Yalda, la nuit du pardon ★☆☆☆

Ayat est le producteur de l’émission de téléréalité à succès « Le Prix du pardon ». Chaque semaine, un condamné vient y implorer le pardon de sa victime pour obtenir, comme la loi coranique le permet, la commutation de sa peine.
C’est le cas, le soir de « Yalda », la fête zoroastrienne qui marque le début de l’hiver, de Maryam qui a été condamnée à mort pour avoir tué Nasser, son époux. La très jeune femme s’était trouvée, à la mort de son géniteur, un père de substitution dans ce riche publicitaire, déjà père de famille. Encouragée par une mère carnassière, elle avait conclu avec lui un « mariage temporaire ». Pour ne pas spolier sa fille unique, Nasser avait interdit à Maryam de tomber enceinte. Mais la jeune femme n’avait pas respecté cette clause du contrat.

Massoud Bakhshi fait partie de ces nouveaux visages du cinéma iranien qui prospèrent sur les traces de Ashgar Ferhadi. Il montre à l’Occident, dans des films qui ne franchissent pas toujours les foudres de la censure en Iran, l’image d’un pays pris en étau entre le respect étouffant de la loi des mollahs et un désir bouillonnant de modernité.

Le pitch de Yalda était excitant. Unité de temps, unité de lieu, unité d’action : le temps d’un show de téléréalité, la lumière serait faite sur un crime sordide dont on aurait imaginé qu’il cacherait son lot de détails croustillants, révélateur de l’impasse d’une société malade de ses interdits.

Hélas, Yalda est l’exemple parfait d’un film plombé par les défauts d’une écriture brouillonne. Sauf à être familier de la loi coranique, on comprend mal les termes du débat. Dès le départ, les dés semblent pipés : si Mona, la fille de Nasser, de qui Maryam implore le pardon, a accepté de participer à cette émission, n’est-ce pas qu’elle était déjà prête à la blanchir de son crime ? On ne comprend guère mieux les rebondissements de l’intrigue qui scandent l’émission. Alors que le film voudrait – si j’en ai bien compris le sens – nous rendre sympathique Maryam, ses jérémiades produisent l’effet inverse.

Les deux actrices qui incarnent Maryam et Mona ne déméritent pas. Mais leur prestation ne suffit pas à sauver un film englué dans une intrigue trop confuse pour qu’on en comprenne les subtilités. Dommage….

La bande-annonce

L’Enfant rêvé ★★★☆

François (Jalil lespert) rêve d’avoir un enfant, un fils de préférence, pour lui transmettre la scierie familiale qu’il a héritée de son père (Jean-Marie Winling). Mais les PMA que Noémie (Mélanie Doutey), son épouse, et lui ont tentées échouent et la procédure d’adoption qu’ils débutent s’annonce longue et semée d’obstacles.
Le rêve de François semble se concrétiser quand Patricia (Louise Bourgoin) déboule dans sa vie. Il noue avec cette femme mariée, mère de deux enfants, une relation adultère passionnée. Patricia tombe enceinte. François ira-t-il au bout de son désir de paternité au risque de détruire la vie qu’il a construite avec Noémie ?

Raphaël Jacoulot n’est pas un réalisateur très connu. Avec L’Enfant rêvé, ce réalisateur formé à la Fémis sort pourtant son quatrième long métrage. J’avais eu un coup de cœur pour son précédent film, Coup de chaud, sorti au milieu de l’été 2015. Je lui avais même décerné quatre étoiles, un Graal que je ne distribue qu’avec parcimonie.

On retrouve dans L’Enfant rêvé les recettes de ses précédents films, qui m’avaient touché. Raphaël Jacoulot est un cinéaste de la province. Ses films sont solidement ancrés dans un territoire, dans un biotope, qui en détermine le cours et en influence les personnages. Dans Coup de chaud, l’action se déroulait dans un petit village du Lot-et-Garonne, chauffé à blanc par la canicule. Dans Avant l’aube, nous allions nous perdre dans un grand hôtel des Hautes-Pyrénées en plein hiver. Dans L’Enfant rêvé, nous sommes dans les forêts de conifères du Doubs, à la frontière suisse, dans une région connue pour enregistrer les températures les plus froides de France.

Raphaël Janicot filme un terroir. Il y filme aussi des hommes et des femmes qui travaillent. Dans Avant l’aube, il s’agissait d’un grand hôtel perdu dans la montagne. Dans L’Enfant rêvé, nous entrons dans une scierie dont nous regardons les énormes machines usiner des troncs d’arbres. François est né ici. Il a repris l’entreprise familiale que son père lui a léguée. On retrouve le même duo père-fils que dans l’excellent Au nom de la terre avec Guillaume Canet et Rufus : un père vieillissant, fier du fils auquel il a transmis la passion de son métier, un fils dans la force de l’âge qui , rompant avec la tradition, a massivement investi pour sauver son entreprise au risque de la surendetter.

C’est dans cet environnement très typé, digne des grands films classiques français des années soixante (on pense évidemment aux Grandes Gueules de Robert Enrico avec un Bourvil à contre-emploi dans le rôle dramatique d’un patron de scierie), que se noue un drame de l’adultère.

Dans le triangle amoureux qu’il forme avec sa femme et sa maîtresse, c’est Jalil Lespert qui a le rôle le plus important. C’est autour de lui que s’organise le film, mettant en scène son obsession de paternité. L’acteur est impressionnant. On sent bouillir en lui une rage rentrée, une accumulation de frustrations prêtes à exploser. Mélanie Doutey et Louise Bourgoin ont deux rôles difficiles. La première interprète une épouse sacrifiée, infertile et trompée. Le rôle de la seconde est plus ambigu : elle est à la fois le fruit défendu de la passion adultère et une femme qui a la tête sur les épaules, rappelant son amant à la réalité quand il se perd dans ses délires.

L’Enfant rêvé est un film à la facture très classique, sans flashback ni flash-forward, qui raconte sans se presser un drame familial. On sent confusément que son issue sera dramatique. On ignore qui de François, de Noémie ou de Patricia en sera la victime en redoutant qu’ils n’en soient les victimes tous les trois.

La bande-annonce