Don Juan ★☆☆☆

Parce qu’elle l’a vu lancer à une inconnue un regard lourd de sens et qu’elle y voit le poison menaçant de l’infidélité conjugale, Julie (Virginie Efira) renonce devant l’autel à épouser Laurent (Tahar Rahim). Amoureux monomaniaque, il croît la reconnaître dans toutes les femmes qu’il croise et qu’il tente de séduire pendant la nuit et les jours qui suivront cette noce ratée.
Malgré le chagrin, Laurent doit partir en province jouer le rôle principal du Don Juan de Molière. Après la défection de l’actrice censée jouer Elvire, c’est Julie qui la remplace au pied levé. ce sera peut-être pour le couple brisé l’occasion de se reformer.

Je suis allé deux fois au cinéma voir Don Juan. La première, je m’y suis lourdement endormi, sans savoir avec certitude s’il fallait que j’en blâme le film et ses débuts poussifs ou l’heure tardive de la séance. Pris de scrupule à l’idée d’écrire une critique d’un film dont je n’avais pas vu grand-chose – et a fortiori pas compris beaucoup plus – je me suis résolu à aller le voir une seconde fois à un horaire plus comestible et avec une bonne dose de caféine dans les veines. Je ne m’y suis pas assoupi une seconde fois. Conséquence logique : je l’ai beaucoup mieux compris. Mais suspense torride : l’ai-je plus apprécié pour autant ?

Don Juan fait partie de ces films dont les critiques qu’on en lit inhibent les reproches qu’on était sur le point de lui adresser. Elles vantent toutes ses indéniables qualités.
Son thème d’abord, très malin : un Don Juan inversé à l’ère de #MeToo – dont on apprend, à la lecture du dossier de presse, que la co-scénariste, Axelle Roppert, en est une des figures de proue. Chez Serge Bozon, Don Juan n’est plus un Casanova briseur de cœurs, mais un homme au cœur brisé par l’amour de sa vie qui l’a quitté, qui l’obsède et qu’il s’emploie à reconquérir.
Son traitement ensuite d’une grande élégance qui flirte avec l’artificialité sans jamais s’y égarer. Une musique très travaillée qui s’autorise quelques échappées belles vers la comédie musicale. Des éclairages sophistiqués. Une ambiance décalée, au bord de l’Atlantique, dans la cité touristique et gentiment bourgeoise de Granville alors que le thème du film appelait un cadre plus intimidant façon Resnais à Marienbad ou Duras à Calcutta.
Le jeu des acteurs enfin. Parfait. Deux des tout meilleurs du cinéma français contemporain (qu’on me pardonne cette nationalisation de la Belge Virginie Efira) : Tahar Rahim qui réussit d’un film à l’autre à se renouveler radicalement et qui est aussi à l’aise dans les superproductions hollywoodiennes (Désigné Coupable) que dans les séries françaises (The Eddy) et Virginie Efira à laquelle des esprits ronchons pourraient reprocher son omniprésence alors que d’autres, sans doute aveuglés par son charme, s’en féliciteraient.

Toutes ces qualités auraient dû m’emporter.
Et pourtant, un je-ne-sais-quoi m’a retenu. Pendant toute la première heure du film, je me suis ennuyé – mais, je le répète, je n’ai pas fermé l’oeil pour autant – l’exercice de style me semblant un peu vain, la mise en abyme de ce Don Juan inversé un peu facile. J’ai aimé la façon dont le récit se dénouait et, plus j’y réfléchis, plus je la trouve audacieuse et intelligente. Mais cette conclusion arrive trop tard pour sauver un film prisonnier de ses outrances, empêtré dans un protocole guindé qui m’a plus asphyxié que séduit.

La bande-annonce

All Eyes Off Me ★★★☆

Avishag (Elisheva Weil) est une jeune Israélienne libérée. Elle entame une liaison avec Max dont l’ex petite amie, Danny, vient pourtant de tomber enceinte. Dogwalker en attendant mieux, Avishag s’occupe du chien de Dror, son voisin, et se sent attiré par lui.

J’expliquais doctement à une amie que j’avais besoin qu’on me raconte une histoire, avec un début, un milieu, une fin, pour aimer un film. All Eyes Off Me est bizarrement construit en trois épisodes d’inégale longueur et n’a ni début, ni milieu, ni fin. J’ajoutais que rien ne m’irritait autant que les films qui créent une atmosphère, présentent des personnages, sans rien raconter. All Eyes Off Me ne raconte rien et n’a d’autre objet que de nous introduire aux contradictions intimes de son héroïne.

All Eyes Off Me avait donc, sur le papier, tout pour me déplaire. Pourtant ce deuxième film d’une jeune réalisatrice israélienne, emblématique de la génération post-Oslo, lassée des querelles politiques qui ont enflammé ses aînés et d’une guerre sans nom et sans issue, m’a profondément bouleversé.
Je ne suis pas suffisamment assuré de mon jugement pour affirmer que cet enthousiasme est objectif et pour conseiller les yeux fermés un film qui m’a touché mais auquel peut-être d’autres resteront insensibles.

À quoi tient mon émotion ? Pas à la première séquence filmée dans une soirée festive où plusieurs jeunes femmes se confient les unes aux autres. L’une d’entre elle raconte, sans affect, l’avortement qu’elle a subi. On oscille entre la gêne et la sidération.
C’est le personnage d’Avishag qui m’a touché, personnage secondaire du premier épisode qui devient le personnage principal des deux suivants. Sa relation avec Max pourrait être banale. Elle ne l’est pas. Ou plutôt elle l’est sans l’être. Comme deux amants qui se découvrent, ils explorent ensemble leur sexualité.

All Eyes Off Me, qui a étonnamment reçu de la commission de classification un visa tous publics alors qu’il montre sans fard de longues scènes de sexe non simulé, nous entraîne alors dans un territoire intime. Pas celui caricatural de Neuf Semaines et Demie ou Cinquante nuances de gris (pourquoi diable les pornos soft ont-ils un nombre dans leur titre ?!) mais celui très troublant de l’intimité ordinaire d’un couple. Avishag demande à son amant de lui faire mal, de la gifler, de la mordre, de lui cracher dans la bouche… Perversité malsaine ? Ou quête des limites dans un monde qui n’en a plus ?

Cette longue scène de sexe entre Avishag et Max, qui aura provoqué chez les spectateurs qui n’y étaient pas préparés bien des raclements de gorge embarrassés, constitue le deuxième épisode du film. Max disparaît du troisième qui met en présence Avishag et Dror, son voisin, beaucoup plus âgé qu’elle. Compte tenu de la substance du deuxième, on appréhende le contenu de ce troisième épisode. Que se passera-t-il entre Avishag et Dror ? Comment s’exprimera la tension érotique qu’on sent naître ? On redoute le pire. Je vous laisse découvrir la scène qui clôt le film qui est peut-être l’une des plus étonnantes que j’aie jamais vue.

La bande-annonce

Inexorable ★★☆☆

Marcel Bellmer (Benoît Poelvoorde) est un romancier qui n’a jamais réussi à retrouver le succès rencontré par son premier livre, « Inexorable ». Il emménage avec sa femme, Jeanne (Mélanie Doutey), et sa fille, Lucie, dans l’immense demeure familiale que son beau-père leur a laissée à sa mort. Leur sérénité est vite bouleversée par l’arrivée d’une jeune inconnue Gloria (Alba Gaïa Bellugi).

J’avais tant entendu de mal d’Inexorable que je n’étais pas allé le voir à sa sortie, en pleine campagne présidentielle. Télérama l’exécute en trois phrases : « On ressort consterné de ce gros film qui tache, où tout, des dialogues à l’intrigue en passant par la musique, semble hurler sa haine de la subtilité ». Le Monde est à peine plus indulgent en trois paragraphes.  J’ai profité d’un mois de juin bien pauvret pour rattraper mon retard dans une petite salle parisienne dont la programmation est construite pour les retardataires de mon espèce.

Je m’attendais à un mauvais téléfilm ; aussi n’ai je pas été trop déçu. M’aurait-on annoncé un chef d’oeuvre, j’aurais sans doute crié à l’imposture. Bref, une fois encore, mon jugement est lourdement influencé par la somme de mes préjugés.

Le scénario d’Inexorable n’est guère original. Il emprunte à une veine déjà maintes fois utilisée : l’histoire de l’écrivain raté dont la renommée s’est artificiellement construite sur une imposture (Un homme idéal, Eva…). Mais on peut compter sur Fabrice Du Welz, ex-jeune prodige du cinéma belge, lentement déclassé faute de ne jamais avoir décroché le succès qui aurait fait décoller sa carrière, pour ne pas se borner à le filmer platement.

Fabrice Du Welz est un cinéaste de genre et entend le rester. Inexorable flirte avec le giallo. D’ailleurs il est interdit aux moins de douze ans. Une interdiction bien sévère pour un film qui n’est pas si horrifique que ça. Mais le film réussit efficacement à créer une ambiance oppressante dans ce grand château perdu au fond de la forêt des Ardennes et à raconter une histoire autour d’une interrogation : quel lourd secret cache la mystérieuse Gloria ?

Inexorable s’appuie sur un trio d’acteurs remarquables. On a beau voir Benoît Poelvoorde presqu’aussi souvent que Isabelle Huppert, je ne me lasse pas de la richesse de son jeu, qui sait osciller entre le comique le plus désopilant et le drame. Mélanie Doutey me charme depuis vingt ans. Ses rides lui vont bien. Alba Gaïa Bellugi (la Prune du Bureau des légendes) n’a qu’un seul défaut qu’on lui pardonnera : sa sœur cadette, Galatéa, est plus douée qu’elle.

La bande-annonce

Top Gun: Maverick ★★☆☆

Le pilote d’essai Pete « Maverick » Mitchell (Tom Cruise) a refusé les promotions pendant toute sa carrière pour continuer à vivre sa passion : voler. A la demande de son ancien rival et ami Tom « Iceman » Kazansky (Val Kilmer), il se voit confiée la charge de préparer les jeunes diplômés de l’école Top Gun à une mission impossible en territoire ennemi.

On ne l’attendait plus. Trente six ans après Top Gun, sa suite est enfin tournée. Qu’il ait fallu attendre si longtemps cette sequel dans l’industrie hollywoodienne si bien huilée, la rendrait presque sympathique (les producteurs ne se sont pas précipités pour capitaliser sur le succès du premier opus)… ou au contraire antipathique (« Tu quoque… »).

Top Gun 2 ne s’intitule pas Top Gun 2. Au cas où on ne l’ait pas anticipé, il porte le nom de son héros : l’immarscecible Tom Cruise qui, comme James Bond, mourra un jour peut-être (l’éventualité de sa mort constitue d’ailleurs un ressort efficace du film) mais qui ne vieillira jamais. Contre toute logique, administrative autant que physique, il reprend du service à près de soixante ans, toujours aussi jeune, toujours aussi souriant, toujours aussi ingambe. Tom Cruise incarne jusqu’à la caricature une société Peter Pan qui refuse de vieillir et qui, grâce à un cocktail mystérieux de cocktails anabolisants et de coaching draconien, y parvient.

Dans Top Gun2, Tom Cruise retrouve quelques uns des personnages qui l’accompagnaient déjà dans le 1. Val Kilmer, qui se meurt d’un cancer du larynx, y fait une émouvante apparition. Trop vieille, trop grosse, trop moche, Kelly McGillis a dégagé de l’affiche sans provoquer le tollé qu’on aurait volontiers imaginé ; Jennifer Connelly la remplace avantageusement.

Top Gun2 est ultra-référentiel. Il fonctionne sur la nostalgie du premier volet dont il reprend la musique (pourtant horriblement démodée), les accessoires fétiches (la Kawasaki 900, le blouson en cuir, les Ray-Ban Aviator) et quelques scènes mythiques, au premier rang desquelles la fameuse séance de beach-volley – transformée en match de football américain – où chacun et chacune scrutent avec une admiration jalouse les abdos impeccables du presque sexagénaire Tom Cruise.

Sans doute le scénario de cette suite n’est-il pas d’une folle originalité. Il louche du côté du tout premier Star Wars : il s’agit, ici comme là, comme dans un jeu vidéo, de conduire une flottille d’appareils de combat à travers une série d’épreuves pour détruire une base ennemie invincible protégée par un intimidant système de défenses. Ses rebondissements ne sont guère crédibles.

Mais l’essentiel n’est pas là. Il est, pour les spectateurs les plus âgés, dans le plaisir régressif de retrouver l’univers inchangé d’un de leurs premiers émois cinématographiques. J’avais quinze ans quand j’ai vu Top Gun au cinéma, dans une petite salle de province, après avoir acheté une glace à l’eau Popsicle à l’ouvreuse qui les vendait à l’entracte dans un panier en osier. J’en avais offert une à ma voisine que j’essayai maladroitement d’embrasser pendant le film. Tom Cruise avait mon âge – ou presque. Et maintenant, j’ai l’air d’avoir le double de lui !

La bande-annonce

Aristocrats ★☆☆☆

À vingt-sept ans, Hanako, la cadette d’une famille très aisée de Tokyo, n’est toujours pas mariée. Ses amies se mettent en quatre pour lui trouver un fiancé. Et elle croit rencontrer la perle rare avec Koichiro, le fils d’une famille plus aisée encore,  diplômé d’une brillante université, promis à un brillant avenir. Mais après les fiançailles, Hanako découvre que Koichiro entretient une liaison avec Miki, une jeune provinciale d’un milieu très modeste.

Trois semaines à peine après The Housewife avait déboulé sur nos écrans un autre film d’une réalisatrice japonaise. Comme dans The Housewife, il avait pour sujet la place de la femme dans la société nippone, l’injonction au mariage et à la maternité. Mais il doublait cette réflexion d’une autre : le cloisonnement social d’une ville, Tokyo, qui possède elle aussi son Neuilly-Auteuil-Passy dont il est aussi difficile de sortir que d’y rentrer.

Le propos est intéressant. Mais hélas la façon dont le traite la jeune réalisatrice Yukiko Sode – dont c’est le troisième long et le premier diffusé en France – est trop académique pour sortir de l’ordinaire. Ses vaines tentatives pour rompre la linéarité du récit et pour renverser les points de vue causent plus de confusion (je n’ai toujours pas compris le sms de Miki au sujet de son chargeur) qu’elles ne dynamisent la narration.

La bande-annonce

Freaks Out ★★☆☆

En 1943, à Rome, quatre monstres de cirque partent à la recherche de leur directeur, pris dans une rafle, au risque de tomber dans les mains d’un Nazi psychopathe.

Gabriele Mainetti s’était fait connaître en Italie et au-delà avec un premier film surprenant, On l’appelle Jeeg Robot, croisement étonnant et détonnant du film de super-héros et du polar.

Freaks Out s’inscrit aussi à la croisée de deux genres. D’un côté, le film historique avec en arrière-plan l’Italie fasciste, la déportation des Juifs et, en méchant de comédie, un Nazi caricaturalement hystérique (joué avec un plaisir communicatif par l’excellent Franz Rogowski qu’on avait connu plus sobre chez Christian Petzold). De l’autre le film de super-héros avec, comme dans X-Men ou dans Les Quatre Fantastiques un quatuor formé par une jeune femme électrisante, un albinos qui commande aux insectes, un homme à barbe et un nain magnétique.

Le résultat n’est pas mauvais ; mais il n’est pas non plus franchement réussi. L’originalité du propos se dissout rapidement et Freaks Out se réduit bien vite à un sous-produit hollywoodien dopé aux effets spéciaux dont on réalise un peu trop tard qu’on ne constituait pas le cœur de cible.

La bande-annonce

Apples ★☆☆☆

Un mal mystérieux s’est abattu sur la ville. Certains de ses habitants sont frappés par une amnésie totale. Un homme, la quarantaine, qui avait quitté son domicile et errait dans les rues, est retrouvé assoupi au terminus d’une ligne d’autobus. Il dit ne se souvenir de rien. Il n’a aucun papier pour l’identifier, aucun proche qui vienne le rechercher à l’hôpital où il a été pris en charge. Après une courte convalescence, deux psychiatres lui proposent de s’installer dans un logement en ville et de suivre un programme pour retrouver une vie sociale normale. Mais le veut-il vraiment ?

Apples est un film grec qui n’a rien d’exotique. Il s’inscrit dans la filiation du réalisateur grec contemporain le plus connu, Yórgos Lánthimos, dont Christos Nikou fut l’assistant sur Canine. On y retrouve le même goût pour l’absurde, la même critique acerbe de nos sociétés contemporaines et de leurs impasses.

Le héros anonyme de Apples, de chaque plan, est un clown triste et solitaire, en marge d’une société dont il peine à réapprendre les codes. Le propos du film s’éclaire à sa toute fin – même si je n’étais pas absolument certain d’en avoir compris le sens et ai eu besoin de quelques béquilles extérieures pour confirmer ma perception. Cet épilogue est assez poignant et donne au film une dimension beaucoup plus intéressante qu’on ne l’avait pensé.

Malheureusement, prisonnier de son procédé, Apples est bien trop lent et bien trop long – même s’il dure quatre-vingt dix minutes à peine – pour soutenir l’attention.

La bande-annonce

A Chiara ★☆☆☆

Chiara a seize ans et vit une adolescence protégée dans une petite ville de Calabre, entre ses amies du lycée, sa sœur aînée qui fête sa majorité et sa petite cadette. Tout s’effondre avec la disparition brutale de son père qui révèle à la jeune fille des pans mystérieux de son existence.

Jonas Carpignano est un jeune cinéaste italien, revenu en Sicile après des études de cinéma aux Etats-Unis. Il a fait de la petite ville calabraise de Gioia Tauro le théâtre d’un triptyque qui s’achève avec A Chiara. Meditteranea avait pour héros deux immigrés burkinabés fraichement débarqués en Italie. A Ciambra s’intéressait à un jeune rom. L’héroïne d’A Chiara semble à première vue être une adolescente sans histoire. Mais son père est en fait un des lieutenants de la Ndrangheta, la mafia calabraise.

A Chiara suit la jeune fille dans sa patiente enquête autour de de son père. Elle nous apprend une monstruosité de la loi pénale italienne : pour rompre les liens du sang dont se nourrit la mafia, les enfants mineurs de mafiosi peuvent être séparés de force de leurs parents et envoyés dans des familles d’accueil dans le Nord de l’Italie. C’est le sort réservé à Chiara qu’évoque d’ailleurs la bande-annonce. On n’en dira pas plus.

A Chiara est le portrait touchant d’une adolescente que les événements obligent à plonger sans attendre dans le monde des adultes, leurs silences, leurs compromissions. Ce genre d’histoires, pour touchantes qu’elles soient, ont hélas été déjà trop souvent filmées pour susciter encore l’intérêt.

Post-scriptum : je ne suis pas sûr d’avoir compris la scène finale : où se déroule-t-elle ? en Calabre ou à Urbino ? Et qu’est-il advenu du père ? Vos réponses en mp m’éclaireraient….

La bande-annonce

La Colline où rugissent les lionnes ★★☆☆

Qe, Jeta et Li sont trois amies d’enfance qui chassent ensemble l’ennui qui écrase leur petit village du Kosovo. L’une, orpheline, ne réussit pas à faire le deuil de ses parents ; l’autre est violentée par un père abusif ; la troisième refuse le destin tout tracé que sa mère, propriétaire d’un salon de coiffure, entend lui imposer.

La Colline où rugissent les lionnes, c’est d’abord un joli titre. C’est ensuite un projet sympathique tourné par la jeune actrice franco-kosovare Luàna Bajrami qui, au lieu de flamber ses cachets gagnés sur le tournage de Portrait de la jeune fille en feu, L’Evénément ou Les 2 Alfred, les a investis dans son premier film réalisé dans son pays natal. C’est enfin un sujet inspirant : l’amitié sororale de trois amies qui, lorsque les portes de l’Université se ferment devant elles, décident de se transformer en gang de braqueuses. Après quelques cambriolages et une échappée belle dans un hôtel de luxe payé avec leur butin, le destin les rattrapera.

Le problème de cette Colline est que son thème archi-rebattu a déjà été mille fois visité, souvent avec plus de talent : je pense à l’excellent Foxfire (2012) de l’excellent Laurent Cantet adapté d’un roman de la non moins excellente Joyce Carol Oates.

Son autre problème, le plus grave sans doute, est l’absence de maîtrise de son scénario, qui fait du surplace dans sa première demi-heure, semble ensuite s’engager dans une voie qui n’est pas exploitée (l’irruption d’une quatrième amie, venue de France interprétée par Luàna Bajrami elle-même dans un rôle qu’on imagine très autobiographique), puis trouve enfin son sens après près d’une heure (quand les trois héroïnes se lancent dans une série de braquages) avant de se terminer en épingle à cheveux avec un plan  glaçant qu’on peine à comprendre. Beaucoup sera pardonné à un premier film tourné par une réalisatrice âgée de vingt ans à peine ; mais, il ne faut pas pousser Papy dans les orties non plus.

La bande-annonce

Les Crimes du futur ★★☆☆

Dans un avenir proche indatable et dans un lieu inconnu, semble-t-il marqué par un déclin industriel et un détraquement climatique, Saul Tenser (Viggo Mortensen) est un artiste qui utilise son corps et les excroissances cancéreuses qui s’y développent mystérieusement. Avec l’aide de Caprice (Léa Seydoux), il en met en scène leur exérèse.
Leur chemin va croiser celui de deux fonctionnaires tatillons, d’un détective undercover et d’un groupe d’anarchistes post-humanistes qui cherchent à les associer à leur cause.

Après quelques films dont il faut bien dire qu’ils ne valaient pas tripette (Maps to the Stars, Cosmopolis, A Dangerous Method) et l’annonce d’arrêter le cinéma, David Cronenberg, 79 ans au compteur, renoue avec ses vieilles obsessions : des corps mutants, malades et lubriques, une science-fiction spectrale…

Le résultat est moins gore que la bande-annonce et le parfum de soufre qui précédait la sortie du film pouvaient le laisser escompter. D’ailleurs le film en France est autorisé à tous les publics – des esprits chagrins et/ou des parents poules pourraient toutefois légitimement estimer qu’il ne convient pas aux jeunes enfants.

Mais il n’en est pas moins diablement séduisant. David Cronenberg y retrouve pour la cinquième fois Viggo Mortensen. Léa Seydoux passe haut la main l’examen d’entrée : sa perfection plastique et l’élégance de son accent anglais font d’elle une parfaite héroïne cronenbergienne. Kristen Stewart – méconnaissable sur l’affiche à force d’être photoshoppée – interprète avec beaucoup de second degré un second rôle qui n’est pas à la hauteur de son talent.

Les Crimes du futur pêche par son scénario paresseux qui peine à retenir l’attention sur la durée. C’est d’ailleurs le reproche qu’on pourrait faire à beaucoup de films de Cronenberg : ce réalisateur de génie préfère décrire des états que raconter une histoire. Mais on aurait scrupule à lui reprocher d’enchaîner quelques scènes d’anthologie, aussi belles qu’horrifiques, quand bien même elles ne mènent nulle part.

La bande-annonce