Ibrahim ★★★☆

Ibrahim a dix-sept ans. C’est un adolescent qui ne s’est jamais remis de la disparition de sa mère et qui végète dans un lycée technique du douzième arrondissement parisien. Son père, Ahmed, l’élève seul tant bien que mal. Analphabète, Ahmed a trouvé un emploi d’écailler dans une brasserie de l’avenue de l’Opéra. Il aimerait devenir garçon de salle et attend de pouvoir se payer une prothèse dentaire pour postuler à ce poste. Mais le pécule qu’il a patiemment amassé à cette fin va être dilapidé pour sortir Ibrahim du mauvais pas dans lequel ses mauvaises fréquentations vont le mettre.

Samir Guesmi est un acteur familier du cinéma français, un de ces seconds rôles dont on remarque depuis une trentaine d’années le visage sans nécessairement connaître le nom, éclipsé par des Roschdy Zem, des Reda Kateb ou des Sami Bouajila. On l’a vu chez Noémie Lvovsky, chez Arnaud Desplechin, chez Guillaume Canet, chez Sólveig Anspach – à qui il dédie son premier long-métrage. Il passe pour la première fois derrière la caméra pour raconter une histoire largement autobiographique – son père, Ahmed, était analphabète comme le personnage qu’il interprète – tout en ayant l’élégance de laisser le rôle-titre et le haut de l’affiche à un jeune acteur inconnu.

Abdel Bendaher, repéré dans un entraînement de football, joue un adolescent mal dans sa peau. Il est entouré par un casting remarquable qui compte beaucoup de collègues de Samir Guesmi dont on imagine qu’ils ont accepté par pure amitié de passer sur son tournage pour de brèves apparitions : Florence Loret-Caille, Rufus, Marilyne Canto et Philippe Rebbot pour un rôle plus étoffé et malaisant, aux antipodes de ceux de hippie vieillissant dans lesquels il est trop souvent cantonné. Deux jeunes acteurs prometteurs jouent deux camarades de lycée d’Ibrahim et complètent ce casting prestigieux,  : Rabah Naït Oufella (Entre les murs, Bande de filles, Grave) et Luàna Bajrami (Portrait de la jeune fille en feu, Fête de famille, Les 2 Alfred).

Samir Guesmi ne révolutionne pas le cinéma français. À cinquante ans passés, il ne nourrit plus une telle ambition. Son film n’a pas la hardiesse formelle de ceux de Bertrand Bonello ou l’envergure de ceux d’Abelatif Kechiche. Mais son Ibrahim rappelle le cinéma des frères Dardenne et réussit, comme le leur, avec une étonnante économie de moyens, à toucher et à émouvoir : un plan fixe sur un cendrier plein suffit à montrer l’insomnie muette d’un père rongé d’inquiétude pour son enfant. Modeste jusque dans sa durée (quatre-vingts minutes TTC), bien écrit et bien joué, Ibrahim fait carton plein.

La bande-annonce

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *