Johnny Barrett est un journaliste dévoré d’ambition. Pour gagner le prix Pulitzer, il décide de se faire passer pour fou et d’être interné dans un asile psychiatrique afin d’y enquêter sur le crime irrésolu d’un pensionnaire. Avec la complicité de sa fiancée, qu’il fait passer pour sa sœur, il convainc les psychiatres d’être habité de pulsions incestueuses.
Une fois enfermé, Johnny Barrett mène l’enquête en se rapprochant de trois témoins du crime : un ancien GI victime d’un lavage de cerveau en Corée, un étudiant noir persécuté pour sa couleur de peau au point de se prendre désormais pour un membre du Klan et d’en porter la sinistre cagoule, un savant atomiste retombé en enfance….
Cette plongée au cœur de la folie mettra en péril l’équilibre mental de Barrett.
Filmé en 1963, sorti en France deux ans plus tard, alors que les émeutes de Watts déchiraient les États-Unis, Shock Corridor, malgré son petit budget, a provoqué une onde de choc. Jean-Luc Godard, qui offrira à Fuller un cameo dans Pierrot le fou le qualifie de « chef-d’œuvre du cinéma barbare ».
Ce film politique flirte avec le documentaire. Comme Vol au-dessus d’un nid de coucou dix ans plus tard, il se déroule entièrement derrière les portes closes d’un asile psychiatrique. Ces mêmes portes que Frederick Wiseman franchit pour l’un de ses tout premiers documentaires Titicut Follies en 1967. Car un asile, comme venait de le montrer Michel Foucault dans sa magistrale Histoire de la folie (publié à la même période), est le miroir inversé tendu à nos sociétés.
Les trois internés auxquels Barrett essaie tour à tour de soutirer des informations incarnent un peu démonstrativement les trois maux qui minent les États-Unis : l’hystérie anticommuniste, le délire raciste, l’hubris nucléaire. À ces trois pêchés capitaux s’en ajoute un quatrième dont sera victime le héros : l’orgueil. Car, on l’aura compris, Shock Corridor est une tragédie. La tragédie de l’Amérique vue par Fuller, condamnée par ses vices et que ne viendra sauver aucune rédemption. Une vision pessimiste qui a ces jours ci une résonnance particulièrement amère.
Film très marquant, auprès duquel Vol au-dessus d’un nid de coucous a une allure de bluette.
Souvenir vif d’Henri Langlois le présentant en avant-première en 1965, en compagnie de Sam Fuller, à la Cinémathèque de Chaillot.
Cher Gérard,
Vous qui savez tout, connaissez-vous la date de sortie de Shock Corridor ? Certaines bases citent le 15, d’autres le 20 septembre 1965
Ce qui m’amène à une seconde question plus générale : à cette époque, les films sortaient-ils le mercredi comme aujourd’hui ?
Oui, Yves. Le passage de la sortie au mercredi date d’avant 1965.
Pour SHOCK CORRIDOR, on trouve jusqu’au 4 mai 1967 (sortie en Belgique). J’aurais tendance à faire confiance au CNC mais leur site est devenu totalement anarchique, on ne trouve plus la liste des visas. Le 15 septembre étant un mercredi, c’est la date la plus vraisemblable. C’est d’ailleurs la date que donne le très sérieux Ciné-Ressources.