Sofia et Paul sont de gauche. Résolument. Lui est un vieux punk anarchiste, batteur dans un groupe dont la célébrité se résume à un clip sobrement intitulé « J’encule le pape ». Elle est une jeune beurette de banlieue qui, à force de travail, est parvenue à intégrer un brillant cabinet parisien d’avocats.
Sofia et Paul ont acheté une petite maison avec jardin à Bagnolet de l’autre côté du périphérique. Ils y ont scolarisé à l’école publique Jean-Jaurès leur fils Corentin. Mais les années passant, la qualité de l’enseignement à l’école publique se détériore conduisant les parents des camarades de Corentin à les transférer à l’école privée Saint-Benoît. Sofia et Paul sont confrontés à un dilemme : la fidélité à leurs convictions politiques ou l’éducation de leur enfant ?
De film en film, Michel Leclerc et sa co-scénariste Baya Kasmi se sont fait une spécialité de creuser les contradictions de la gauche. Avec autant d’intelligence que de tendresse. Sans une once de cynisme. On se souvient de l’éclatant succès de Le Nom des gens, César 2011 du meilleur scénario et de la meilleure actrice pour Sara Forestier. La Lutte des classes reproduit la même recette. Malheureusement le succès public n’est pas au rendez-vous. Car peut-être le pitch du film n’a pas su exciter la curiosité au delà de la question simple qu’il semblait poser : Jean-Jaurès ou Saint-Benoît ?
Il y a pourtant beaucoup d’intelligence dans La Lutte des classes. À commencer par son titre. Le film ne se réduit pas à interroger le choix des parents de l’établissement scolaire de leur enfant. Un choix qui, au demeurant, se tranche facilement : connaissez-vous une famille qui, au nom de ses convictions politiques, a sciemment choisi de sacrifier la scolarité de ses enfants ?
Comme il l’avait fait dans Le Nom des gens ou dans Télé gaucho, Michel Leclerc interroge le vivre-ensemble, la mixité sociale et les limites plus ou moins fondées qu’on y met, la laïcité, la liberté individuelle, la vie de couple. La barque pourrait sembler bien chargée. Elle ne l’est pas grâce à un scénario très fluide qui n’est ni moralisateur ni simpliste. Si des questions graves sont traitées, le parti systématique est d’en rire sans vulgarité. Les personnages sont toujours justes, qui ne se réduisent jamais à leur caricature, à commencer par Édouard Baer – que je trouve parfois horripilant mais qui ne l’est pas ici – et par Leïla Bekhti qui confirme, huit ans après son César du meilleur espoir féminin, qu’elle fait désormais partie de la cour des grand.e.s
Pourquoi le public français plébiscite-t-il Qu’est ce qu’on a [encore] fait au Bon Dieu, pas drôle et vulgaire, et boude-t-il La Lutte des classes ?