Corpo Eléctrico ★★☆☆

Elias a vingt-cinq ans à peine. Il vient d’arriver à São Paulo. Ses journées sont bien occupées : il exerce des fonctions d’encadrement dans une usine textile aux côtés de la patronne. Mais ses soirées ne le sont pas moins : Elias multiplie les rencontres et les conquêtes masculines.

Le cinéma brésilien nous réserve de belles surprises. Aquarius – dont Marcelo Caetano avait dirigé le casting – avait enthousiasmé la Croisette en 2016 et emporté un beau succès en salles (156.000 entrées en France). Gabriel et la montagne nous entrainait en 2017 en Afrique orientale sur les pas d’un étudiant brésilien idéaliste. Les bonnes manières osait en 2018 le film vampire lesbien.

Corpo Eléctrico ne trouvera pas sa place dans ce palmarès. Mais ce n’est pas faute de qualités.

Corpo Eléctrico est un film dyonisiaque qui exalte sans tabous la joie de vivre et d’aimer. D’ailleurs il aurait pu sans rougir détourner à son profit le titre de Christophe Honoré : Plaire, aimer et coudre.

Corpo Eléctrico n’est pas sans rappeler Mektoub my love. Comme Abdellatif Kechiche, Marcelo Caetano filme les corps, leur beauté solaire, leur sensualité provocatrice. Comme Kechiche, Caetano aime filmer des groupes de jeunes qui se croisent et se frôlent. Il le fait parfois avec un peu trop d’afféterie : ainsi de ce long traveling arrière dans les rues de São Paulo où Elias et ses amis déambulent d’un bon pas. Mais il faut lui reconnaître le don rare de réussir à capter la vie comme elle va.

Corpo Eléctrico a les défauts de ses qualités. Son refus du dramatique lui fait parfois friser l’insignifiance. Son goût prononcé pour les scènes de groupes l’empêche d’isoler les caractères. Sa manie d’étirer les plans tourne parfois à la pose. Sous ses aspects faussement cool, il n’en reste pas moins un film politique en affirmant que les différences de race et de sexualité, que les inégalités de classes peuvent se dissoudre dans un hédonisme post-moderne. (Dé)culotté.

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La Paysanne aux pieds nus ★☆☆☆

En 1943, à Rome, Cesira (Sophia Loren) élève seule sa fille Rosetta en tenant le troquet de son mari défunt. Les bombardements alliés la conduisent à fuir la capitale avec sa fille et à retourner dans sa région d’origine, la Ciociarie. Mais elle ne reconnaît plus son village, envahi par des hordes de réfugiés qui fuient tout à la fois les exactions des Allemands en déroute et l’avancée des troupes alliées encalminées au Mont-Cassin.

La Ciociara (connu egalement sous son calamiteux titre français La Paysanne aux pieds nus) marque les retrouvailles de Sophia Loren et de Vittorio De Sica six ans après L’Or de Naples. L’explosive actrice vient de passer trois ans à Hollywood. Le vieux réalisateur a déjà à son actif Le Voleur de bicyclette, Miracle à Milan et Umberto D. Carlo Ponti, l’influent producteur, veut offrir un rôle marquant à sa femme pour qu’elle revienne en Italie. L’adaptation d’un livre de Moravia, inspiré de faits réels, lui en fournira l’occasion.

Filmé en noir et blanc, La Ciociara ressemble aux films néoréalistes de la fin des années quarante dont il reprend les thèmes et les formes : Rome ville ouverte, Païsa, Riz amer… Il en a à la fois la beauté tragique et le lyrisme démodé.

Le film fut un triomphe pour Sophia Loren qui obtint le Prix d’interprétation féminine à Cannes, l’Oscar de la meilleure actrice (le premier jamais décerné pour un film en langue étrangère), le Donatello – l’équivalent transalpin des Césars – de la meilleure actrice, etc.

Près de soixante ans plus tard, la plastique tout en courbes de Sophia Loren n’a rien perdu de sa générosité mais son jeu exubérant a hélas bien vieilli. De tous les plans, l’actrice monopolise l’attention ne laissant aucune place à ses partenaires, y inclus le malheureux Jean-Paul Belmondo qui n’en peut mais. Son jeu se réduit à deux expressions : rouler des yeux scandalisés quand un homme reluque son décolleté, les étrécir dans un soupir pâmé quand elle se laisse embrasser.

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The Cured ★★★☆

Quelques années plus tôt, le terrible virus Maze a transformé la quasi-totalité de l’humanité en zombies cannibales. Mais un vaccin a été trouvé, permettant de soigner les personnes infectées.
Pour autant, des problèmes demeurent. Une partie des zombies est incurable. Quant à ceux revenus à la vie civile, ils peinent à se réinsérer.

The Cured commence là où World War Z et nombre de films de zombies se terminent : un vaccin a été trouvé qui va sauver l’humanité d’une extinction cannibale. Happy end ? Pas évident nous répond ce thriller malin qui pose de stimulantes questions éthiques, sur le pardon et sur le remords.

Il questionne d’une part le rapport des humains rescapés face aux zombies guéris. Ceux-ci pardonneront-ils à ceux-là les crimes qu’ils ont commis ?  Leur feront-ils une place dans la société ? Ou les maintiendront-ils sous surveillance, de peur d’une rechute et/ou par refus de leur pardonner ?

Il questionne d’autre part les remords des zombies que le vaccin n’a hélas pas privés de souvenirs, condamnés à être hantés par les cauchemars des crimes monstrueux qu’ils ont commis. Parviendront-ils à se réconcilier avec eux-mêmes et avec les autres ? Ou s’enfermeront-ils dans un séparatisme radical ?

Toutes ces questions éthiques sont traitées à travers trois personnages. Senan (Sam Keeley) a perdu son frère pendant l’infection, dans des conditions qu’on découvrira bien vite. Il est hébergé par sa belle-sœur Abbie (Ellen Page) qui élève, seule, un fils. Conor (Tom Vaughan-Lawlor) n’a pas cette chance. Sa famille l’a banni. Il en est réduit à loger dans un foyer pour anciens zombies. Brillant politicien en pleine ascension avant l’épidémie, il n’accepte pas d’être relégué dans un statut parasite et fomente une révolte. Le docteur Lyons (Paula Malcomson) cherche inlassablement un remède pour soigner sa femme qui a pour l’instant résisté à tous les traitements.

The Cured a tous les ingrédients du film de genre, jump scares anxiogènes et cauchemars effrayants inclus. Mais il s’en distingue par la qualité de son interprétation (Ellen Page, qui tisse depuis Juno une carrière étonnante entre blockbuster – X-Men, Inception – et film d’auteur) et la finesse de son scénario dont le dénouement, aussi surprenant que logique, m’a cloué sur mon siège. The Cured devait sortir en salles le 18 juillet. Pour des raisons qui m’échappent, son distributeur, Bac Films, a baissé les bras.  Le film est directement sorti… dans les bacs.

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Mamma Mia! Here We Go Again ★★☆☆

Dix ans après Mamma Mia! voici sa suite. Elle aurait pu s’appeler Mamma Mia 2 ; mais aujourd’hui les suites ne sont plus numérotées. On ne parle pas de Mission impossible 6 – alors qu’on parlait pourtant du 2 ou du 3 – ni de Jurassic Park 5. Pourquoi ? Pour ne pas donner au gogo l’impression trop flagrante qu’il est face à un sequel qui n’a d’autre raison d’être que de capitaliser sur le succès commercial d’une franchise. Vous m’opposerez Les Indestructibles 2 et Hôtel Transylvanie 3 et vous aurez raison. Mais cela ne redonne pour autant pas beaucoup d’intérêt à ces suites dispensables.

Cette introduction augure mal de ma critique. On cherche désespérément l’intérêt de donner une suite au film de 2008, lui même adapté de la comédie musicale créée à Londres en 1999 par Catherine Johnson et voué depuis lors à une gloire intergalactique. Tout semblait avoir été dit de Donna (Meryl Streep), de sa fille Sophie (Amanda Seyfried) et de sa paternité compliquée avec Sam (Pierce Brosnan), Harry (Colin Firth) et Bill (Stellan Skarsgård). Tout surtout semblait avoir été chanté des principaux tubes de Abba : Mamma Mia, Dancing Queen, Super Trooper, The Winner Takes It All

De quoi une suite pouvait-elle être faite ? Comment raconter une histoire sans répéter la même ? Quels tubes reprendre sans bégayer ? Les producteurs choisissent la solution la plus paresseuse : un scénario qui revient en flashbacks sur la rencontre de Donna jeune avec les trois pères putatifs de Sophie et une bande son qui mêle hits et chansons moins connus (parmi lesquels l’iconoclaste When I Kissed the Teacher).

Le resultat réjouira les fans et les autres tant la rythmique sucrée des chansons de Abba et les chorégraphies bollywoodiennes qui les accompagnent débordent d’une communicative énergie. Une telle indulgence est largement incompréhensible. Car l’histoire courue d’avance est sans intérêt, le jeu des acteurs horripilant (Lily James, remarquée dans Downton Abbey et Le Cercle litteraire de Guernesey est à baffer) et les chansons moins euphorisantes que celles de la face A. Le seul intérêt de ce Mamma Mia 2 : pouvoir organiser une soirée à thème sans regarder deux fois le même film.

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Mario ★☆☆☆

Mario (Max Hubacher révélé par The Captain) n’a qu’un rêve : devenir footballeur professionnel. La prochaine saison s’annonce déterminante. Son père et son nouvel agent le lui rappellent à l’envi.
L’équipe de Mario, les YB de Berne, voit l’arrivée d’un nouvel attaquant venu d’Allemagne, Leon (Aaron Altaras), avec lequel Mario emménage dans une colocation mise à leur disposition par leur club à proximité du stade.
Entre les deux jeunes gens l’attraction est immédiate. Mais la révélation de leur liaison risque de compromettre leur avenir sportif.

Joli sens du timing pour Mario, qui est d’abord édité le 3 juillet en DVD et VOD avant de connaître le 1er août au MK2 Beaubourg une – confidentielle – sortie en salles : sa diffusion coïncide avec le Mondial de football 2018 et prend pour sujet l’homophobie dans le sport dont la Gay Pride du 30 juin avait fait son thème.

Le sujet est délicat. Quand la rumeur de la liaison entre Mario et Leon circule dans les couloirs du club, deux attitudes sont possibles, qu’incarne chacun des deux joueurs. Celle de Mario consiste à nier envers et contre tout, allant jusqu’à convoquer une amie d’enfance pour convaincre les autres joueurs et l’encadrement de son hétérosexualité. Celle de Leon est moins hypocrite : il assume son homosexualité et ses sentiments pour son coéquipier, renvoyant ceux qui les dénigrent à leur homophobie.

Mais le film est gâché par une mise en scène insipide, proche des canons téléfilmiques, qui en étire la durée sur près de deux heures. On tangente plus la bluette gay que le drame de société – comme l’affiche hélas aurait dû nous en avertir. Et l’épilogue a beau éviter l’écueil du happy end convenu, il ne suffit pas à sauver ce film trop mièvre. Son contenu et son traitement rendent d’autant plus dérisoire la décision des organisateurs de Cannes Écrans Juniors de le déprogrammer, faisant à ce film sans grand intérêt une publicité paradoxale qu’il ne méritait pas.

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Ma fille ★★★☆

Vittoria a bientôt dix ans. Elle est l’enfant unique de Tina (Valeria Giolini) qui lui voue une affection étouffante et de Umberto. À quelque distance du petit village portuaire de Sardaigne où la famille est installée vit dans une ferme isolée Angelica (Alba Rohrwacher).

Le deuxième film de Laura Bispuri a des faux airs de tragédie grecque. Unité de temps. Unité de lieu. Unité d’action. Avec une économie de moyens admirable, qui ne vire jamais au minimalisme, la realisatrice filme à l’os. Son sujet est ténu et se devoile rapidement : l’ecartelement d’une enfant entre sa mère biologique et sa mère adoptive.

Ma fille – un titre aussi simple qu’intelligent – aurait pu aussi bien s’intituler Ma mère. La petite Vittoria hésite entre deux modèles : la maman (Tina) et la putain (Angelica). L’opposition pourrait sembler simpliste. Elle ne l’est pas. Car la réalisatrice réussit, sans effet de manches ni dramaturgie inutile, à nous toucher.

Sa réussite doit beaucoup à son trio d’actrices. Valeria Giolino, découverte il y a une trentaine d’années dans Rain Man, vieillit merveilleusement bien. Alba Rohrwacher, curieux alliage de blondeur germanique et de sensualité méditerranéenne, confirme son talent. Et la jeune Sara Casu évite l’écueil du cabotinage. Une réussite sur toute la ligne.

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Filles du feu ★☆☆☆

L’ethnologue Stéphane Breton a rencontré les combattantes kurdes avant qu’elles deviennent les symboles de la résistance à Daech. Il les a filmées au quotidien, marchant à travers une ville en ruines, bivouaquant sur un point haut, préparant une offensive.

Le documentaire de Stéphane Breton est déroutant. On ne mettra pas en cause son authenticité là même où celle de Peshmerga, le documentaire réalisé en 2016 par Bernard-Henri Lévy, pouvait l’être du fait de l’identité de son auteur et de sa réputation polémique. Mais on lui adressera d’autres reproches.

Stéphane Breton se refuse à nous expliquer le conflit qui oppose, au nord de la Syrie, les forces kurdes à celles de l’État islamique. Sans voix off, sans carton explicatif, son documentaire se contente de nous immerger dans le quotidien de ses combattantes. Un quotidien qui n’a rien d’héroïque ou de belliqueux : on y fait la guerre sans passion et sans peur, comme s’il s’agissait d’un acte normal. Un quotidien où les différences de sexe ne comptent pas, où les relations étonnamment apaisées entre combattants et combattantes sont dépourvues de toute tension amoureuse ou érotique.

Le procédé a deux inconvénients majeurs. Le premier est d’être terriblement ennuyeux. Suivre, en caméra subjective, deux combattantes qui marchent à travers une ville en ruines et n’y rencontrent personne sinon des chiens errants, n’est pas très intéressant. Ce l’est encore moins si le plan séquence s’étire interminablement pendant une dizaine de minutes. Et le documentaire a beau être d’une remarquable brièveté (quatre-vingts minutes seulement), les cinq ou six scènes qu’on voit sont, prises isolément, d’une lenteur désespérante.

Le second est qu’il nous laisse avec beaucoup de questions sans réponse. On aurait aimé savoir d’où viennent ces femmes dont le treillis empêche de deviner l’âge. Ont-elles été requises de force ou se sont-elles enrôlées volontairement ? Quelle famille ont-elles quittée ? quel fiancé ? quel mari ? Comment sont-elles intégrées aux forces armées ? Font-elles l’objet de discriminations ? de harcèlement ? Exercent-elles les mêmes fonctions que celles dévolues à leurs frères d’armes ?

L’émotion naît à la toute dernière seconde. Où l’on apprend par un ultime carton que la commandante que l’on vient de voir organiser, avec patience et autorité, le plan de bataille de ses troupes, a trouvé la mort. Trop tard.

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Le Goût du riz au thé vert ★★★☆

Mokichi et Taeko Satake ont fait un mariage de raison. Taeko n’en est pas satisfaite. La vulgarité de son mari, ses manières frustres lui sont de plus en plus insupportables. Elle s’en ouvre sans vergogne à ses amies et s’échappe avec elles au prix de quelques mensonges.
Le couple est au bord de la rupture. La mutation de Mokichi en Amérique latine risque de l’accélérer.

Une rétrospective estivale est consacrée à Ozu à parti du 1er août dans plusieurs salles d’art et essai de France et de Navarre : le Champo, le Louxor, le Lincoln à Paris, le Royal àToulon, le star à Strasbourg, le Majestic à Lille… C’est l’occasion de (re)découvrir dix de ses chefs-d’œuvre qui documentent la reconstruction du Japon d’après guerre et la lente recomposition de la société.

Le Goût du riz au thé vert est sorti en 1952. Le souvenir de la Seconde Guerre mondiale n’est jamais loin comme en témoigne cet ancien soldat reconverti en patron de pachinko que retrouve Mokichi et son filleul. Mais le Japon est obstinément optimiste qui affiche déjà tous les symboles de la modernité : Ozu filme un vélodrome, un stade de base-ball, une locomotive filant à pleine vitesse, un aérodrome comme autant de témoignages de la prospérité retrouvée.

Mais l’œuvre de Ozu ne se réduit pas à une ode au miracle économique japonais. C’est la dissolution du lien familial qui l’intéresse. Ses films les plus connus traitent des liens entre parents et enfants : Le Fils uniqueVoyage à TokyoFleurs d’équinoxeLe Goût du saké… Après Les Sœurs Munakata et avant Printemps précoceLe Goût du riz au thé vert traite du couple.

Le sujet était à la mode – il l’est toujours. Il a inspiré quelques chefs d’œuvre du septième art : les screwball comedies du duo Katherine Hepburn – Spencer Tracy ou Voyage en Italie de Rossellini. Mais Ozu n’a ni la légèreté des premières ni la gravité du second.

Sur le thème du couple, il tisse à sa façon une histoire d’une infinie tendresse qui culmine dans une séquence devenue célèbre. À la nuit tombée, dans leur grand appartement vidé de sa domesticité, le couple, qui n’en a guère l’habitude, se fraie un chemin jusqu’aux cuisines et s’y prépare un plat de riz au thé vert. Cette scène anodine signe leurs retrouvailles et donne son sens au film – au risque de le faire sombrer dans le didactisme : « un couple a le goût du riz au thé vert » tantôt doux, tantôt amer.

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Une famille italienne ★★☆☆

Sur l’île d’Ischia, Pietro et Alba, riches restaurateurs romains, fêtent leurs noces d’or entourés de toute leur famille : leurs enfants, leurs petits-enfants, une vieille sœur, leurs neveux… Mais un orage bloque les invités pendant deux jours sur l’île.

Après douze ans à Hollywood, où Will Smith l’a adoubé, l’Italien Gabriele Muccino revient à Ithaque et y retrouve la formule qui avait fait son succès au debut des années 2000 avec Juste un baiser et Souviens-toi de moi : le film italien chorale rassemblant plusieurs générations d’une même famille et en décrivant, le temps d’un week-end paroxystique, les petites lâchetés et les grandes passions.

La formule pourrait sembler téléphonée. La bande-annonce laissait augurer le pire : une version cinéma de Plus belle la vie ou de Maguy avec moult éclats de voix et de rire. Mais le résultat est loin d’être déplaisant – profitant sans doute de ce que notre indulgence connaît un lâche relâchement en ces périodes caniculaires où la fraîcheur des salles obscures suffit, à elle seule, à nous combler.

Le mérite en revient à Gabriele Muccino qui a réuni autour de lui une pléiade d’acteurs plus ou moins connus de ce côté-ci des Alpes (on reconnait Stefano Accorsi dans le rôle du fils prodigue et Stefania Sandrelli dans celui de la mère de famille). Il réussit à donner à chacun un rôle qui ne se réduit pas à un stéréotype : la femme trompée, le malade d’Alzheimer et son épouse qui s’épuise à le soigner, le mari écartelé entre son ancienne femme et la nouvelle, le couple de jeunes tourtereaux, etc. Il le fait surtout avec une mise en scène d’une parfaite fluidité qui enchaîne les scènes de groupe filmées en longs plans séquences parfaitement millimétrés.

Rien de bien intéressant ne se passe ; mais on ne s’ennuie pas une seconde pour autant. Car on s’attache à toutes ces micro-histoires, à tous ces destins ordinaires. On parle fort et haut ; on crie ; on rit ; on pleure. Tout cela est sans doute excessif sinon caricatural. Mais on est en Italie. C’est l’été. Ne boudons pas notre plaisir.

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My Lady ★★☆☆

Mrs. Justice Fiona Maye (Emma Thompson) vit et travaille à la Haute Cour de Justice à Londres. Elle a consacré sa vie à son travail au point de négliger son mari, professeur de littérature (Stanley Tucci). Affectée à la division familiale, Dame Fiona doit y trancher des affaires délicates : ainsi de deux siamois promis à une mort certaine faute d’être séparés mais dont la séparation entraînera fatalement la mort du plus faible.
Lors d’une astreinte, la juge Maye se voit confier un dossier aussi delicat qu’urgent. Il s’agit d’un Témoin de Jehovah leucémique qui refuse la transfusion sanguine qui pourrait le sauver. Le patient serait-il majeur, l’hôpital ne pourrait pas légalement le transfuser contre son gré. Mais le jeune Adam Henry (Fionn Whitehead) étant encore mineur pendant quelques semaines, l’hôpital peut obtenir d’un juge ce droit, sur la base du Children Act de 1979 qui place l’intérêt de l’enfant au-dessus de toute autre considération.

My Lady est l’adaptation d’un roman de Ian McEwan publié en 2014 sous le titre The Children Act (en français L’intérêt de l’enfant). Même si le film de Richard Eyre est d’une absolue fidélité au roman qu’il adapte, le changement de titre est l’indice d’un glissement sémantique : c’est moins la résolution d’une question juridique qui en sera au cœur que le portrait d’une femme.

Et c’est bien dommage. Car le film – comme le roman – commence bien qui promet une intrigue ramassée dans un prétoire face à une juge magistralement interprétée par Emma Thompson obligée d’arbitrer entre deux valeurs contradictoires : d’un côté le respect des croyances religieuses de chacun, partie intégrante du respect de la dignité humaine, de l’autre le droit à la vie.

Hélas la question – qui, tout bien réfléchi est moins epineuse qu’il n’y paraît et a été tranchée par une jurisprudence ancienne et constante – n’occupe que la moitié du film. Au bout d’une heure, un second commence, qui entraîne à Newcastle à l’occasion d’une audience foraine de la juge Maye. Il n’est certes pas sans lien avec le premier ; mais il n’en a pas l’unité et l’intensité. Il éclaire certains aspects du premier. Mais trop tard : il a perdu en cours de route son intérêt… sinon celui de l’enfant.

La bande-annonce