Iya et Masha ont combattu dans les rangs de l’Armée rouge pendant la Seconde guerre mondiale. Surnommée « la girafe », Iya est une jeune femme sylphide embarrassée par son immense stature, une « longue perche » (Dylda en russe), une « tige de haricot » (Beanpole en anglais). La minuscule et rousse Masha a eu au front un enfant qu’elle a confiée aux bons soins de Iya dont les fréquentes crises de tétanie lui ont valu d’être démobilisée avant elle. Mais quand Masha revient à son tour à Leningrad et retrouve Iya dans l’hôpital militaire où celle-ci est désormais affectée au chevet de soldats lourdement handicapés, la réalité qu’elle découvre l’autorise à exiger de son amie un sacrifice exorbitant.
On avait découvert Kantemir Balagov en 2017 à Cannes avec Tesnota et on l’avait immédiatement classé parmi les grands realisateurs russes contemporains capables de vous chavirer l’âme en vous coupant le souffle : Sokourov, Zviaguintsev, Serebrennikov, Bykov, Loznitsa, Khlebnikov…
Deux ans plus tard, Balagov est de retour sur la Croisette, toujours dans la section Un Certain regard (je prends le pari que son troisième film sera en sélection officielle) qui lui décerne son Prix mérité de la mise en scène.
Une grande fille est un film dostoïevskien. Les personnages y sont hystériques, les situations dramatiques, les dilemmes cornéliens. Pas sûr que l’idée de situer l’action en 1945 fût pertinente : sans doute le scénario l’exigeait-il, mais la réalité de l’époque (pas une seule fois n’aperçoit-on l’effigie de Staline dont on sait pourtant l’encombrante omniprésence) semble moins intéresser le réalisateur que la psychologie de ses personnnages.
On trouvera peut-être à Une grande fille (pourquoi ce titre sans caractère ? « La Géante » n’aurait-il pas été plus fidèle à l’original et plus saillant ?) certaines longueurs. 2h17 c’est beaucoup. C’est peut être trop. Le film n’aurait pas perdu en efficacité à être plus ramassé.
Pour autant, il est difficile de ne pas reconnaître sa puissance. Une grande fille contient plusieurs scènes à couper le souffle : un homicide involontaire, un dîner de famille à couteaux tirés. On n’oubliera pas de sitôt le double mètre de Iya jouée par Viktoria Miroschnichenko, dont le visage rappelle Tilda Swinton et la taille Gwendoline Christie (l’interprète de Brienne de Torth dans GOT).