Marriage story ★★★☆

Charlie (Adam Driver) est un metteur en scène qui dirige à New York une troupe d’avant-garde. Nicole (Scarlett Johansson) est une jeune actrice hollywoodienne qui, après avoir rencontré Charlie, a décidé de quitter la Californie pour s’installer et travailler avec lui sur la Côte Est.
Charlie et Nicole ont eu un garçon, Henry, huit ans. Mais Charlie et Nicole ne s’aiment plus. Quand Nicole se voit proposer un premier rôle dans une série à succès à Hollywood, elle décide de rentrer en Californie, chez ses parents, et d’engager une procédure de divorce. Les deux époux souhaitent qu’elle soit la moins traumatisante possible. Mais ils se déchirent bientôt autour de la garde de Henry.

Il y a des feel-good movies. Il y a aussi des feel-bad movies. Les premiers sont plus attractifs que les seconds : on préfère en général se faire du bien que du mal. Le monde dans lequel on vit serait si triste, la charge mentale si lourde que nous aspirerions à des loisirs récréatifs qui nous le ferait trouver plus drôle et nous la ferait trouver plus légère.
« Les chants désespérés sont les chants les plus beaux et j’en sais d’éternels qui sont de purs sanglots ». Il faut réhabiliter les sujets graves, les feel-bad movie, les unhappy ending. J’ai vu Docteur Jivago à quinze ans et ne me suis jamais remis de sa scène finale. Idem pour Titanic quinze ans plus tard. Et pour La La Land quinze ans après. Sans parler de West Side Story, des Parapluies de Cherbourg ou de Roméo et Juliette

Ce long paragraphe inutile ne sert à rien. Sinon à vous rappeler mon Top 5, fidèle lecteur, en ces périodes de palmarès, et de vous prévenir : Marriage Story, contrairement à ce que son titre annonce, n’est pas une comédie sur le mariage ou sur le re-mariage mais parle d’un sujet triste.

Quarante ans après Kramer vs. Kramer (cinq Oscars dont celui du meilleur film, du meilleur réalisateur et du meilleur acteur), Noah Baumbach raconte au scalpel un divorce. Il sait de quoi il parle : il est passé par là. Après cinq ans de mariage, il s’est séparé de Jennifer Jason Leigh en 2010 – pour se mettre en couple l’année suivante avec Greta Gerwig (de vingt ans sa cadette). Son divorce a traîné trois ans et n’a été prononcé qu’en 2013.

Le divorce aurait dû se faire à l’amiable. Mais rien ne s’est passé comme prévu. Bientôt Charlie et Nicole s’écharpent par avocats interposés. Dans le rôle de l’avocate de Nicole, Laura Dern, mielleuse et machiavélique, livre une prestation époustouflante – qui doit beaucoup, osons le dire, à une silhouette qui, époustouflante, l’est elle aussi.
Le scénario parvient excellement à rendre compte de ce glissement inéluctable. Dans la plus grande scène du film, qui à elle seule dure près d’un quart d’heure, on voit les deux héros tenter de s’entendre, faisant preuve l’un comme l’autre de bonne volonté, refusant de se laisser enfermer dans leurs rôles, mais cédant peu à peu à leurs émotions dans un lent crescendo qui se conclut par des hurlements.

Marriage Story est en ligne sur Netflix. C’est une énigme et un scandale. Que des œuvres de cette qualité ne soient pas distribuées au cinéma mais réservées aux seuls abonnés d’une chaîne payante est à la fois le signe de l’incroyable culot de Netflix, qui, après Roma et The Irishman, se positionne désormais sur tous les segments du cinéma, même le plus auteuriste, et un défi pour la salle qui aurait dû être son réceptacle naturel.

La bande-annonce

Jeune Juliette ★★☆☆

Juliette a quatorze ans. Comme toutes les adolescentes de son âge, elle attend quelque chose ; mais elle ne sait pas quoi. Juliette a quelques kilos en trop qui lui attirent les sarcasmes de ses camarades d’école. Sa mère lui manque qui a quitté le foyer familial pour aller vivre à New York où Juliette brûle de la rejoindre.
Mais elle a un père aimant, sur le point de refaire sa vie avec une prof de yoga congolaise, un grand frère cool, une meilleure amie fidèle et un crush pour le play boy du collège.

Des teen movies, on en a vu treize à la douzaine sur l’adolescence, ses joies et ses peines. Venant de tous les continents, certains sont très réussis : l’Américain Juno, le Français Gang de filles, l’Israélien Vierges, l’Ukrainien Classe à part ; d’autres sont oubliables.
Celui-ci ne révolutionnera pas le genre, qui fait l’éloge convenu du refus de la norme. Peu importe que Juliette soit trop grosse, que sa meilleure amie Léane soit lesbienne, que le gamin de sixième dont elle a la garde soit Asperger, l’indéfectible solidarité qui unit le trio vaincra, comme de bien entendu, l’hostilité mesquine que le monde lui oppose.

Jeune Juliette n’évite pas les clichés (les insultes grossophobes essuyées par l’héroïne) et les passages obligés (la party organisée en cachette des parents)
La fraîcheur du film vient notamment de ce qu’il nous arrive du Québec. Le thème est le même que celui de Une colonie sorti le mois dernier, qui donnait déjà le premier rôle à une ado canadienne. Le film se déroulait aussi durant l’été, comme si le cinéma québécois trouvait son inspiration dans la touffeur inhabituelle à ces terres septentrionales.

La bande-annonce

Notre dame ★★★☆

Maud Crayon (Valérie Donzelli aussi à l’aise devant la caméra que derrière) est une maman solo. Provinciale montée à Paris, elle y a rencontré le père de ses deux enfants, un adulescent immature (Thomas Scimeca). Elle s’en est séparée, tout en continuant à l’accueillir de temps en temps sous son toit et dans son lit. Et elle apprend qu’elle attend de lui un troisième enfant.
Architecte DPLG, elle travaille dans un cabinet dirigé par un patron tyrannique (Samir Guesmi à contre-emploi) mais peut compter sur l’amitié de son collègue (Bouli Lanners lui aussi à contre-emploi dans le rôle d’un employé timide).
Par un incroyable concours de circonstances, Maud Crayon emporte le concours de la ville de Paris pour la réhabilitation du parvis de Notre-Dame. Un journaliste (Pierre Deladonchamps charmant et charmeur) va l’aider à affronter les médias qui bientôt se déchaînent contre son projet disruptif.

On adore Valérie Donzelli, son charme, son humour parfois loufoque, parfois fantastique, la délicatesse très contemporaine du regard qu’elle porte sur les gens et les choses. C’est un acte de foi qu’il faut poser au début du film, une condition sine qua non à sa réception. Mais c’est une condition qui n’est pas si difficile à réunir : on voit mal comment on pourrait ne pas adorer Valérie Donzelli.

Valérie Donzelli a creusé un sillon bien à elle dans le cinéma français. Elle a commencé sa carrière comme actrice sous la direction de Gilles Marchand, d’Anne Fontaine ou de Guillaume Nicloux, avant de réaliser des films auto-fictionnels. La Reine des pommes racontait les chagrins d’amour d’une trentenaire. La guerre est déclarée, sans doute l’un des meilleurs films français de la décennie, le combat d’un jeune couple contre la leucémie de leur enfant. Main dans la main l’amour fusionnel entre un miroitier de province et la directrice de l’école de danse de l’Opéra Garnier. À chaque fois le rôle masculin principal des films de Valérie Donzelli était interprété par Jérémie Elkaïm, son compagnon à la ville et le père de ses deux enfants dont elle s’est depuis séparée.

Après l’échec injuste de Marguerite & Julien, Valérie Donzelli revient devant la caméra et tourne sans Jérémie Elkaïm – même si le rôle interprété par Thomas Scimema et son phrasé dans la dernière scène rappellent inexorablement le grand absent parti refaire sa vie avec Anaïs Demoustier.
Valérie Donzelli réalise une comédie incroyablement attachante, qui louche du côté de la BD, mettant en scène le Paris d’avant l’incendie de Notre-Dame. Les relations humaines n’y sont pas toujours bienveillantes (les claques cinglent, les jurons fusent) ; mais la ville est belle.
L’héroïne célibattante inspirera à tous les spectateurs une immédiate sympathie : elle ploie sous la même charge mentale qui nous écrase tous mais sait la gérer avec la désinvolture gracieuse des vraies Parisiennes au cœur d’artichaut.

Et puis, surtout, Notre dame est drôle. Très drôle. On n’avait plus autant ri devant la scène de présentation du projet architectural de Maud Crayon et les réactions outragées qu’il suscitera le lendemain dans la presse.

Notre dame est si attachant qu’on en excuse les erreurs. C’est que Valérie Donzelli s’essaie à tous les genres avec un inégal succès : présentation 3D, film muet à cartons, comédie musicale… Tout ne fonctionne pas. Mais, on l’aura compris à la lecture de cette critique partiale et subjective, tout lui est pardonné.

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Lola vers la mer ★☆☆☆

Lola est trans. Elle a dix-huit ans. Elle vit dans un foyer. Elle va subir l’opération qui la transformera définitivement. Son père l’a mise à la porte. Sa mère, qui continuait en secret à la voir, vient de mourir des suites d’une longue maladie.
Quand Lola revient dans sa famille pour les funérailles de sa mère, les retrouvailles avec son père sont violentes.

La transidentité est décidément un sujet à la mode. On ne compte plus les documentaires (XY Chelsea, Coby, Finding Phong…) et les – excellents – films de fiction qui en traitent : Tomboy, Une femme fantastique, Girl

Comme Girl, Lola vers la mer se passe en Belgique. Mais la ressemblance s’arrête là hélas.
Là où l’héroïne de Girl nous touchait par sa fragilité et par sa grâce, celle de Lola vers la mer se borne à jouer l’adolescente révoltée à l’identité entravée. Et on n’entrera pas ici dans le débat si un tel rôle doit être joué par un acteur cisgenre (comme dans Girl) ou transgenre (comme dans Lola…).
Là où le scénario de Girl avançait à l’aveugle dans une fragile indétermination jusqu’à une conclusion qui en a surpris plus d’un.e, celui de Lola – qui voudrait nous faire croire que la centaine de kilomètres qui sépare Bruxelles de Ostende peut donner lieu à un long périple initiatique – est cousu de fil blanc jusqu’à une inévitable autant qu’improbable réconciliation.
À la relation si pleine d’amour et de compréhension qui unissait Lara à son père dans le film de Lukas Dhont s’opposent terme à terme la haine et l’incompréhension que manifeste Philippe (Benoît Magimel) avec cet enfant qu’il persiste à appeler Lionel. Aussi bien joué soit-il par Benoît Magimel, le personnage de ce père homophobe est par trop caricatural. Sa beauferie veule puis son inévitable adoucissement sont si téléphonés qu’on ne s’y laisse guère émouvoir.

Les grosses ficelles du scénario – qui réunissent, contre toute logique, Lola et son père dans un dernier pèlerinage autour d’une urne funéraire – n’arrangent rien.

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Pahokee, une jeunesse américaine ★★☆☆

Comptant six mille habitants à peine, située en Floride dans le nord des Everglades, Pahokee est une bourgade sans caractère, paupérisée par la crise de l’agriculture et l’appauvrissement des sols, majoritairement peuplée de Noirs-américains et d’immigrés hispaniques.
Ivete Lucas et Patrick Bresnan, deux documentaristes formés à l’école du court-métrage, y ont planté leur caméra pour y suivre les élèves de terminale durant leur dernière année de lycée. Ils n’ont pas filmé les cours, mais les rites de passage qui scandent cette année charnière : les matchs de l’équipe de football américain, l’élection de la reine de beauté du lycée, la cérémonie de remise des diplômes, le bal de promo, etc.

Frederick Wiseman (Ex Libris, In Jackson Heights…) fait des émules. L’immense réalisateur américain a créé un style : le documentaire non interventionniste, sans voix off ni sous-titre où la seule mise en scène est censée suffire à donner du sens au propos.

Lucas & Bresnan marchent sur ses traces. Il s’agit pour eux toutefois moins de réaliser une radioscopie de l’Amérique profonde – comme Monrovia, Indiana en avait l’ambition – ou de brosser une étude en coupe de la jeunesse américaine – comme le sous-titre français inutilement explicatif prétend l’annoncer – que de raconter des rites. Des rites typiquement américains – et pour nous, spectateurs d’outre-Atlantique, terriblement exotiques – qui scandent la vie lycéenne.

Lucas & Bresnan embrassent le parti d’ignorer l’arrière plan social et économique de la ville où ils posent leur caméra. On ne saura rien ou presque de ses paysages sans caractère, du sous-emploi qui la mine, de la guerre des gangs qui s’y livre, si ce n’est en assistant en temps réel à un règlement de compte qui laissera un mort sur le bitume.
Ils préfèrent s’intéresser à ces moments clés, et volontairement festifs, de l’année de terminale. Ils ont pour nous un charme un peu ridicule. Quoi de plus kitsch que ces jeunes filles à peine majeures déguisées en starlettes, outrancièrement maquillées, juchées sur de hauts talons vertigineux ?

Pour donner corps à leur propos, les réalisateurs ont choisi de suivre plus spécifiquement quatre personnes, deux filles et deux garçons : Na’Kerria, la dauphine malheureuse de l’élection de la reine de beauté, Jocabed, une jeune Mexicaine de la deuxième génération dure à la tâche, BJ, un jeune Afro-américain qui rêve de devenir une star du football américain et Junior, le percussionniste virtuose de la fanfare, dont l’échec scolaire et la naissance d’un enfant semblent compromettre l’avenir.
Le procédé est un peu racoleur. Pas sûr qu’il soit conforme aux exigeants préceptes wisemaniens. Mais il est diablement efficace. Car on s’attache à chacun d’entre eux. Et, sauf à avoir un cœur de pierre, on verse une larme en écoutant le discours de fin d’année de Jocabed devant ses parents et ses grands-parents.

La bande-annonce

Toute ressemblance… ★★☆☆

Depuis dix-huit ans, Cédric Saint Guérande alias CSG (Franck Dubosc) est le présentateur préféré des Français. Chaque soir, à vingt heures tapantes, il présente le journal télévisé. Il doit son succès et sa popularité à un mélange de talent, de charme, d’esbrouffe. Adulé par le public comme par sa concierge (Sylvie Testud), fidèlement secondé par son producteur (Jérôme Commandeur), tendrement aimé par sa femme (l’ancienne James Bond girl Caterina Murino), CSG est au firmament de sa gloire. Mais l’arrivée à la présidence de la chaîne de Julien Demaistre (Denis Podalydès), précédé d’une solide réputation de coupeur de têtes, menace sa toute-puissance.
Toute ressemblance avec des faits réels ne serait pas nécessairement fortuite

On a dit beaucoup de mal du film de Michel Denisot. « Caricatural et vulgaire » (Le Figaro), « affligeant » (Le Monde). Nous voilà prévenus : nous n’irons pas voir un chef d’oeuvre, tout au mieux une aimable pochade sur les petits secrets du monde de la télévision. Tant de tomates lancées sur l’un des plus célèbres animateurs de France nous inciteraient presqu’à l’indulgence. Son film mérite-t-il tant de fiel ?

Non. Toute ressemblance… ne mérite certainement pas quatre étoiles. Ni trois. Avec une indulgence coupable, on lui en mettra deux ; car c’est une gentille comédie qui se regardera volontiers un dimanche soir sur petit écran, ni meilleure ni pire que les feel-good movies qu’on y voit trop souvent.

Michel Denisot ne fait pas dans la dentelle en décrivant des stars du PAF obsédées par le pouvoir, l’argent, le sexe, le botox et la drogue. De journalisme, d’éthique du travail, il n’est guère question. Le parti pris est plus gaulois. Il n’empêche qu’il fait souvent mouche et qu’on découvre quelques scènes hilarantes que la bande-annonce n’avait pas déflorées.

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Un été à Changsha ★☆☆☆

Dans la touffeur de l’été chinois, à Changsha, la capitale du Hunan, deux inspecteurs de police enquêtent sur un meurtre sordide. Les membres dépecés d’un corps humain font petit à petit surface. Ses bras sont retrouvés dans la rivière Xiang qui baigne la métropole ; ses viscères ont été stockées dans une valise ; sa tête reste introuvable.
Un témoin se manifeste à la police. Li Xue est chirurgienne. Elle dit être la sœur du disparu et recevoir de lui des informations en songe. Elle-même porte un lourd secret : sa fille, qui souffrait d’une affection cardiaque incurable, est morte quelques années plus tôt. Depuis lors, Li Xue entretient une relation adultère avec le chirurgien qui soignait son enfant.

Projeté à Cannes dans la section Un certain regard, Un été à Changsha est un film déroutant. Son pitch et sa première moitié font penser à un polar façon Memories of murder ou Une pluie sans fin. Mais bientôt le scénario bifurque et se désintéresse de la résolution de l’énigme policière pliée en deux coups de cuillère à pot.

Le film devient plus poétique voire élégiaque pour se concentrer sur le personnage de l’inspecteur Bin (interprété par le réalisateur en personne), profondément dépressif depuis le suicide de sa femme, qui trouve avec Li Xue une personne avec qui partager son mal-être.
Si l’on ne s’est pas laissé submerger par l’ennui, on comprendra peut-être que la lumière est au bout du tunnel et que l’inspecteur Bin réussira finalement à reprendre goût à la vie. Mais l’atmosphère neurasthénique dans laquelle baigne cet Été à Changsha risque d’avoir raison même des plus optimistes comme des plus endurants.

La bande-annonce

Les Envoûtés ★☆☆☆

Coline (Sara Giraudeau) est parisienne. Elle rédige quelques articles pour un journal dont le rédacteur en chef, Sylvain (Nicolas Maury), est un ami d’enfance. Lorsque la propriétaire du journal, Leonora (Josian Balasko), propose à Coline de se charger de l’enquête du mois en allant interviewer, au fond des Pyrénées, Simon (Nicolas Duchauvelle), un peintre qui prétend avoir vu le spectre de sa mère défunte, Coline, sceptique, refuse. Mais lorsque la même expérience surnaturelle arrive à sa meilleure amie Azar (Anabel Lopez), qui voit le spectre de son père au moment de sa mort soudaine, Coline prend le train pour le Pays basque.

Le trop rare Pascal Bonitzer a signé moins de dix films (Tout de suite maintenant, Cherchez Hortense, Le Grand Alibi…) durant une carrière commencée il y a plus d’un demi siècle aux Cahiers du cinéma ; mais c’est pourtant l’un des réalisateurs les plus significatifs du cinéma français contemporain. Il s’essaie à un genre délicat, le fantastique réaliste, en adaptant une nouvelle de Henry James.

Et autant le dire sans détour, il se plante. Pourtant la direction d’acteurs est impeccable. La grâce boudeuse, la fragilité butée que Sara Giraudeau affichait déjà dans Le Bureau des légendes fait merveille dans le rôle de Coline, dont on se demandera jusqu’au bout du film si elle a basculé dans la folie ou pas.

Le problème vient du sujet du film qu’on peine à appréhender. Sans doute s’agit-il de nous montrer que les morts demeurent à tout jamais présents. Le thème est à la mode qui traverse toute l’œuvre de Kiyoshi Kurosawa (Le Secret de la chambre noire, Vers l’autre rive). Il est au centre du récent film de Stéphane Batut Vif-Argent. Il l’était déjà de l’envoûtante série française Les Revenants. Mais ce thème-là, dont je ne suis pas sûr qu’il soit si riche, est mélangé à d’autres qui ne convainquent guère plus : la naissance de l’amour entre Coline et Simon, l’inquiétante beauté des forêts pyrénéennes, etc.

Le résultat est paradoxalement trop pauvre pour nourrir les presque cent minutes que dure le film. Son rythme est trop distendu pour soutenir l’intérêt. Henry James avait écrit une nouvelle. Pascal Bonitzer a eu tort de croire qu’il pouvait en faire un film.

La bande-annonce

Le meilleur reste à venir ★★☆☆

Arthur (Fabrice Luchini) est un grand ponte de la médecine, timide et pondéré, père divorcé d’une adolescente boudeuse. César (Patrick Bruel) est un flambeur couvert de dettes et de femmes qui n’a jamais rien fait de sa vie sinon que d’en jouir. Arthur et César se sont rencontrés en pensionnat et sont les meilleurs amis du monde.
Quand Arthur apprend à la suite d’un malentendu que son ami est atteint d’un cancer incurable, il ne trouve pas le courage de le lui dire mais décide de l’accompagner dans ses derniers moments.

Tout dans Le meilleur reste à venir me faisait fuir. Son pitch démago inspiré par un épisode de la vie de Alexandre de La Patellière qui a appris qu’il était atteint d’un cancer – finalement soigné – et qui ne l’a avoué qu’à son seul ami et coréalisateur Matthieu Delaporte. Son affiche racoleuse qui aurait pu tout aussi bien vanter un parfum pour hommes. Ses deux acteurs horripilants : je n’ai jamais trouvé Bruel beau ni Luchini intelligent. Son duo de réalisateurs dont le précédent succès, Le Prénom, ne m’avait pas fait rire.

La première moitié du film allait me conforter dans mes a priori. Personnages caricaturaux, scénario pas crédible, humour pas drôle (« tu ne vas pas quand même pas en faire une affaire, Dreyfus ? »). Et puis, force m’a été de ravaler ma bile devant sa seconde moitié jusqu’à un épilogue qui m’a noué les tripes.

Le meilleur reste à venir réussit à parler de l’amitié et de la mort en étant drôle sans être vulgaire, en restant grave sans devenir pontifiant. Le défi était audacieux ; Delaporte et La Patellière le relèvent avec talent. Sans doute suis-je dans le cœur de cible : le CSP+ cisgenre quinquagénaire dont le meilleur ami ou lui-même a eu ou est susceptible d’avoir à brève échéance un cancer fatal. Pas sûr que le film ait autant d’impact en dehors de cette cible, mis à part les fans de tous âges, et ils sont nombreux – de Luchini (60+) et de Bruel (40+).
Mais toujours est-il que si la vie vous a donné la joie d’avoir un ami, un ami d’enfance auquel vous lie une amitié insubmersible, vous ne pourrez regarder qu’en pleurant ce film qui exalte la force de ce lien et la douleur de sa perte.

La bande-annonce

Une vie cachée ☆☆☆☆/★★★★

Un conscrit autrichien, Franz Jägerstätter fut décapité  pendant la Seconde guerre mondiale pour avoir refusé de prêter allégeance au Führer.

Le dernier film de Terrence Malick – comme d’ailleurs ses précédents – ne saurait laisser indifférent. Il suscitera la fascination ou la répulsion.

Dans la première hypothèse, on se laissera hypnotiser par une œuvre radicale, puissante, écrasante portée par une caméra tourbillonnante, une musique élégiaque et une interprétation inspirée. On sera ému jusqu’à l’âme par le dilemme qui se pose à Frantz : transiger ou pas, sauver sa peau ou mourir pour ses principes. On sortira durablement bouleversé de la salle, traumatisé par la dernière demie heure d’un film qui, comme peu d’autres, nous aura fait ressentir la peur de la mort et le courage inhumain qu’il faut pour l’affronter.

Dans la seconde, on aura trouvé le temps effroyablement long. Près de trois heures pour raconter une histoire qui se résume en une phrase. Terrence Malick ne cherche d’ailleurs pas d’échappatoire : il n’enrichira sa trame d’aucun artifice, d’aucune histoire secondaire qui lui donnerait plus de chair.
Au surplus, il a une façon de monter ses scènes qui leur donne un tempo incroyablement rapide. Il refuse la banalité du champ-contrechamp, filmant chaque scène comme on le ferait dans un clip vidéo, avec une musique envahissante et des ellipses qui en rendent parfois la compréhension difficile et empêchent l’émotion de s’installer. Ainsi, paradoxalement, ce film trop long est couturé de scènes trop courtes (ainsi de la confrontation entre Franz et le président du tribunal militaire qui le juge, interprété par un Bruno Ganz mourant qui allait décéder quelques semaines plus tard).
Les tics qui caractérisent son cinéma deviennent vite envahissants : ses travelings interminables sur des champs de blé, cette voix off susurrante semblable à celle d’un prêtre donnant l’absolution, ces tableaux de famille censés incarner la félicité domestique où immanquablement on voit les enfants gambader dans les prés et les parents rouler dans les foins comme s’ils avaient seize ans. Et, last but not least, ce mélange babélien de dialogues anglais et allemands (pourquoi diable faire parler anglais des personnages autrichiens), les seconds n’étant pas traduits, soit que le budget ait manqué pour le faire, soit que le réalisateur ait voulu ainsi souligner l’incommunicabilité de cette langue.

On l’aura compris au déséquilibre entre les deux points de vue qui précèdent : je suis sorti passablement excédé de la salle avec l’impression d’y avoir perdu mon temps et de m’être laissé enfumer par un escroc. Mais, les critiques dithyrambiques que je lis, la vénération admirative dans laquelle on tient Terrence Malick m’empêchent de défendre mon opinion sans l’accompagner d’un instant de doute. Que vous ayez déjà vu d’autres films de Terrence Malick ou pas, faites vous votre opinion. Allez voir Une vie cachée : vous adorerez… ou pas.

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