Le Vent de la liberté ★★☆☆

En 1979, le communisme impose sa loi d’airain en Allemagne de l’Est, claquemurée derrière un mur infranchissable. Quelques esprits rebelles rivalisent d’ingéniosité pour le franchir. Les Strelzyk et les Wetzel imaginent de le faire par la voie des airs, en montgolfière. Une première tentative échoue de justesse.

Les films sur l’Allemagne de l’est communiste constituent un genre à part entière. Good Bye Lenin ! et La Vie des autres en constituent les deux modèles les plus réussis, le premier exploitant la veine douce amère de l’Ostalgie, le second constituant au contraire une critique au scalpel d’un régime construit sur l’espionnage systématique de tous par tous. Mais ils ne sont pas les seuls : Barbara (2012), De l’autre côté du mur (2014), La Révolution silencieuse (2018) examinent toutes les modalités de la résistance à un ordre communiste implacable.

Inspiré de faits réels – qui avaient déjà fait l’objet dès 1982 d’une adaptation hollywoodienne oubliable avec John Hurt dans le rôle principal – Le Vent de la liberté a le même potentiel dramatique que ces films là. Sans craindre de verser dans le manichéisme, il met en scène des héros positifs en sécession face à un ordre liberticide. Il reconstitue une évasion éminemment cinématographique.

Mais, pour donner plus de piment à la narration, les scénaristes ont été contraints d’accumuler les invraisemblances. Dans la réalité, les Strelzyk et les Wetzel ont construit une montgolfière, y sont montés et ont volé jusqu’en RFA. Dans le film, cette évasion, certes héroïque et dangereuse, mais chiche en rebondissements, se transforme en thriller – auquel on juxtapose pour faire bonne mesure une histoire d’amour superflue entre l’aîné des Strelzyk et la fille du chef de la Stasi locale. On peine à croire que l’armée est-allemande placée en état d’alerte n’arrive pas à repérer une montgolfière dans le ciel et que son aviation échoue à l’abattre. C’est pourtant le cas pour ménager l’happy end couru d’avance.

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Santiago, Italia ★★☆☆

En 1973, lorsque la junte de Augusto Pinochet renverse le gouvernement de Salvador Allende et arrête en masse ses supporters, des réfugiés politiques affluent dans les ambassades étrangères de Santiago en quête de protection. L’ambassade d’Italie leur a ouvert ses portes.
Nanni Moretti revient sur cette page méconnue de l’histoire italienne à la résonance particulière à l’heure de l’arrivée au pouvoir à Rome d’une coalition de partis extrémistes et xénophobes.

Santiago, Italia est un documentaire à la facture très classique. Il pose lentement le cadre de son sujet : l’élection surprise de Salvador Allende à la tête du Chili en septembre 1970 et l’enthousiasme qu’elle suscite dans la population, le programme socialiste qu’il met en œuvre (nationalisation de l’industrie, augmentation des salaires, réforme agraire…) et l’hostilité qu’il rencontre de la part de la haute bourgeoisie, de l’armée et des États-Unis, le coup d’État militaire ourdi par le général Pinochet et la mort mystérieuse (suicide ? assassinat ?) de Salvador Allende.

C’est seulement dans sa seconde partie que Santiago, Italia en vient au cœur de son sujet. Au centre de Santiago, la résidence de l’ambassadeur d’Italie offre un havre inespéré aux opposants poursuivis par la junte. Alors que les autres ambassades referment leurs portes les unes après les autres, Rome, qui refuse de reconnaître le pouvoir chilien, leur accorde l’asile politique. Escortés jusqu’à l’aéroport, ils obtiennent un billet pour l’Italie où ils sont allés faire leur vie.

Ce documentaire passerait inaperçu s’il n’était l’œuvre d’un des réalisateurs italiens les plus célèbres, Nanni Moretti, dont la juste colère contre les errements de son pays ont jusqu’à présent emprunté la voie de la fiction : ainsi du Caïman, satire mordante du régime ubuesque de Silvio Berlusconi.

Santiago, Italia n’aurait guère qu’un intérêt historique s’il ne trouvait un écho particulier dans la situation actuelle de l’Italie. Après l’élection en mars 2018 d’un parlement sans majorité claire, une coalition est formée entre la Ligue et le Mouvement 5 Étoiles, deux partis extrémistes qui n’ont guère en commun que leur hostilité au « système ». L’hospitalité dont fit preuve la représentation italienne au Chili en 1973 contraste douloureusement avec la xénophobie généralisée actuelle. Elle contraste aussi avec l’image sombre et violente qui s’est progressivement formée dans les mémoires de l’Italie des années soixante-dix engluée dans les « années de plomb ».

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Tel Aviv on Fire ★★☆☆

Salam (Kais Nashif) est un Arabe israélien de Jérusalem. Chaque jour, il va travailler à Ramallah avec son oncle à une série télévisée à succès Tel Aviv on Fire dont le rôle principal est interprété par une vedette française (Lubna Azabal). Il se retrouve bientôt en charge de rédiger le scénario des derniers épisodes.
L’officier israélien qui dirige le check point par lequel Salam transite (Yaniv Biton) fait pression sur lui pour en modifier le dénouement et impressionner sa femme qui en est une spectatrice assidue.

Comme Elia Suleiman avant lui, Sameh Zoabi veut traiter par l’humour d’un sujet sérieux : l’impossible réconciliation israélo-palestinienne. Il le fait en prenant comme sujet le tournage d’une télénovela au succès fédérateur, regardée aussi bien dans les Territoires palestiniens qu’en Israël. Il le fait en prenant pour héros un Arabe d’Israël, à cheval entre deux identités, contraint à de pénibles trajets pendulaires de part et d’autre de la frontière. Il le fait sans jamais se départir d’une ironie douce, sans jamais céder à la tentation du didactisme démonstratif.

Le scénario de Tel Aviv on Fire est particulièrement sophistiqué. Il entrelace les épisodes de la vie de Salam – qui voit dans le travail qui lui est proposé la double occasion de sauver sa carrière professionnelle encalminée et de reconquérir la fiancée qui l’a quitté – et les épisodes joyeusement kitsch tournés avec trois bouts de ficelle de la série censée se dérouler en 1967 à la veille de la Guerre des six jours.

Pour autant, le spectateur scrogneugneu y trouvera à redire. Il ne résistera pas à l’assoupissement suscité par un scénario trop lent à se mettre en place. Il ne se déridera pas face à des gags pas vraiment drôles. Il trouvera bien paresseux une histoire aussi fade que celle du soap opera dont elle est censée reconstituer la genèse.

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We the Animals ★★☆☆

Jonah a dix ans à peine. C’est le cadet d’une fratrie de trois garçons. Sa mère d’origine italienne et son père portoricain se sont rencontrés à Brooklyn et ont laissé derrière eux des familles, qu’on imagine volontiers hostiles à leur rapprochement, pour vivre à la campagne dans le nord de l’État de New York.
Dans la torpeur de l’été américain, les trois garçons sont quasiment abandonnés à eux-mêmes par deux adultes absents, trop occupés à s’aimer passionnément et à se déchirer violemment. Le jeune Jonah a une passion : le dessin.

We the Animals est l’adaptation d’un court roman autobiographique de Justin Torres publié en français sous le titre Vie animale. Comme le livre, le film raconte l’histoire de cette famille atypique du point de vue de son cadet, témoin involontaire des disputes qui opposent ses parents et acteur inconscient d’une lente maturation qui l’amène à découvrir son homosexualité.

We the Animals est à cheval entre plusieurs genres : le documentaire, le drame familial, l’onirisme poétique des belles séquences animées inspirées des dessins au Crayola du jeune Jonah. Censé se dérouler dans les années quatre vingts, il est filmé, comme l’étaient les œuvres de l’époque, dans un beau 16mm qui rompt agréablement avec les tics de cadrage à l’épaule qui affectent la plupart des films américains indépendants.

Les distributeurs du film l’inscrivent dans la filiation écrasante de quelques chefs d’œuvre : Moonlight (pour la douceur de filmer des réalités violentes), Les Bêtes du sud sauvage (pour la description de jeunes enfants élevés en quasi liberté dans une nature complice), The Tree of Life (pour les envolées panthéistes de Terrence Malick). C’est sans doute lui faire trop d’honneur et nourrir de trop hautes espérances.

We the animals, s’il peine à trouver son rythme et manque parfois de plonger le spectateur dans l’ennui, réussit toutefois à le toucher par sa grâce, son élégance. Il sera sensible à son refus du misérabilisme. La dernière scène le marquera immanquablement.

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Walter ☆☆☆☆

Quatre kaïras et leur éducateur (sic) braquent un supermarché.
Mais ils se heurtent à Walter, un vigile pas commode.

Bienvenue à l’ère Youtube. Quelques ados qui se filment dans leur chambre accèdent parfois sur Youtube à une étonnante célébrité qui se chiffre en milliers, voire en centaine de milliers de likes. Il était hélas logique que le cinéma cherche à en tirer profit en leur proposant de passer devant la caméra. C’est ainsi que se monte Walter qui réunit les « Déguns » Karim Jebli et Nordine Salhi et Alexandre Antonio alias TonioLife.

Le résultat est affligeant. Walter est une comédie qui se voudrait drôle construite autour d’un scénario sans relief. S’il se bornait à ne pas nous faire rire, on en serait simplement navré. Mais, plus grave, ce film charrie un racisme ordinaire et une homophobie beauf qu’on n’imaginait plus de mise. Les jeunes « bras cassés » qui en sont les héros ont beau avoir leur stupidité comme excuse et leur célébrité sur Youtube pour caution, elles ne suffisent pas à les exonérer.

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C’est ça l’amour ★★★☆

La quarantaine bien entamée, Mario (Bouli Lanners) vit seul avec ses deux filles. Sa femme vient de le quitter. Niki, l’aînée, qui fêtera bientôt ses dix-huit ans, supporte vaillamment la séparation. Frida, la cadette, la vit plus mal. Mais, de tous, c’est Mario qui est le plus désemparé.

Il y a cinq ans, Claire Buger avait réalisé avec Girl Party un premier long métrage bouleversant, l’histoire d’une prostituée vieillissante au crépuscule de sa vie. Elle confirme cette première réussite avec son deuxième film, toujours tourné à Forbach, sa ville natale, mais cette fois ci avec des comédiens professionnels au premier rang desquels Bouli Lanners.

Il est formidable dans le rôle de Mario, cet homme déboussolé par le départ de sa femme, ce père aimant, follement attaché à ses filles. Son amour est si grand qu’il manque basculer dans la folie, maintenant le film sur le fil d’une violence contenue prête à exploser. À la fois nounours et mastodonte, Bouli Lanners a le physique de l’emploi, incarnant à la fois la force et la faiblesse.

Le sujet du film est tristement banal. Il a été traité plus souvent qu’à son tour dans le cinéma, et en particulier dans le cinéma français. Qu’on pense par exemple récemment à Jusqu’à la garde ou à Nos batailles. Le premier racontait avec une glaçante efficacité le harcèlement moral et physique d’un homme sur son ex-femme. Le second – qui n’est pas sans présenter bien des points communs avec C’est ça l’amour – faisait le portrait d’un homme s’efforçant de reconstruire sa vie après la disparition de son épouse.

C’est ça l’amour ne se résume pas au seul personnage de Mario. Film polyphonique, il répond à la question qu’il pose (pourquoi l’absence d’un point d’interrogation à la fin du titre ?) à travers plusieurs personnages. Si on ne la voit guère, Armelle incarne en deux ou trois plans une femme fatiguée, qui aime toujours ses enfants mais ne supporte plus de vivre avec son mari. L’aînée, Nikki, est plus positive, dans ses relations avec ses parents comme avec son copain. La cadette, Frida, est la plus émouvante. Déboussolée par le départ de sa mère, l’adolescente rebelle exprime son désarroi en désobéissant à son père. Parce qu’une camarade de classe lui témoigne de l’amitié, elle se déclare homosexuelle.

La difficulté d’un tel scénario est de lui trouver une fin. C’est ça l’amour s’en était trouvé une, bouleversante, sur fond d’adagio du concerto pour piano de Mozart. Hélas, la réalisatrice a cru bon d’y rajouter une autre scène finale dont elle aurait pu se passer.

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La Section Anderson ★★☆☆

1966. Le reporter de guerre Pierre Schoendoerffer est dépêché au Vietnam par Pierre Lazareff, le réalisateur de 5 colonnes à la Une, le magazine d’informations de l’ORTF. Le reporter de guerre qui avait combattu à Diên Biên Phu douze ans plus tôt et filmé La 317ème Section l’année précédente retourne en Indochine. Avec un caméraman et un preneur de sons, il est « embedded » pendant sept semaines dans une section de cavalerie héliportée.
La Section Anderson obtient l’Oscar du meilleur documentaire en 1968. Il était inédit en salles.

La Section Anderson donne une fallacieuse impression de déjà-vu. La vie au sein de la section rappelle Platoon. La musique diffusée par la radio militaire résonne avec Good Morning, Vietnam. Les ballets des hélicoptères ressemble à ceux de Apocalypse Now. Mais La Section Anderson est antérieure à tous ces films mythiques. En posant sa caméra au sein d’une section, Schoendoerffer crée sans le faire exprès l’iconographie qui inspirera tous les films sur la guerre du Vietnam des vingt années suivantes.

La Section Anderson filme sur le vif une guerre en train de se faire. Pas de grandes batailles, mais la vie quotidienne : les soldats lisent Mandrake, mangent, se douchent, partent en permission à Saïgon. On y voit des combattants, étonnamment jeunes – la moitié du contingent était composé d’appelés – dont le réalisateur égrène en voix off le nom, l’âge et l’origine géographique. Schoendoerffer écrira : « Je croyais retrouver l’Indochine, j’ai rencontré l’Amérique ». Une Amérique traversée par la question raciale : Joseph B. Anderson, qui dirige la section, est un officier noir fraîchement émoulu de West Point alors que les hommes sous ses ordres sont pour la plupart Blancs.

Filmé à l’ancienne, avec son noir et blanc et sa voix off, La Section Anderson  garde une étonnante modernité.

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Captive State ★☆☆☆

De mystérieux extra-terrestres ont envahi la planète. S’appuyant sur quelques collaborateurs, ils la gouvernent d’une main de fer. Mais la résistance s’organise.

S’il ne dispose ni du budget ni des têtes d’affiche de Hunger Games ou V pour Vendetta, Captive State a tout pour nous mettre en appétit : un univers dystopique totalitaire, des Aliens menaçants, des humains courageux… Thriller politique sur fond de science-fiction, Captive State fait l’éloge de la résistance civique face à un État totalitaire. Il a pour héros un jeune Noir (Ashton Sanders) dont la conscience s’éveille, un policier ambigu (John Goodman), une prostituée bibliophile (Vera Farmiga)…

Mais Captive State souffre d’un défaut de taille : son scénario est si complexe, son montage si confus qu’on n’y comprend goutte. À tête reposée, on réussit vaille que vaille à reconstituer la trame de l’histoire, au fond pas si compliquée voire franchement simpliste. Mais il est trop tard : peiner à comprendre un film dont on réalise finalement la vacuité n’est pas la meilleure recette pour séduire le spectateur.

La bande-annonce

Free Solo ★★★☆

L’escalade en solo intégral (« free solo ») est une technique d’alpinisme dans laquelle le grimpeur n’utilise aucune technique d’assurance.
Né en 1985, Axel Honnold est un des grimpeurs professionnels les plus célèbres au monde. Il a gravi en solo intégral plusieurs voies parmi les plus dangereuses au monde.
En 2017, il s’attaque à El Capitan dans le parc de Yosemite, une paroi verticale de neuf cent mètres de haut.
Jimmy Chin, un grimpeur professionnel lui aussi, le réalisateur de Meru, un documentaire Netflix, l’a filmé. Oscar 2019 du meilleur documentaire, diffusé sur National Geographic, il est inédit en salles.

Free Solo raconte une ascension époustouflante. Il le fait avec des images à couper le souffle. On imagine qu’elles ont été tournées par des drones avant d’apprendre qu’ils sont interdits dans le parc national de Yosemite. Ces images vertigineuses ont été tournées soit par des professionnels encordés, soit par des mini-caméras disséminées tout le long du parcours, soit par un hélicoptère à très haute altitude avec un zoom surpuissant.

Mais Free Solo n’est pas seulement l’histoire d’une ascension. C’est aussi le portrait d’un homme étonnant. Axel Honnold ne paie pas de mine. Il n’a pas la carrure d’un surhomme ou la musculature d’un bodybuilder. Sec comme une trique, il n’a pas non plus une technique qui défie les lois de la gravité, comme Patrick Edlinger, la star des années quatre vingts qui se suspendait aux parois verticales des calanques de Cassis par l’auriculaire.

Axel Honnold n’en est pas moins un homme hors du commun dont les ascensions trompe-la-mort nous laissent le souffle court et les mains moites. Un scanner révèle un complexe amygdalien original qui inhibe le circuit de la peur. Des tests de QI signalent une intelligence hors du commun qui lui permet une analyse fine du risque.
Le père d’Axel Honnold était, selon sa mère, affecté du syndrome d’Asperger. Axel lui-même était enfant d’une grande timidité. C’est cette timidité d’ailleurs qui l’a poussé très jeune vers la pratique solitaire de l’escalade.

La caméra, qui se fait indiscrète sans jamais être impudique, suit Axel dans sa vie quotidienne. Elle nous fait vivre au jour le jour sa vie de couple avec la charmante Sanni McCandless, une Californienne aussi belle que saine. Le couple est attendrissant : Axel est tout entier tendu vers la pratique de son art. Sanni l’adore et l’appuie. Mais cet amour le déconcentre autant qu’il l’épanouit.

On comprend à la fin de ce documentaire enthousiasmant que Axel Honnold aura révélé deux défis : la montagne et l’Autre.

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Still recording ★☆☆☆

Saeed et Milad sont deux jeunes Syriens pris dans le feu de la guerre civile. L’un est en école d’ingénieur, l’autre aux Beaux-Arts. En 2011, ils décident de s’engager aux côtés des opposants au régime de Assad.
Still Recording raconte quatre années de leur vie dans la résistance.

La guerre civile filmée par ceux qui la font.
On se tromperait en allant voir Still Recording pour comprendre le conflit syrien. En refusant tout commentaire explicatif, toute voix off, les réalisateurs tournent ouvertement le dos à toute visée pédagogique. Il ne s’agit pas de nous faire comprendre les causes de ce conflit, son évolution. Tout au plus voit-on que les rebelles s’opposent au régime d’Assad ; tout au plus perçoit-on par quelques allusions sa dimension religieuse qui oppose la majorité sunnite à une minorité alaouite ; tout au plus mesure-t-on à voir survoler les Mig russes sa dimension internationale. Mais on n’en apprendra pas vraiment plus.

L’essentiel du film n’est pas là. Il est dans la tentative désespérée de nous faire vivre la guerre de l’intérieur. Faire la guerre ce n’est pas tant livrer des combats épiques comme on en voit dans les films. Lorsque les obus pleuvent, lorsque les balles filent, les documentaristes, même les plus intrépides, courent aux abris. Faire la guerre, c’est vivre dans des immeubles en ruine, dans des conditions spartiates. Faire la guerre, c’est attendre, s’ennuyer, passer le temps en jouant aux cartes ou en écoutant la radio. Et puis, c’est un jour, comme ce fut le cas de quatorze documentaristes décédés auxquels le générique de fin rend hommage, prendre une balle perdue comme le montre la dernière séquence du film – qui semble toutefois un peu trop « parfaite » pour ne pas laisser suspecter une reconstitution.

Il faut donc saluer l’ambition de ce documentaire et son refus de tout sensationnalisme. Là où n’importe quel documentaire aurait filmé en gros plan les corps décomposés par les bombes chimiques, Still Recording détourne pudiquement le regard. Il n’en reste pas moins que ce récit, qui s’étire pendant plus de deux heures interminables, ne nous tient pas en haleine. Comme Filles du feu, le documentaire de Stéphane Breton sur les combattantes kurdes contre l’État islamique (EI) sorti l’an passé, Still Recording filme la guerre jusqu’à l’ennui.

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