Dans le petit port d’Aci Trezza, près de Catane, sur la côte Est de la Sicile, les Valestro vivent misérablement. Non que la pêche soit mauvaise, mais les mareyeurs captent la quasi-totalité de la marge.
Toni, le fils aîné de la famille, en charge de sa nombreuse fratrie depuis la disparition en mer de son père, revient du service militaire avec l’assurance et l’autorité qui lui permettent de prendre la tête de la révolte. Il décide de devenir propriétaire de sa barque et de commercialiser lui-même le produit de sa pêche. Le destin semble lui sourire quand il remonte un immense banc d’anchois. Mais, le jour suivant, l’équipage est pris dans une tempête qui détruit son embarcation.
Sans instrument de travail, Toni ne peut plus rembourser l’hypothèque qu’il avait contractée. La famille est expulsée. Sa fiancée se détourne de lui. Sa sœur n’a de solution que de se donner au brigadier.
La terre tremble est une œuvre phare dans le néo-réalisme italien. Luchino Visconti, qui s’était formé en France auprès de Jean Renoir, exploitait la même veine que Rossellini ou De Sica : raconter sans fard la vie du peuple et ses luttes. Compagnon de route du communisme, cet aristocrate milanais souhaitait adapter la grande saga du romancier vériste Giovanni Varga. Le projet comptait trois ou quatre volets – comme en porte la trace le sous-titre de La terre tremble : « Épisode de la mer ». Il s’agissait de montrer les travailleurs de la mer, des champs et de l’usine – en attendant un quatrième volet sur les habitants de la ville. L’insuccès de La terre tremble ne permit pas de mener à bien ce projet ambitieux.
Visconti a tourné sur les lieux mêmes de l’action à Aci Trezza. Le tournage fut long et difficile, comme en témoignent les carnets de ses deux assistants, Francesco Rosi et Franco Zeffirelli. Visconti employa des acteurs amateurs recrutés sur place pour assurer la crédibilité de son film. Mais, loin de se fier à leur spontanéité, il leur demandait, comme à de vrais acteurs, une parfaite maîtrise de leur texte. Le résultat est calamiteux : on sent chacun des personnages, à l’exception du héros Toni qui acquit sans doute au fil des prises une maîtrise que ses partenaires n’eurent pas le temps d’atteindre, engoncés dans leur rôle, ânonner leur texte. Par souci d’authenticité les acteurs s’expriment en dialecte sicilien, ce qui réduisit l’audience du film à sa sortie.
Prix international à la Mostra de Venise, La terre tremble ne sortit que quatre ans plus tard en France. À le voir près de soixante-dix ans plus tard, on comprend les raisons de l’insuccès de ce pesant manifeste de deux heures quarante (encore comptait-il vingt minutes de plus à l’origine). Tout y est sursignifiant, depuis la misère des Valestro jusqu’au sort qui s’acharne sur eux (on reconnaît le noir pessimisme qui inspira toute l’œuvre de Visconti que rien ne fascinait plus, de Senso à Ludwig, que l’implosion d’une famille). On est loin de l’authenticité, du charme, de l’émotion que font naître Allemagne année zéro, Le Voleur de bicyclette ou Riz amer.