Jeanne du Barry ★★★☆

Rarement un film aura-t-il autant monopolisé l’attention. La responsabilité en revient-elle au festival de Cannes qui agit comme une caisse de résonance ? À la disette qui nous sèvre chaque année en avril et mai de bons films ? À la personnalité éruptive de sa réalisatrice qui a réussi opportunément en crachant à la figure d’Edwy Plenel à susciter la polémique ? À celle de Johnny Depp dont l’image de star a été écornée par ses démêlés judiciaires avec Amber Heard, son ex-femme, et dont le recrutement sur ce tournage pourrait constituer un défi lancé au féminisme #MeToo ?

Jeanne du Barry a fait l’ouverture du festival de Cannes mardi soir et, depuis, il ne se passe pas un seul jour sans qu’on me demande mon avis sur lui. C’est un peu contraint et forcé que je suis allé le voir hier. Je ne le regrette pas une seconde.

J’en ai lu déjà tant de critiques fielleuses que, par esprit de contradiction, j’ai envie d’en prendre la défense.

La plupart évoquait moins le film lui-même que ce qu’il y avait autour. À commencer par sa réalisatrice-actrice principale -co-productrice. J’ai nommé Maïwenn « l’hystérique » (le mot étant désormais voué aux gémonies par les féministes radicales en raison de son étymologie, je n’ose plus l’employer sans guillemets). On critique son omniprésence (elle est de tous les plans… mais le film n’a-t-il pas pour titre le nom de son personnage et pour sujet l’histoire de son ascension, de sa gloire et de sa chute ?), son égocentrisme (elle filme moins la favorite de Louis XV qu’une métaphore de sa propre vie lorsque, à dix-sept ans à peine, Luc Besson l’intronisa Première Dame du cinéma français), les libertés qu’elle a prises avec l’Histoire (par exemple, Jeanne n’épousa pas Jean du Barry, lequel était déjà marié, mais son frère Guillaume pour devenir comtesse et être admise à la Cour) son jeu et parfois même – ce qui n’est pas galant – son physique.
Sur un point, Maïwenn me semble en effet critiquable : son anachronisme. La désinvolture de la du Barry, sa coiffure et jusqu’au tutoiement qu’elle s’autorise avec le Roi sont apocryphes. Une telle liberté à la Cour du Roi n’était tout simplement pas concevable. Mais cet anachronisme est-il si grave ? Ni vous ni moi n’avons jamais été à la Cour du Roi pour attester du préjudice causé par ce film pour en avoir travesti la réalité. Et si cet anachronisme en sert l’esprit, lequel cherche à mettre en scène une femme libre qui entend insuffler un peu d’air frais dans un protocole empesé, pourquoi ne pas le lui autoriser ?

Avant de reprocher à Maïwenn son égocentrisme et son hystérie, il faudrait faire bonne mesure et saluer le chemin qu’elle a parcouru. Hystériques, ses précédents films l’étaient sans conteste :  Polisse, Mon roi, ADN… Par contraste, Jeanne du Barry marque un tournant dans son oeuvre, vers un cinéma plus apaisé, plus classique.
Classique ! Le mot est lancé. Est-ce une insulte ? Pas sous ma plume.
Et précisément, pour le résumer en une phrase, Jeanne du Barry est à mes yeux un grand et beau film classique.

Par son histoire : celle d’une courtisane, pour ne pas dire une catin, sortie du ruisseau qui, moins par ambition personnelle que poussée par l’homme qui lui sert à la fois de proxénète et de mari (Melvil Poupaud), sera présentée au Roi et partagera bientôt sa couche. Maïwenn a la faiblesse de peindre son héroïne comme une grande amoureuse. La réalité fut sans doute moins romantique. Jeanne a vingt-cinq ans quand elle est présentée au Roi ; Louis XV en a cinquante-huit et est déjà rongé par la vérole qui l’emportera six ans plus tard. Leur relation fut moins une longue histoire d’amour que le point de fixation d’une sourde guerre de chapelles à la Cour entre coteries.

Par ses décors somptueux, filmés à l’intérieur même du château de Versailles, ses costumes, ses coiffures, ses bijoux.

Et enfin, on ne l’a pas assez souligné, par sa brochette de seconds rôles exceptionnels. On a beaucoup glosé sur Johnny Depp, méconnaissable. On a parfois l’impression qu’il consacre toute son énergie à parler correctement le français. Il n’en est pas moins excellent dans un jeu tout en retenue. En douteriez-vous ? Regardez sa bouche dans la bande-annonce lors de la présentation de Jeanne du Barry à la Cour !
Mais il faut dire un mot des autres acteurs qui, perruqués et costumés, s’effacent derrière leurs rôles : j’ai bien failli ne pas reconnaître Pierre Richard, Noémie Lvovsky, India Hair, Pascal Greggory…
Mention spéciale à Benjamin Lavernhe, curieusement dénommé La Borde alors que le premier valet du roi s’appelait Lebel. Il est absolument irrésistible dans le rôle du plus proche confident du Roi – et de son pourvoyeur de maîtresses – attaché à faire respecter le protocole implacable de la Cour mais manifestant à l’égard de Jeanne une humanité touchante.

La bande-annonce

Hokusai ★☆☆☆

Katsushika Hokusai est un peintre japonais dont la vie enjambe les dix-huitième et dix-neuvième siècles. Il est devenu universellement célèbre avec La Grande vague de Kanagawa, la première estampe de la série Trente-six vues du mont Fuji, réalisée en 1830 ou 1831.

Sorti fin 2020 au Japon, Hokusai s’annonce comme un biopic très classique. D’ailleurs son classicisme est sa principale qualité autant que son premier défaut. On y suit de sa jeunesse jusqu’à sa mort le parcours du dessinateur japonais, son apprentissage auprès du grand éditeur Tsutaya qui se battit contre la censure, l’affirmation de son propre style, à rebours de celui qui était à l’époque de mode, la façon dont il peignit la Grande Vague et dont il la coloria avec du bleu de Prusse qui venait d’être introduit dans l’archipel et enfin sa vieillesse auprès de sa fille O-Ei. On y découvre un génie consacrant chaque instant de sa vie à son art (il réalisa plus de trois mille estampes) au point de se laisser dévorer par lui.

Hokusai présente une autre particularité qui s’apparenterait presque à un vice de fabrication. Il laisse beaucoup de place aux personnages secondaires. À Tsutaya, l’éditeur de Hokusai, dans la première partie du film. À Tanehiko, un samouraï qui, au mépris des règles qui régissent sa caste, se consacre à l’écriture et dont Hokusai illustre les publications, dans sa seconde partie.

Ces personnages trop développés ont le défaut de nous détourner du personnage principal, de sa vie et de son oeuvre. Ce serait tout à fait loisible, voire utile, dans une série longue de plusieurs heures – dont Hokusai donne l’impression d’être une version abrégée. Mais, dans un film de quatre-vingt-dix minutes à peine, ce défaut de construction déséquilibre l’ensemble au risque de lui faire perdre ses bases.
On ne s’ennuie pas devant ce spectacle riche en rebondissements ; mais on en sort avec le besoin pressant d’aller chercher sur Wikipedia les informations que ce film trop confus ne nous a pas fournies.

La bande-annonce

Temps mort ★★☆☆

Trois détenus bénéficient d’une permission le temps d’un week-end. La soixantaine, Julien Hamousin est sur le point d’achever une longue peine. Il cherche un emploi pour se réinsérer et hésite à revoir sa femme et ses enfants avec lesquels il n’a eu aucun contact pendant les vingt années qu’il vient de passer en prison. La quarantaine, Anthony Bonnard souffre de graves troubles psychiques et d’une dépendance à l’alcool qui se marie mal avec son traitement médical. Son état l’empêche de renouer avec sa famille et avec son fils des liens normaux. La vingtaine, Colin Elajmi est tombé pour un sombre trafic sans dénoncer ses complices. Sa mère ne le lui a pas pardonné.

La prison, Eve Duchemin l’a d’abord filmée avec l’oeil du documentariste avant d’avoir l’idée d’en faire l’objet d’une fiction. Cette familiarité avec son sujet se sent dans un film qui, comme le récent Je verrai toujours vos visages, mais avec moins de bonheur que lui, flirte avec les frontières de ces deux genres. Avec une grande sensibilité est exploré le défi de la réinsertion, un angle mort des films sur la prison (ils sont pourtant pléthore) qui filment à foison des détenus entre quatre murs sans envisager un jour leur élargissement (je suis injuste en ne pas mentionnant l’avant-dernier film de Robert Guédiguian Gloria Mundi). Que devient un ancien détenu après sa sortie de prison ? Comment ses proches l’accueillent-ils ? Retrouve-t-il sa place ? Retrouve-t-il une place ?

À ces questions, Temps mort apporte une réponse bien pessimiste à travers les cas presqu’archétypaux d’un vieux détenu dont la vie gâchée est désormais derrière lui sans espoir de nouvelle chance, d’un malade qui aurait plus sa place dans un hôpital psychiatrique que dans un centre de détention et d’un jeune dealer (dont je n’ai pas compris ce qu’il advenait à la dernière image) sevré d’amour maternel.

On reprochera au film son montage qui, un peu trop systématiquement, passe d’une histoire à l’autre sans établir de ponts entre elles. Le scénario et le montage de Je verrai toujours vos visages étaient, de ce point de vue, mieux réussis. Temps mort devient inéluctablement un film à sketches où fatalement on s’attache à une histoire plus qu’à une autre. Celle de Colin est, selon moi, la plus faible ; celle d’Anthony m’a plus marqué. Le mérite en revient à Karim Leklou, grenade dégoupillée prête à exploser à chaque instant. Cet acteur est décidément incroyable. À chacune de ses apparitions, mes critiques lui consacrent un long paragraphe dithyrambique. Qu’y a-t-il dans son jeu, dans sa présence qui m’impressionne autant ? Sa corpulence qui rappelle Gérard Depardieu ou Raimu ? Son regard halluciné ? Sa voix ? Son rire dément ?

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Le Jeune Imam ★☆☆☆

À douze ans, après avoir commis un larcin qui risque de salir l’honneur de sa famille, le jeune Ali Diallo est renvoyé par sa mère au Mali chez son oncle suivre les cours d’une école religieuse. Il revient à Montfermeil dix ans plus tard avec pour seul bagage ses études théologiques. Bien vite, grâce à sa faconde, il devient l’imam de la mosquée du quartier. Profitant de sa popularité grandissante, Ali organise pour ses ouailles le pèlerinage à La Mecque sans se douter de l’arnaque dont il va être victime et qui va causer sa chute.

On connaît le réalisateur Kim Chapiron pour ses films nerveux qui peignent une jeunesse testostéronée habitée par la fureur de vivre : Sheitan (2005), Dog Pound (2009) et La Crème de la crème (2014). Entouré de ses amis de toujours, le réalisateur Ladj Ly (Les Misérables) et le scénariste Ramzi Ben Sliman, il s’empare d’un sujet culotté qui aurait pu, si la campagne de presse avait été plus agressive, faire polémique.

Comment devient-on imam dans le 9.3 ? Le sujet est passionnant et aurait pu, à lui seul, nourrir tout un film. D’ailleurs Le Jeune Imam l’évoque en son mitan quand il montre comment Ali utilise les réseaux sociaux pour asseoir son autorité. Il y aurait eu bien d’autres choses à dire sur la place de l’Islam dans les banlieues, le rôle qu’il exerce chez les immigrés arabes et subsahariens des deuxième et troisième générations, la communautarisation qu’il induit ou au contraire la pacification qu’il favorise. Mais hélas, Le Jeune Imam n’en dit mot.

La façon dont Ali devient imam n’est qu’un épisode du film coincé entre deux autres qui l’étouffent. Le premier est un prologue trop long qui décrit l’enfance d’Ali au Mali et la façon dont le prend sous son aile son oncle, dans une scène où l’on croirait revoir Jean Valjean et Mgr Myriel (clin d’oeil aux… Misérables ?). Le second est le simulacre de thriller, inspiré nous annonce-t-on d’une histoire vraie et, en fait, en mélangeant plusieurs, organisé autour d’une arnaque au pèlerinage, la pénurie de visas pour le haj conduisant nombre de croyants crédules à confier leurs économies à des agences de voyage peu scrupuleuses.

On comprend à la fin du film que son sujet est la relation d’Ali avec sa mère qui l’a abandonné au Mali, le sevrant d’amour maternel, et dont il essaie désespérément de reconquérir l’affection. Ce sujet-là a, selon moi, beaucoup moins d’intérêt que celui que nous promettait le film et dont j’ai été frustré.

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La Dernière Reine ★★☆☆

Pour sauver son royaume des Espagnols qui l’assiègent, l’émir d’Alger, Salim at-Toumi, n’a d’autre alternative que de demander l’aide des corsaires. Arudj remporte la victoire mais manifeste bientôt le désir, avec ses frères, de s’installer à Alger et de supplanter l’émir. La femme de celui-ci, la princesse Zaphira, au nom des intérêts de son fils, le jeune Yahia, va se dresser contre l’usurpateur.

La Dernière Reine est un film étonnant comme on n’en voit guère. C’est un film algérien, un pays qui hélas, par manque de moyens, peine à trouver sa place sur la scène mondiale. Les moyens justement, Adila Bendimerad, qui co-réalise le film et en interprète le rôle principal, est allée les chercher en France, à Taïwan, au Qatar et en Arabie saoudite, un curieux amalgame de pays aux cultures et aux traditions cinématographiques très disparates. On pouvait redouter que le résultat ressemble à ces immondes vinasses, mélange de cépages de la CEE, dont les poivrots de mon enfance s’enivraient faute de mieux.

Mais il n’en est rien. La Dernière Reine frappe au contraire par sa cohérence, son ambition, sa débauche de moyens, le soin apporté à ses décors luxueux, à ses costumes somptueux.
De quoi s’agit-il ? D’un drame shakespearien à la sauce orientale façon Game of Thrones, les scènes olé-olé en moins pour ne pas offusquer les investisseurs du Golfe. D’un film de cape et d’épée qui rivaliserait presque avec Les Trois Mousquetaires. D’un drame féministe… mais où, là encore, pour satisfaire aux canons de ses investisseurs sourcilleux, les femmes restent très sages.

Nadine Tereszkiewicz, qu’on connaît bien, joue un personnage secondaire, celui d’Astrid, la femme scandinave du corsaire Arudj. Son visage familier est le seul élément qui nous rattache à cet ovni exotique.

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Fairytale ☆☆☆☆

Staline, Hitler, Mussolini, Churchill sont morts. Ils errent dans les limbes et monologuent, chacun dans leur langue, croisent Napoléon et Jésus, en attendant que les portes du Paradis s’ouvrent… ou pas…

Élève de Tarkovski, Sokourov a toujours interrogé le pouvoir. Il a consacré une trilogie aux grandes figures du XXième siècle : Hitler (Moloch), Lénine (Taurus) et Hiro-Hito (Le Soleil). Il en convoque quelques-unes dans une oeuvre qui pourrait être qualifiée de testamentaire, du fait d’une part de l’âge du réalisateur septuagénaire, d’autre part de sa tonalité crépusculaire.

C’est en effet dans l’outre-tombe que sont réunis quatre des hommes qui ont le plus funestement marqué le siècle dernier. L’hypothèse résonne comme le début d’une blague puérile, mais n’a rien de comique.
Le réalisateur, aidé de quelques geeks, a plongé dans les images d’archives et les a retravaillées numériquement. Le résultat est étonnant. Les quatre protagonistes sont immédiatement reconnaissables mais étrangement déformés, comme s’ils flottaient dans un au-delà fantomatique. Précisément, c’est dans les limbes que ces quatre figures sont censées errer, mâchant – ou remâchant – leurs souvenirs (comme les images en donnent l’impression, bien en peine de coordonner les mouvements de leurs lèvres à leurs propos).

Ces figures curieusement réincarnées évoluent dans de curieux décors. Sokourov dit s’être inspiré de Piranèse, un graveur italien du XVIIIème siècle dont Yourcenar disait : c’est un « monde factice, et pourtant sinistrement réel, claustrophobique, et pourtant mégalomane (qui) n’est pas sans nous rappeler celui où l’humanité moderne s’enferme chaque jour davantage… »

Ce dispositif expérimental est stimulant. Pendant un quart d’heure on y plonge avec autant de curiosité que de fascination. Le problème est que Sokourov s’en contente. Son récit sans queue ni tête ne raconte rien. Hitler, Staline, Churchill (que vient-il faire, le pauvre, dans cette bande de criminels ?) et Mussolini errent sans but, soliloquent en marmonnant. On n’apprend rien. On ne ressent rien sinon l’ennui qui gagne. L’expérience lysergique devient vite lassante sinon exténuante. Seule qualité : elle dure soixante-dix-huit minutes à peine.

La bande-annonce

Les Âmes perdues ★★☆☆

Un photographe de la police militaire syrienne a collecté plusieurs dizaines de milliers de photos des victimes de la sauvage répression du printemps arabe à partir de 2011. Avec l’aide d’un complice, il les a stockées sur un disque dur et exfiltrées en Europe en 2014 où il vit désormais sous le pseudonyme de César et sous protection policière pour éviter les représailles du régime d’Assad.
Ces photos poignantes de cadavres ensanglantés et souvent torturés ont mis un visage sur les crimes de masse commis en Syrie. Ils constituent aussi une source potentielle de preuves pour intenter un procès.

Mais la saisine de la Cour pénale internationale est rendue impossible en mai 2014 par le veto russe et chinois au Conseil de sécurité. Seule voie envisageable : identifier parmi les victimes un binational dont la disparition serait justiciable dans le pays dont il a l’une des nationalités. C’est le cas d’Abdul, un hispano-syrien, de Mazzen et de Patrick, deux franco-syriens. Une avocate espagnole, Almudena Bernabeu, va se saisir du cas du premier ; une avocate française va, pour le compte de la FIDH, chercher des preuves de vie des deux autres et porter leur cas en justice.

Stéphane Malterre, un documentariste, aidé de Garance Le Caisne, laquelle avait en 2015 publié un livre sur l’Opération César, ont co-réalisé Les Âmes perdues, au titre peut-être trop poétique, trop elliptique. Ils possédaient une matière très riche, digne des meilleurs films d’espionnage, mais hélas inspirée de faits tristement réels. La violence du régime syrien, l’impunité dont il jouit, grâce au soutien russe d’abord, grâce à l’effet d’éviction provoqué par la lutte contre Daech ensuite, ne peuvent que soulever le cœur.

Les Âmes perdues m’a fait penser aux livres de Philippe Sands, cet avocat franco-britannique qui raconte, avec une grande clarté, les arcanes du droit international humanitaire. Ce documentaire relève en effet le défi de rendre lisibles des procédures juridiques compliquées. Elles peuvent sembler interminables, la raison en étant la difficulté à collecter des preuves et à obtenir des États leur coopération dans l’instruction des affaires qui les visent. Comment par exemple attester de l’authenticité des photos recueillies par César et répondre à Assad lorsqu’il affirme qu’il s’agit de vulgaires fakes photoshopés ?

L’histoire est encore en cours. Certaines plaintes ont été rejetées, en Espagne par exemple. D’autres ont été accueillies, en Allemagne notamment mais aussi en France où des mandats d’arrêt internationaux ont été lancés contre trois responsables syriens pour « complicité de crimes contre l’humanité et crimes de guerre ». Mais ces mandats, s’ils interdisent à ceux qui les visent de mettre un pied hors de Syrie, ne permettront pas de sitôt de placer sous les verrous des criminels qui restent protégés par Assad.

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Le Cours de la vie ★☆☆☆

Noémie (Agnès Jaoui), une scénariste de talent, la cinquantaine, est invitée à Toulouse pour y donner une master class dans une école de cinéma. Son directeur, Vincent (Jonathan Zaccaï) se trouve être un ancien amour avec qui elle a vécu pendant cinq ans avant de le quitter pour un réalisateur italien en lui écrivant une ultime lettre de rupture.

Le Cours de la vie est un jeu de mots qui se veut spirituel, du genre de ceux que je goûte d’habitude.
Il s’agit d’une part d’un cours de cinéma donné par une grande professionnelle jouée par Agnès Jaoui qui en impose par la richesse et l’ecléctisme de sa carrière d’actrice-réalisatrice-scénariste. Les conseils qu’elle prodigue aux étudiants sur la façon de caractériser ses personnages, qui doivent être à la fois « universels » et « uniques », s’ils sont un peu didactiques sont d’ailleurs très justes.
Il s’agit d’autre part et surtout d’une réflexion tendre amère sur la vie qui passe, sur les regrets et les remords qu’elle fait naître. J’adore ce carburant là, la nostalgie étant, de tous les sentiments humains, celui qui me touche le plus profondément.

Cours de cinéma + réflexion nostalgique sur les amours perdues : Le Cours de la vie rassemblait a priori pour moi tous les ingrédients d’un film réussi.
Hélas, la déception est grande tant Frédéric Sojcher multiplie les fautes de carre. La première est dans la direction d’acteurs. Alors qu’il avait de l’or entre les mains, il réussit à rendre insipides et mièvres tant Agnès Jaoui, réduite au rôle de prof sympa riche d’une longue expérience, que Jonathan Zaccaï, quinquagénaire figé dans la grimace douloureuse d’une blessure d’amour jamais cicatrisée. Le pire est les jeunes étudiants de cette école de cinéma, galerie de caricatures – le séducteur, le jaloux, la gender fluid, les deux homos – qui vont jusqu’à pousser la chansonnette : des personnages de jeunes qui, dans leur langage (quel jeune utilise le mot « ringard » ?), dans leur costume (le pull et le polo d’Antoine ne dépareraient pas dans une affiche du RPR), dans leurs attitudes, ont les traits de vieux.
La musique est signée Vladimir Cosma, quatre-vingts ans passés, dont on se souvient qu’il connut son heure de gloire en signant celle de La Boum au début des 80ies.

Mais le plus rédhibitoire est l’histoire d’amour des deux héros, qui se dévoile progressivement, ou plutôt qui se révèle dans son inanité. Car il n’y a pas grand-chose à en dire sinon qu’ils se sont aimés, ont vécu cinq ans ensemble et se sont séparés. Noémie a continué sa vie ; Vincent, lui, est resté bloqué sur cette rupture. Comme de bien entendu, leurs retrouvailles, trente ans plus tard, permettront de solder les comptes. Les réconcilieront-elles ? Pas besoin… puisqu’ils ne s’étaient jamais brouillés. Ne manquaient plus dans la scène finale que l’orage qui éclate et les larmes qui se mélangent avec les gouttes de pluie qui ravinent leurs visages ridés. Merci au réalisateur de nous avoir évité cette caricature là à défaut de toutes les autres qu’il nous inflige.

La bande-annonce

La Fille d’Albino Rodrigue ★☆☆☆

Rosemay (Galetea Bellugi) est la fille d’Albino Rodrigue. Placée en famille d’accueil, elle cherche en vain son père à son retour chez ses parents biologiques près de Metz pour les vacances. Sa mère (Emilie Dequenne) et son frère lui tiennent un discours confus et lui donnent des explications contradictoires qui mettent la puce à l’oreille de la jeune fille. Abandonnée à elle même, elle mène l’enquête seule.

La Fille d’Albino Rodrigue repose à mes yeux sur un défaut fondamental. Dès ses premières images, on en devine l’issue. D’autant qu’il est, comme le veut la formule sacramentelle « inspiré de faits réels ». Si le père de Rosemay était parti à la pêche, son histoire n’aurait retenu l’attention de personne. C’est donc qu’il est arrivé un drame. C’est donc – et qu’on ne vienne pas me reprocher un spoiler qui n’en est pas un – que le père de la fille d’Albino Rodrigue est mort.

Dès lors, l’enjeu du film, censé reposer sur l’enquête policière que mène Rosemay face aux contrevérités de sa mère, disparaît. Les deux actrices, aussi excellentes soient-elles l’une et l’autre se réduisent à leurs caricatures : la mère monstrueuse et amorale face à la fille privée d’amour et entêtée.

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Nos cérémonies ☆☆☆☆

Deux frères partagent dans le chaud été de Royan les mêmes jeux innocents jusqu’à ce que l’aîné des deux fasse une chute mortelle. Dix ans plus tard, son cadet est de retour dans la maison de famille où son père vient de mourir. Le fantôme encombrant de son frère l’accompagne partout ; les tiers semblent même le voir aussi bien que lui, au point qu’on en vient à douter de la scène qu’on a vue en introduction et de la mort de l’enfant.

J’avais été intrigué par la bande-annonce de ce film, sorti le 3 mai dans quelques salles à peine et promis à une rapide disparition. Aussi ai-je tenu à le voir malgré une actualité cinématographique bien chargée (ne me demandez pas ce que je pense de Showing Up ou Hokusai : je n’ai pas encore eu le temps de les voir !)

Bien mal m’en a pris !
J’ai bien vite décroché de cette histoire de fantômes (chinois ?). Je n’ai pas compris grand chose aux affres de ce frère qui, semble-t-il, nourrit une culpabilité imprescriptible suite à la mort de son aîné et, pour l’expier, se condamne à la revivre encore et encore en autant de « cérémonies » de morts ou de suicides, toujours recommencés.
Ce duo s’élargit à un trio, avec le personnage de Cassandre, qui fut, avant sa mort, l’amie du défunt, et va devenir celle de son petit frère. Pour lui, aimer Cassandre, c’est à la fois trahir la mémoire de son frère, mais aussi lui rester fidèle.

Ce gloubi-boulga vaguement psychanalytique m’est resté bien obscur. J’ai eu beau essayer de le comprendre et de m’y intéresser, rien n’y a fait. J’ai vite sombré dans l’ennui.

La bande-annonce