un film autant qu’une œuvre toute entière dédiée à la dénonciation des injustices faites aux plus vulnérables. Pour autant, si l’on refuse, à rebours de toute correction politique, de se laisser kidnapper par la charge lourdement lacrymale que charrie « Moi, Daniel Blake », ‎on osera deux critiques. Elles visent tant le dernier film de Ken Loach, que ses réalisations précédentes voire qu’un nombre significatif de films britanniques, tous d’ailleurs excellents, qui s’inscrivent dans la même veine (on pense par exemple à « Hector » sorti en décembre 2015 dont j’ai dit ici tout le bien que je pensais).

Ces films se répètent. Ils dénoncent l’inhumanité d’un système capitaliste qui broie les individus et insulte leur dignité. Déjà en 1993, Ken Loach m’avait ému aux larmes avec « Raining Stones ». C’était il y a près d’un quart de siècle. On pourrait lui reprocher de faire du surplace. Il répondrait peut-être que son indignation est toujours légitime car la situation des plus pauvres ne s’est pas améliorée, voire s’est aggravée.

Mais un autre malaise peut être pointé. Il vise une gauche bobo – à laquelle je m’identifie volontiers – qui se délecte des films de Ken Loach – ou de ceux des frères Dardenne ou de Philippe Lioret. Cette gauche bobo‎ adore ces films marqués au fer du réalisme social qui prennent fait et cause pour les plus marginaux. En témoigne l’an passé le succès, mérité, de « Fatima » de Philippe Faucon ou de « La Loi du marché » de Stéphane Brizé. Elle les applaudit le samedi soir à l’UGC Danton ou au MK2 Beaubourg. Et puis, elle va dîner dans un restaurant japonais du 5ème et rentre dormir dans l’appartement parisien confortable dont les salaires d’une vie de smicard ne suffiraient pas à acheter la place de parking en sous-sol.

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La Dame dans l’auto avec des lunettes et un fusil ★★☆☆

Japrisot a écrit au début de sa carrière des petits polars malins : « Adieu pour Cendrillon », « Compartiment tueurs »… Joann Sfar est un auteur de bande dessinée passé derrière la caméra pour y adopter son Chat du rabbin. La rencontre des deux n’allait pas de soi.

Le roman de Japrisot repose sur une énigme : Dany est-elle folle ? Sa cavale en Thunderbird sur la Riviera est-elle fantasmée ? Joann Sfar prend le partie d’une adaptation très stylisée, à la limite du clip video.

Il est servi par le choix de son héroïne, la bombissime Freya Mavor. Ami masculin, tape son nom sur Google Images … et reviens me remercier en bavant ! Amie féminine, tu as le droit aussi de le faire… mais épargne moi tes commentaires jaloux !

Mais le clip dure 1h33, connaît des baisses de régime et déçoit à sa conclusion.

La bande-annonce