La Bonne Épouse ☆☆☆☆

La famille Van der Beck dirige depuis plusieurs générations, dans une demeure cossue des Vosges, une école ménagère qui enseigne à quelques jeunes filles à devenir de bonnes épouses. Mais quand son directeur (François Berléand) décède brutalement, il revient à son épouse (Juliette Binoche) de reprendre seule les rênes de l’établissement. Pour la seconder, elle ne peut guère compter que sur sa belle-sœur (Yolande Moreau), chargée des cours de cuisine, et sur une religieuse (Noémie Lvovsky) pénétrée des préceptes d’un autre temps. Le défi s’annonce difficile à relever : l’établissement se révèle grevé de dettes et le vent de révolte qui balaie la France en mai 68 pousse les jeunes filles à la rebellion. Mais Paulette van der Beck peut compter sur le soutien de son banquier (Edouard Baer) qui fut jadis son premier amour.

Les écoles ménagères ont existé. On y enseignait à des jeunes filles d’origine souvent modeste, auxquelles l’accès à l’enseignement général avait été refusé la cuisine, la couture, la puériculture, l’hygiène…

Dans une veine qui n’est pas sans rappeler Les Choristes de Christophe Barratier, Martin Provost (Sage femme, Violette, Séraphine…) en ressuscite la mémoire pour gentiment s’en moquer. La cible est facile tant rétrograde était l’enseignement qui y était dispensé. Considérer La Bonne Épouse comme un brûlot féministe à l’heure où #MeToo et l’affaire Polanski rebattent les cartes des relations hommes-femmes est sans doute excessif. Sa seule ambition est de faire rire.

Et c’est bien là que le bât blesse. Il y a certes dans le film quelques scènes drôles. Sa bande-annonce les a pour la majorité déflorées. Dans une salle remplie de spectateurs hilares du troisième âge, les outrances de Juliette Binoche (dont je ne comprends, après l’avoir vu dans le calamiteux Ma Loute, comment on peut penser qu’elle ait le moindre potentiel comique), les roucoulades de Yolande Moreau, les beuglantes de Noémie Lvovsky et la partition sans surprise d’Edouard Baer ne m’ont pas arraché un sourire. Est-ce le signe que je suis désespérément cul-serré ? ou – hypothèse plus optimiste que je préfère largement – que je n’ai pas encore atteint l’âge où ces pitreries pas drôles me feront rire ?

La bande-annonce

Chut…! ★☆☆☆

Alain Guillon et Philippe Worms ont posé leur caméra à la bibliothèque municipale de Montreuil pendant plusieurs mois. Ils y ont filmé une équipe de jeunes bibliothécaires, dynamiques et conscientisés, un public bigarré qui vient y chercher qui un livre, qui un endroit pour travailler, qui un lieu chaud pour s’abriter des frimas de l’hiver. Ils y ont filmé Ahmed, le sympathique agent d’accueil qui a un mot gentil pour chacun et un tour de magie pour tous. Ils y ont filmé les expositions temporaires, les cours d’initiation à l’informatique pour les seniors et les ateliers de conversation pour les apprenants de la langue française.

Chut…! souffre de l’ombre portée de Ex Libris l’immense documentaire que Frederik Wiseman, sans doute le plus grand documentariste vivant, avait consacré, il y a deux ans à peine à la New York Public Library. New York vs. Montreuil, 3h18 vs. 1h47, Wiseman vs. Guillon & Worms : le match était perdu d’avance.

Chut…! est construit autour d’un joli paradoxe annoncé par son titre et par son affiche. Une bibliothèque municipale n’est pas une cathédrale silencieuse vouée au culte intimidant du savoir. C’est un lieu de vie où les populations se rencontrent, un oasis de gratuité dans nos sociétés capitalistes, un espace de valorisation respectueuse de toutes les cultures dans une ville bigarrée marquée par les vagues successives d’immigration malienne et indochinoises et en voie de boboïsation avancée.

Difficile de trouver à redire à ces beaux principes. Difficile de ne pas se laisser séduire par les jeunes bibliothécaires, pleins d’enthousiasme, qui vivent leur métier avec une telle foi, comme si chaque jour était le premier.

Difficile aussi, quand on est un vieux scrogneugneu comme moi, de ne pas trouver un peu excessif le déploiement d’autant de bien-pensance.

La bande-annonce

Si c’était de l’amour ★☆☆☆

Le documentariste autrichien Patric Chiha, déjà remarqué pour Brothers of the Night sorti début 2017, a filmé Crowd, la création de la chorégraphe Gisèle Vienne pour quinze danseurs. Crowd raconte l’histoire de participants à une rave party qui évoluent au ralenti et tissent entre eux des relations d’amour et de haine, exacerbées par la musique rythmique, le bruit assourdissant, l’épuisement.

Patric Chica a filmé la pièce ; il l’a suivie en tournée ; il a filmé les danseurs. Mais Si c’était de l’amour ne ressemble en rien à un documentaire qui filmerait les levers de rideaux, les coulisses, les danseurs angoissés avant le spectacle ou délivrés après.

Si c’était de l’amour gomme la frontière entre le spectacle et ses coulisses. Il nous explique combien les acteurs peinent à faire la différence entre l’un et l’autre. Il montre ce qu’ils apportent sur le plateau et ce qui les lestent quand ils le quittent. Il procède par plans très serrés, filmant les corps au plus près comme jamais on ne les voit depuis la salle, fût-on assis au premier rang.

Si c’était de l’amour nous fait découvrir une pièce magnifique et nous plonge dans les arcanes de sa création. Il est moins convainquant dans son autre volet : les confessions successives et vite répétitives des danseurs ne nous apprennent pas grand chose sur la beauté de leur art.

La bande-annonce

Oskar et Lily ★★☆☆

Oskar, Lily et leur mère sont réfugiés tchétchènes. Ils vivent en Autriche depuis six ans et se sont bien intégrés. Leur père a été expulsé. Et ils sont sur le point de l’être quand la police vient les arrêter. Pour retarder leur expulsion, leur mère fait une tentative de suicide qui conduit à son hospitalisation et à leur placement dans deux familles d’accueil. Oskar est recueilli par une famille de professeurs bobos écolos vegans, imbus de leur bonne conscience, qui ont un enfant en bas âge et hébergent une grand-mère parkinsonienne. Lily, elle, est placée chez une femme célibataire en mal de maternité.

Le pitch d’Oskar et Lily, son affiche, son sous-titre m’inspiraient les plus expresses réserves. Pour être honnête, il ne figurait pas parmi mes priorités de la semaine. Mais, ma boulimie cinéphilique du week-end – en attendant que le niveau 3 du Covid-19 ne ferme les salles – l’a placé sur mon chemin. Dois-je le regretter ?

Certes Oskar et Lily n’a pas l’âpreté de Illegal, un formidable film belge de Olivier Masset-Depasse, sorti en 2010, avec Anne Coesens et hélas passé inaperçu qui mettait en scène une mère russe et son fils sous le coup d’un arrêté d’expulsion – un film auquel je me suis longuement référé dans ma communication « Schengen au cinéma » aux VIIèmes rencontres Droit et cinéma de La Rochelle en 2014 (c’était ma minute d’auto-promotion) . Il n’a pas non plus celle de Oleg, sorti l’automne dernier, qui mettait en scène un immigré letton quasiment réduit à l’esclavage en Belgique.

Mais Oskar et Lily parvient à dépasser son point de départ misérabiliste. Certes, le film nous réserve son lot de séparations dramatiques et de retrouvailles larmoyantes. Certes, les deux jeunes enfants portent une image un peu trop lisse, un peu trop parfaite. Mais Oskar et Lily ne sombre pas dans la mièvrerie ni dans le manichéisme. Le mérite en revient largement aux deux jeunes acteurs qui, bien dirigés, évitent le cabotinage.

La bande-annonce

Monos ★★★☆

Les Monos forment une escouade d’enfants-soldats aux noms de guerre : Perro, Lobo, Patagrande, Lady, Sueca, Rambo, Boom-Boom, Pitufo… Stationnés au sommet d’une montagne, au-dessus des nuages, dans un froid désolant, ils sont chargés de surveiller une otage américaine. Ils n’ont pour seul lien avec leur hiérarchie que les visites ponctuelles d’un gradé, un nain autoritaire, qui vient les inspecter et les ravitailler. Livrés à eux-mêmes, les enfants chassent l’ennui comme ils le peuvent.

La Colombie n’est pas réputée pour être une terre de cinéma. Pourtant, nous viennent ponctuellement de ce pays d’Amérique latine, plus connu pour sa cocaïne et son café que pour ses films, de temps en temps quelques réalisations remarquables. Après Matar a Jesús, sorti au printemps 2019, qui mettait en scène une jeune fille des beaux quartiers de Medellin et le sicario qui avait exécuté  son père, nous arrivent sur les écrans français, à moins de deux semaines de distance deux films de Colombie qui nous présentent deux facettes antagonistes de ce pays kaléidoscopique. Sorti le 19 février, Une mère incroyable se déroule dans les gratte-ciels de Bogota et dresse le portrait d’une femme, écartelée entre le cancer terminal de sa mère et l’éducation de son fils qu’elle doit assumer seule.

Monos est tout l’inverse. Il a pour cadre les hauts plateaux andins, avant de plonger, par une ellipse saisissante, dans la touffeur de la jungle amazonienne. Pèsent sur lui le souvenir écrasant de Apocalypse now (la folie de la guerre au cœur des ténèbres équatoriaux), Aguirre, la colère de Dieu (la jungle amazonienne qui rend fou) et Sa majesté des mouches (l’incroyable cruauté d’enfants abandonnés à eux-mêmes). Mais il réussit néanmoins à laisser entendre sa voix originale.

Le pitch du film est si puissant que Monos courait le risque de la paresse : faire du sur-place, nous montrer jusqu’à l’ennui, une troupe d’enfants-soldats qui s’ennuie. mais le scénario évite ce péril et raconte une histoire qui nous maintient en haleine du début jusqu’à la fin. Une fin haletante et admirable où se dénouent tous les fils narratifs entrelacés par le récit et qui pose une question d’une brûlante actualité : que faire de ces enfants détruits lorsqu’ils reviennent à la vie civile ?

La bande-annonce

Judy ★☆☆☆

Judy n’est pas un biopic qui raconterait la vie de la « petite fiancée de l’Amérique » depuis ses premières apparitions sur les planches à l’âge de deux ans seulement, son triomphe dans Le Magicien d’Oz en 1937 jusqu’à sa mort en 1967, à quarante sept ans à peine, trop tôt vieillie par l’alcool, les médicaments, une vie d’excès et quatre divorces.
Judy se concentre sur l’ultime tournée de l’artiste à Londres, où elle garde encore quelques vieux admirateurs alors que sa réputation en Amérique s’est fanée. Sans toit, sans argent, elle accepte ce contrat pour retrouver la garde de ses enfants que leur père lui dispute.

Judy sort tardivement sur les écrans français auréolé de la moisson de récompenses glanée par son actrice principale. Renée Zellweger a tout gagné : l’Oscar, le Golden Globe, le Bafta… Si les Césars avaient récompensé la meilleure actrice dans un film étranger, nul doute que le trophée lui aurait été décerné, suscitant moins de polémique que celui du meilleur réalisateur.

Alors, bien sûr, on n’aura pas le culot de dire que Renee Zellweger joue mal. Sa performance est bluffante. Elle s’est appropriée le rôle. Elle incarne Judy, ses gestes, sa voix. On ne voit qu’elle – au risque d’oublier un peu vite les autres acteurs, et notamment la toujours juste Jessie Buckley déjà remarquée dans Chernobyl, Wild Rose et Jersey Affair.

Si on peut faire des reproches à Judy, c’est sur deux autres plans.

Le premier est celui de ces films tout entier organisés autour de la reconstitution, aussi fidèle que possible d’un homme et de son époque. Avec les progrès de la technique, on peut se demander quel avenir ils ont. Dès lors qu’on pourra, à partir de photos et d’images d’archives, utiliser le visage d’un personnage historique pour l’incruster dans un film, quel intérêt de demander à un acteur aussi talentueux soit-il d’essayer à tout pris de lui ressembler et d’en copier la moindre mimique ? Comme la peinture a dû se repenser après l’invention de la photographie, un certain cinéma est condamné à l’obsolescence par la motion capture.

Le deuxième est moins structurant. Il s’agit du sujet du film : une star de cabaret qui interprète à la fin des années soixante des standards démodés. Démodés en 1967, les tubes chantés par Judy Garland ne le sont pas moins cinquante ans plus tard. Il n’y a guère de glamour dans les numéros de cabaret, pauvrement chorégraphiés, qu’on nous montre. Et quand on entend enfin le si longtemps retardé Over The Rainbow, on est partagé entre l’émotion et le soulagement de savoir que le film touche enfin à sa fin.

La bande-annonce

La Communion ★★★☆

Daniel a vingt ans. Il a passé une partie de son adolescence dans un centre de redressement pour un crime qu’il a commis quelques années plus tôt après une nuit de beuverie. Les violences y sont permanentes. Les messes dominicales du père Tomasz y constituent une rare parenthèse. Daniel voudrait entrer au séminaire à sa libération ; mais son casier l’en empêche. Père Tomasz lui trouve un emploi dans une menuiserie à l’autre bout de la Pologne. Mais, à son arrivée sur les lieux, par un concours de circonstances, Daniel se trouve devoir remplacer le curé, parti en cure de désintoxication. Le jeune homme s’investit entièrement dans son ministère et s’emploie à cicatriser les blessures de la communauté laissées ouvertes par un accident qui a fauché sept de ses habitants. Il vit toutefois dans l’angoisse d’être démasqué.

À moi qui chougne souvent, avec un insupportable snobisme, que tel ou tel film emprunte des sillons déjà largement défrichés, ressasse un thème rebattu ou répète sans originalité des situations trop souvent vues, reproche qui m’autorise subséquemment à dérouler une liste de films similaires que la majorité de mes lecteurs n’ont pas vus et dont la quasi-totalité se fiche éperdument, voilà de quoi rabaisser mon caquet : le scénario de La Communion (Corpus Christi dans son titre polonais) sort des sentiers battus et je serais bien en peine de citer des films qui s’en rapprochent.

Le film baigne dans une ambiance dérangeante. Il est en même temps très violent, depuis sa toute première scène jusqu’à son plan final qu’on n’oubliera pas de sitôt, et d’une grande douceur. Il est à la fois empreint d’une profonde religiosité et outrageusement profane. Car il a pour héros un faux prêtre, un imposteur, qui endosse une soutane qu’il n’a pas le droit de revêtir, mais aussi un homme profondément inspiré qui s’est construit une relation au divin autrement plus spontanée et sincère que celle générée par les lourdeurs du dogme.
Le jeune Bartosz Bielenia est époustouflant dans le rôle principal. Mi-ange, mi-démon, son physique androgyne rappelle, comme le note finement la critique du Monde, à la fois James Dean et Jean Seberg.

La Communion est tendu par un suspense : l’imposteur sera-t-il démasqué ? Ce seul fil ne suffisant pas, le scénariste en a tissé un autre : le faux prêtre réussira-t-il à réconcilier entre eux les membres d’une communauté déchirée par un tragique accident ? Ce second fil est peut-être moins intéressant que le premier. D’autant que s’y greffe une histoire d’amour téléphonée et prévisible entre le jeune homme et une ouaille séduisante.

La Communion a remporté un succès étonnant en Pologne, y dépassant le million de spectateurs.

La bande-annonce

De Gaulle ★★☆☆

Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, le colonel De Gaulle commande à Metz un régiment de chars de combats. Placé à la tête d’une division cuirassée, il tient tête en mai 1940 dans l’Aisne à l’attaque allemande mais doit se replier faute de renforts. Le 6 juin, il est appelé au gouvernement par Paul Reynaud, le président du Conseil. Promu général de brigade à titre temporaire, il y occupera éphémèrement les fonctions de sous-secrétaire d’État à la guerre. Il a pour mission de coordonner l’action avec le Royaume-Uni de Churchill où il se rendra deux fois, les 9 et 16 juin, pour y rencontrer Churchill, qui renâcle à gaspiller ses forces dans une bataille qu’il sait perdue d’avance. Quand le 17 juin, à Bordeaux, De Gaulle apprend la démission de Reynaud, la nomination de Pétain et l’imminence de l’armistice, il prend une décision irréversible : gagner Londres et y poursuivre le combat.
Pendant ce temps, dans la France de l’exode, sa femme Yvonne et ses trois enfants, Philippe, Elisabeth et la petite Anne, lourdement handicapée, tentent de le rejoindre.

De Gaulle n’est pas un biopic qui raconterait la vie du général de sa naissance à Lille en 1890 à sa mort à Colombey en 1970, un an après la démission du fondateur de la Cinquième République. De Gaulle se focalise sur les quelques jours de juin 1940 durant lesquels se décide le destin du grand homme. Ce choix n’est guère critiquable tant il sert le propos du film : montrer qu’il est des situations, fort rares, où l’homme, à force de volonté, peut changer le cours des choses.

Un autre choix du film est en revanche plus contestable. Celui d’humaniser le général. Cela commence dès le premier plan du film, pour le moins surprenant, où , dans des tons que n’aurait pas désavoués David Hamilton, on voit Charles et Yvonne batifoler sous des draps printaniers. Cela continue avec l’accent lourdement mis sur la petite Anne, atteinte de trisomie 21, et sur l’affection que lui portait son père.

On sait que Charles De Gaulle, tout entier consacré à son destin providentiel, manifestait pour sa famille un amour très retenu. Pourquoi avoir voulu le peindre en mari idéal et en père aimant ? On sait qu’Yvonne Vendroux, de dix ans sa cadette, avait été élevée dans une stricte éducation catholique et dans le culte du vouvoiement. Pourquoi lui avoir prêté les traits de la charmante Isabelle Carré ? Pourquoi sous-entendre que derrière chaque grand homme se cache une femme alors qu’on sait le peu de place que Mme De Gaulle a occupé dans les décisions de son mari (sinon, me souffle mon cadet qui a lu tous ses livres, dans son acharnement à refuser au divorcé Romain Gary le poste d’ambassadeur qu’il espérait).

On se fiche de savoir comment la famille De Gaulle a réussi à traverser la France en juin 40, une odyssée périlleuse que, peu ou prou, des millions de Français ont vécu dans des conditions similaires. On était autrement intéressé du parcours du général qui prend le risque insensé de désobéir pour aller poursuivre à Londres une guerre que ses chefs avaient décidé d’arrêter. Hélas sont à peine esquissés les motifs de sa décision téméraire : un patriotisme exacerbé et la haine de l’envahisseur ? l’attachement à la démocratie chez ce tiède républicain ? la conviction rationnelle que le conflit serait mondial et que la force mécanique des Allemands cèderait devant celle, supérieure des Alliés ?

Post scriptum : Un collègue honoraire, qui connaît la biographie de De Gaulle mieux que personne, me signale de nombreuses erreurs historiques :
1. La famille de Gaulle n’a pas rejoint Londres en bateau depuis Brest, mais par un avion envoyé spécialement par le Gouvernement britannique. Une première tentative de rapatriement à échoué et le pilote comme le copilote ont été tués. La seconde tentative a été la bonne.
2. De Gaulle ne s’est pas rendu en Bretagne pour voir sa famille le 15 ou le 16 juin 1940 avant de rejoindre Londres le 16 juin, pour négocier la fusion de la France et du Royaume-Uni.
3. Il a été déchu de la nationalité française le 8 décembre 1940 en non en juillet. Le film aurait pu en revanche faire état de sa condamnation à mort par le tribunal militaire de Clermont-Ferrand le 2 août 1940.
4. Le film est muet sur le conseil suprême interallié du 11 juin 1940 à Briare, auquel assistaient Churchill, le cabinet de guerre britannique et la tête du Gouvernement français avec Paul Reynaud et de Gaulle, plus Pétain et Weygand.
5. De Gaulle ne quitte pas Mérignac pour Londres de nuit, mais le 17 juin dans la matinée. Il n’est pas seul avec Chodron de Courcel, mais aussi avec le général Spears envoyé de Chuchill auprès du Gouvernement français. 

La bande-annonce

2040 ★☆☆☆

Il y a deux ans, l’acteur-producteur-réalisateur australien Damon Gameau avait suivi un régime pauvre en graisse et riche en sucres à base de barres chocolatées et de smoothies. Le résultat après soixante jours : un surpoids de onze kilos, des boutons, une humeur en dents de scie et un documentaire distrayant sur les méfaits d’une alimentation déséquilibrée. Deux ans après Sugarland, Damon Gameau revient sur les écrans avec un documentaire similaire dans la forme sinon dans l’objet.

2040 est une utopie optimiste. À rebours des discours apocalyptiques qui égrènent les mille et un fléaux qui ne manqueront pas de s’abattre sur notre malheureuse planète si nous ne renversons pas sa dérive anthropocène, 2040 se veut positif. Il ne s’agit pas de se lamenter sur les problèmes, mais de se réjouir des solutions qui existent déjà et qui pourraient, si elles était mises en oeuvre, rendre notre futur meilleur.

2040 est construit selon le même schéma que Demain, le documentaire écolo de Cyril Dion et Mélanie Laurent qui avait, en 2016, remporté un succès mérité. Damon Gameau fait le tour du monde pour chercher, secteur par secteur (énergie, transport, agriculture…) des solutions concrètes aux défis posés par la dégradation de l’environnement. Il les trouve et il les décrit : énergie solaire, véhicules électriques alternatifs, permaculture marine, agroforesterie… Damon Gameau imagine pour chacune leur application et leurs bénéfices à vingt ans.

2040 se présente sous la forme d’une lettre ouverte écrite par Damon Gameau à sa fille de quatre ans, Velvet. C’est l’occasion de séquences familiales attendrissantes autour de la charmante fillette – que la fillette reverra probablement avec une moue renfrognée dans une dizaine d’années. C’est surtout l’occasion de rabâcher une formule mille fois répétée sur le défi intergénérationnel lancé à nos générations de consommateurs inconscients : « Nous n’héritons pas de la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ».

2040 se présente comme un documentaire pédagogique et volontiers ludique où le réalisateur se met en scène dans une succession de mini-reportages. Ils sont tous construits selon le même schéma répétitif : 1. La planète est en danger 2. Les solutions existent. 3. À nous de les mettre en oeuvre sans tarder. Une approche instructive, stimulante… mais un brin naïve.

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Wet Season ★★☆☆

Ling est une Chinoise de Malaisie qui s’est installée depuis une dizaine d’années à Singapour. Elle y vit avec son mari, qui, au fil du temps s’est lentement éloigné d’elle, et avec son beau-père lourdement grabataire. Elle suit sans succès un protocole médical exigeant pour avoir enfin un enfant. Elle enseigne le chinois dans un lycée de garçons. C’est là qu’elle rencontre un de ses étudiants, Wei Lun.

Coïncidence des calendriers, Wet Season arrive sur les écrans français trois semaines après La Beauté des choses, un film suédois qui racontait déjà la relation amoureuse entre une professeure et son étudiant. Ce film-ci datait de la fin des années 90 ; celui-là est contemporain. Celui-ci nous vient d’Europe, celui-là d’Asie. Deux façons donc, différentes dans le temps et dans l’espace, d’évoquer le même sujet.

La première différence est la façon dont est traitée la sexualité. Elle est omniprésente dans le film suédois, joyeuse, libérée. De là à dire que nous autres, Européens, sommes libidineux, il n’y a qu’un pas que je n’oserai franchir. Rien de tel dans le film singapourien où la relation entre Ling et Wei Lun est quasiment platonique. La moiteur équatoriale annoncée par le titre n’est pas au rendez-vous.

La seconde – qui n’est pas sans lien avec la première – est la place respective de l’individu et de la famille. Sans exagérer les différences (les deux films leur donnent à l’une comme à l’autre une place importante) et risquer les raccourcis caricaturaux, les déterminants familiaux sont plus importants dans le film asiatique que dans le film européen. Ling est engluée dans une famille qui l’étouffe – un mari de plus en plus absent, un beau-père de plus en plus malade. Elle cherche avec Wei Lun le fils qu’elle ne parvient pas à concevoir. Wei Lun quant à lui, dont les parents sont cruellement absents, cherchent en Ling une mère de substitution.

Wet Season est entièrement filmé du point de vue de Ling, tissant le beau portrait d’une femme en plein désarroi, confrontée à des choix existentiels : quitter son mari ? retourner en Malaisie auprès de sa mère ? avoir un enfant ? Seul défaut de ce parti pris : laisser dans l’ombre la figure de Wei Lun réduit à un rôle accessoire.

La bande-annonce