À Manille, de nos jours, la police philippine mène une lutte sans merci contre les trafiquants de drogue. Bon mari, bon père, le lieutenant Espino est à la pointe du combat. Pour l’aider, il peut compter sur Elijah, son indic – un « alpha » dans l’argot policier.
Avec son titre à la Rambo et son pitch simpliste, Alpha – The Right to Kill n’a rien pour lui. D’ailleurs, quatre semaines après sa sortie, il a quasiment disparu des écrans. Mais ce serait oublier le talent de son réalisateur.
Brillante Ma Mendoza est le plus grand cinéaste philippin contemporain – c’est en vérité le seul que je connaisse, n’ayant jamais eu le courage de regarder les films de Lav Diaz dont les plus courts dépassent les deux cents minutes. Sa dernière réalisation Ma’Rosa, présentée à Cannes en 2016, avait valu à son actrice principale la Palme d’Or de la meilleure interprétation féminine.
On retrouve dans Alpha les mêmes décors que dans Ma’Rosa : les bidonvilles de Manille, l’inextricable lacis des ruelles qui les sillonnent filmées caméra à l’épaule dans d’impressionnants plans séquence. Mais le point de vue n’est pas tout à fait le même : si dans ces précédents films, Brillante Mendoza s’était intéressé aux petites gens et à leurs déboires face à un pouvoir autoritaire, il renverse ici la perspective en prenant pour héros un flic corrompu.
On a beaucoup reproché au réalisateur d’avoir pris parti en faveur du nouveau président philippin, Rodrigo Duterte, partisan de la manière forte pour démanteler les réseaux de trafic de drogue. On a même fait à Alpha le reproche de s’en faire la propagande. Je ne comprends pas ce mauvais procès. Je ne vois aucune complaisance dans la caméra de Mendoza. Au contraire : Alpha est une dénonciation implacable de la corruption qui gangrène, à tous les niveaux, la police philippine. Et la prise d’armes qui le conclut loin de lui rendre hommage stigmatise son cynisme.