L’Échappée belle ★★★☆

Une femme à l’ouest un gamin en quête de mère = un sujet qu’on a vu dix fois.

Néanmoins le charme opère grâce à la fraîcheur de Clotilde Hesme.
Elle ressemble un peu trop à Cécile de France pour qu’on l’identifie sans se tromper. Pourtant le César du meilleur espoir féminin 2012 pour Angèle et Tony est en train de creuser sa place. Elle est parfaite dans L’Échappée belle où elle réussit à rendre crédible un personnage qui ne l’est pas : une adulescente d’une trentaine d’années, fille d’un milliardaire dépressif (Peter Coyotte prisonnier de son grand château), abonnée aux soirées privées (où elle croise Frédéric Beigbeder qui joue très mal) et aux amours impossibles avec des hommes mariés.

Last but not least : un film tourné sous les arcades du Palais-Royal ne peut qu’être réussi !

La bande-annonce

Fantasia ★★☆☆

J’ai vu à l’été 2015 à sa sortie dans une salle déserte ce film en mal de spectateurs.

Sans doute le sujet est-il plombant. Une famille chinoise est confrontée à la maladie du père leucémique. La mère fait la tournée des anciens amis égoïstes, la fille se prostitue, le fils s’acoquine avec des petits mafieux.

Et la mise en scène de Wang Chao n’est pas particulièrement guillerette qui plante sa caméra à Chongqing, l’immense métropole sichuanaise sur les bords du Fleuve bleu.

On peut donc, sans frais, railler ce film esthétisant. Mais on peut aussi y voir un portrait triste d’une Chine en mal de repère, à cheval entre communisme et capitalisme. Pas de quoi attirer les foules ? Peut-être. Mais suffisamment pour donner à réfléchir.

La bande-annonce

Love & Mercy ★★★☆

Biopic schizophrène
Love and mercy (pfffft qui a eu l’idée de ce titre à la con ?) raconte l’histoire de Brian Wilson des Beach boys.

Le héros est interprété par deux acteurs : jeune et génial, c’est Paul Dano qui lui prête ses traits. Vieux et dépressif, c’est John Cusack.

On peine à comprendre ce parti pris d’autant moins pertinent que les deux acteurs ne se ressemblent pas. Todd Hayes s’y était déjà cassé les dents en faisant jouer Bob Dylan par sept acteurs différents dans I’m not there.

Ce choix est particulièrement malheureux car il brise l’unité d’un homme et contredit la morale du film. Brian Wilson et son épouse – qui ont co-produit le film et en ont gommé les épisodes les moins flatteurs pour eux – voudraient nous faire croire qu’ils ont réussi à vaincre la dépression. Mais l’incarnation par deux acteurs différents montre tout au contraire qu’il y a eu un Avant et un Après.

Reste le plaisir d’écouter les tubes incroyablement audacieux des Beach boys et de se ruer dès la sortie du film sur la BO de Pet Sounds.

La bande-annonce

Victoria (Sebastian Schipper, 2015) ★★☆☆

« Victoria » a été tourné en un seul plan-séquence de 2h14. Dit autrement : le réalisateur a dit « Ça tourne » (il a dû le dire en allemand) et 2h14 son film était dans la boîte.

C’est une prouesse technique qui est présentée comme la qualité cardinale du film. Je dois avouer le rouge au front que je m’en fiche un peu.

Parce qu’une fois qu’on a salué la dextérité du directeur de la photo qui a sans doute dû se plier en quatre pour suivre ses acteurs, quelle est la valeur ajoutée de l’unique plan séquence ?
Sa valeur ajoutée serait de nous donner à vivre une durée réelle, avec toute son épaisseur, loin des artifices du montage.

Sauf que cet effet de réalité ne fonctionne pas. La réalité, la vraie vie est faite de temps morts et d’accélérations. Alors quand la réalité accélère comme dans la scène de fusillade, l’effet de réalité marche à fond : rarement a-t-on vécu au cinéma avec autant d’intensité un échange de coups de feu, au point de ressentir la peur physique de prendre une balle. Mais, à part cette scène exceptionnelle, le film, trop long, s’étire interminablement. Et paradoxalement, l’effet de réalité devient artificiel : quand Victoria déambule dans les rues de Berlin avec ses compagnons d’un soir, les propos qu’elles échangent sonnent faux, tournent en rond. On a envie d’une narration plus serrée, d’un montage cut, bref d’une mise en scène.

La bande-annonce

Que viva Eisenstein! ★☆☆☆

Meurtre dans un jardin anglais, Le ventre de l’architecte, ZOO : les films de Greenaway ont éduqué mon œil de cinéphile. Ils me fascinaient d’autant plus que je ne les comprenais pas, dépassé par les outrances baroques de ce peintre gargantuesque, plus soucieux de construire un plan que de raconter une histoire.

Je retrouve le réalisateur britannique vingt (trente ? ) ans plus tard avec les mêmes qualités et la même incompréhension.

Que viva Eisenstein! raconte le tournage au Mexique par Serguei Eisenstein de Que viva Mexico!. Le génial réalisateur (double fantasmé de Greenaway ?) a déjà tourné Le Cuirassé Potemkine et Octobre. Au Mexique il tourne interminablement sans réussir à mettre en forme son film – qui restera inachevé. Mais c’est moins cette impuissance que la découverte de son homosexualité qui intéresse Greenaway qui filme la première scène de sexe entre Eisenstein et son guide mexicain avec un voyeurisme gourmand.

Quelques plans inoubliables théâtralisent cette histoire : une chambre à coucher aux dimensions de cathédrale, un hall d’hôtel…

Fascinant. Déconcertant.

La bande-annonce

Love ★★★☆

Gaspar Noé : « Irréversible », « Enter the Void », « Love ».
On aime ou on déteste.
Moi j’aime.

Oui bien sûr « Love » est lesté de défauts rédhibitoires : à commencer par son titre prétentieux et définitif, sa voix off pesamment métaphysique, ses dialogues à deux balles, son machisme voire son homophobie et sa manie répétitive de déconstruire la chronologie qui vire à la pose prétentieuse (« Irréversible » était l’histoire d’un viol raconté par la fin, « Love » l’histoire d’une passion amoureuse qui débute par une rupture).

Mais il y a dans le cinéma de Gaspar Noé, qu’on l’aime ou pas, un dynamisme, une urgence, une ambition qui forcent l’admiration. Loin des « petits » films français pleins d’une ironie souriante, sitôt vus sitôt oubliés, Gaspar Noé ose traiter des sujets ambitieux. Tant pis s’il s’y fracasse.

« Love » parle des deux choses les plus importantes au monde (au dire de l’acteur principal) : l’amour et le sexe, les larmes et le sexe. « Love » en parle sans fard comme l’annonce le parfum de scandale qui avait entouré la sortie du film. Scènes de sexe non simulées, nudités frontales, orgasmes à répétitions, triolisme compliqué… en 3D !

Désir puéril de choquer le bourgeois ? Peut-être. Mais le bourgeois en a vu d’autres que plus grand-chose ne choque.

Quête d’une façon différente de filmer les corps amoureux ? Sans doute. Et c’est là que « Love » nous emporte. En réussissant à faire du porno autrement, du porno beau, du porno amoureux.

La bande-annonce

Amy ★★★☆

Je ne connaissais quasiment rien de Amy Winehouse sinon, comme tout le monde, son album « Back to black » et l’hystérie qui entoura sa déchéance et sa mort à 27 ans.

Le documentaire de Asif Kapadia est déchirant. Pourtant il laisse beaucoup de questions en suspens : pourquoi cette addiction précoce à l’alcool et aux drogues, de plus en plus dures ? pourquoi Amy a-t-elle été broyée par sa soudaine célébrité ?

Asif Kapadia est un peu trop « people » qui s’intéresse plus aux mésaventures amoureuses de l’artiste qu’à sa musique. On ne saura quasiment rien de ses influences artistiques, de son processus de création. Le film sur les Beach boys est paradoxalement plus documenté sur cet aspect des choses.

Mais le documentariste londonien a réussi à mettre la main sur des archives vidéo et à recueillir des témoignages extraordinaires. Grâce à eux, on suit Amy depuis l’enfance, avec ses boutons d’acné et ses dents disgracieuses, bien loin de l’icône qu’elle est devenue quelques années plus tard. On découvre sa fragilité et aussi l’originalité de sa voix incroyable, qui lui ressemble si peu et qui lui valut la célébrité vénéneuse qui précipita sa mort.

La bande-annonce

Madame Bovary ★☆☆☆

Après Jean Renoir, Vincente Minelli et Claude Chabrol, pourquoi diable être allé tourner une nouvelle adaptation du roman de Gustave Flaubert ?

Sinon peut être pour le faire mieux connaitre outre-Atlantique où le film de Sophie Barthes est sorti dès 2014 ?

Des distributeurs audacieux ont finalement décidé de le diffuser en France en novembre 2015 où il n’a intéressé personne : les amoureux de Flaubert y ont vu non sans motif un sous-produit de la culture hollywoodienne, les autres n’ont pas fait l’effort de s’y frotter.

Pourtant Sophie Barthes, jeune réalisatrice française installée aux États-Unis, fait honnêtement le job. Elle ne mégote ni sur les décors ni sur les costumes. Elle est aidée par Mia Wasichowska qui incarne à la perfection les états d’âme d’Emma (subtile allitération). Grâce à elles l’extraordinaire modernité du roman de Flaubert éclate. C’est déjà ça…

La bande-annonce

La Isla minima ★★☆☆

« La Isla minima » est un film espagnol poly-primé à la cérémonie 2015 des Goyas – l’équivalent de nos Césars.
Et il faut reconnaître que ce polar poisseux a du caractère.

Mais le problème est qu’on a déjà vu ce film cent fois. Deux flics qui enquêtent dans un environnement hostile sur des crimes sexuels sordides commis par des psychopathes dégénérés adossés à des organisations occultes ?
Ça vous rappelle quelque chose ? « Memories of murder » de Joon-Ho Bong, « Le Dahlia noir » de Brian de Palma, « Killing fields » de Ami Canaan Mann et évidemment « True Detective » de Nic Pizzolatto !
Avec à chaque fois une putasserie embarrassante à imaginer des tortures toujours plus raffinées sur des victimes toujours plus innocentes.

La bande-annonce

La femme au tableau ★☆☆☆

Film de procès + histoire vraie : l’obstination de Maria Altmann à récupérer le portrait de sa tante par Klimt, confisqué par les Nazis et exposé à Vienne depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, avait tout pour séduire Hollywood.

Honnête faiseur, Simon Curtis relate cette histoire sans mégoter sur les flash back hauts en couleur et les effets mélodramatiques. Il le fait avec un manichéisme non seulement fade mais pour tout dire dérangeant.

D’un côté les méchants Autrichiens, victimes consentantes de l’Anschluss hitlérien hier, infâmes spoliateurs aujourd’hui. De l’autre, la courageuse Maria, jeune femme contrainte à l’exil en 1938 qui décide soixante ans plus tard de récupérer « Woman in Gold », entretemps devenu une icône artistique, une Mona Lisa autrichienne. Pourquoi ? Par appât du gain, la valeur du tableau excédant les 100 millions de dollars ? Que nenni ! Par souci de justice. Et pour refuser l’oubli.

La justice. La mémoire. Voilà de biens grands mots lancés. L’espace d’un instant on est pris de vertige. Vertige de tomber, si l’on dénie à  Maria Altman le droit de récupérer ce tableau, dans un antisémitisme haïssable voire dans un négationnisme criminel. Mais vertige aussi, si l’on embrasse sa cause, que les mêmes arguments soient appliqués aux marbres d’Elgin, à la pierre de Rosette ou à la Joconde.

La bande-annonce